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Paris,

le 22 décembre 2015

Lorsque j’ai interviewé AA Bronson, je lui ai demandé qui je devrais interviewer. Il a surtout mentionné Vincent Simon et le travail qu’il faisait en ce moment avec Septembre éditions. Il avait en effet publié un zine et un livre d’artiste d’AA Bronson ainsi que toute une série de zines surdimensionnés intitulés Gayhouse. Après cette interview, Vincent Simon a créé le Salon du Livre des Assises de Paris avec Vincent P. alias Mahieddine Bachtarzi. Ce dernier ayant décidé de passer à autre chose, Vincent Simon gère désormais le salon seul.
Bonjour, peux-tu commencer par te présenter, nous dire qui tu es ?

Je m’appelle Vincent Simon, je suis, disons, un éditeur de livres d’art qui travaille et vit à Paris. Je dirige une maison d’édition indépendante de livres d’art appelée Septembre éditions, que j’ai créée en 2006. J’ai commencé à faire des publications vers 2001-2002 lorsque j’ai créé un fanzine queer appelé Chico. C’était mon imitation du papier avec Xerox et des choses comme ça.

Peux-tu nous parler de tes publications ? Quel genre de matériel peut-on y trouver ?

Lorsque je publiais ce fanzine, j’ai commencé à travailler avec des artistes. Et j’ai découvert que c’était quelque chose de très excitant de faire des publications avec des artistes. C’est pourquoi j’ai créé ce métier d’éditeur en 2006, car je voulais travailler sur des projets spécifiquement conçus en collaboration avec un artiste. J’ai donc commencé à faire des livres monographiques et des livres d’artistes. En gros, cela fait 10 ans que je publie des livres créés en collaboration avec des artistes visuels.

Pourquoi fais-tu cela ? Quel est ton intérêt pour l’édition indépendante et pour te publier toi-même ?

Je m’intéresse à l’art et surtout aux éditions et à l’art publié. Par exemple, j’aime beaucoup les cartes postales, parce que tu as le nom, le message, la création, mais c’est tellement décontracté et facile à utiliser. Mais la raison pour laquelle je fais de l’édition est que je ne suis pas tellement intéressé par l’unicité de l’œuvre d’art. Je suis plus intéressé par la série, la publication des œuvres d’art.

Pourquoi tes publications ont-elles ce format spécifique ?

Ok, en 2009, j’ai décidé de créer une sorte de publication gay que j’ai décidé d’appeler Gayhouse. Parce que c’était l’époque où beaucoup de gens étaient inspirés par Butt, le soi-disant fanzine néerlandais, qui est vraiment génial. Mais la plupart des gens qui étaient inspirés par Butt faisaient des choses censées être post-gay ou post-identité ou je ne sais pas. Et je me disais : « C’est vraiment n’importe quoi. Je veux faire quelque chose, mais vraiment exagérément gay ». Et j’ai décidé de créer un magazine où je ne serais pas rédacteur en chef, mais juste un éditeur. J’inviterais un artiste à réaliser un numéro du magazine comme une sorte de livre d’artiste. C’est ainsi que j’ai choisi ce format de magazine, qui ressemble davantage à un livre d’artiste, un projet étrange et spécifique d’un artiste.

Nous sommes ici à Montparnasse au Select, peux-tu me dire pourquoi tu as choisi cet endroit ?

Je crois que la première fois que j’ai entendu parler de cet endroit, c’était quand je vivais à Bordeaux. Il y avait une émission politique sur la radio publique française qui se déroulait au Select. J’aime la dimension exclusive de ce nom. Il n’a pas été pris par le commerce mondial. Il a aussi une histoire particulière, car il existe depuis les années 1920 ou quelque chose comme ça. Léon Trotsky avait l’habitude de venir ici lorsqu’il vivait à Paris dans les années 1910. Marguerite Duras était aussi une familière de cet endroit.

Super Merci beaucoup Vincent.

Merci à toi.

Au début du projet, je pensais que personne ne regarderait une vidéo de plus de 5 min, je continuais donc le dialogue hors caméra en enregistrant juste l’audio. Les échanges s’en trouvaient parfois libérés de la raideur qu’on peut avoir lorsqu’on pointe une caméra sur vous.
Et du coup, AA tu l’as rencontré comment ?

Eh bien, quand on a fait ça. Je voulais créer une publication gay indépendante et j’avais découvert, grâce à Tom de Pékin, la première édition de Queer Zines, c’était avant 2009. Je crois que j’ai dû acheter le bouquin avant de monter ce projet et de contacter AA pour l’inviter.

D’accord, donc c’est en fait quand tu as vu Queer Zines ou peut-être que tu connaissais son travail avant ?

Oui, je connaissais ça, mais très peu. J’avais entendu parler de General Idea, c’était assez drôle, car pour moi, c’était très très vague. Dans le travail de General Idea, je connaissais juste les AIDS Paintings et le fait qu’ils avaient publié un magazine qui s’appelait FILE.

Et c’était avant la rétrospective qu’il y a eue à Paris ?

Oui, bien sûr, car j’ai pris contact avec lui en 2009. Et j’avais vu son exposition chez Frédéric Giroux. En 2007, il y avait eu une exposition du travail de AA Bronson chez Frédéric Giroux. Je suis allé là-bas et j’ai découvert son travail, et je connaissais par ouïe dire General Idea et AA Bronson. Et donc, quand j’ai voulu faire un magazine gay indépendant, je me suis dit qu’évidemment, ça devait être AA Bronson qui fasse le premier numéro… CQFD, voilà. Du coup, j’ai fait un mail et on s’est rencontré.

Et donc, tu l’as plutôt rencontré après quand tu es allé à New York pour la foire ?

Non non, on s’est rencontré à Paris, car il se trouve qu’il venait à Paris pour travailler sur son projet d’expo au MAMVP.

D’accord, et ça se sont des photos qu’il prenait ?

Ça, ce sont des photos qu’il a faites l’été 2009 à Fire Island.

D’accord. C’est très drôle parce que ça ressemble beaucoup à ce qu’il poste sur Instagram, mais c’est pré-Instagram.

C’est pré-Instagram… En effet, c’est la première série des pieds de AA Bronson.

Oui, maintenant on en a tous les jours.

C’est très très beau. Je pense que quand on fait des choses, c’est normal d’être intéressé par ce que l’on fait.

Et d’être convaincu que c’est génial.

Dans une émission de France Culture qu’il y a eue il y a un an, un truc comme ça. Quelqu’un raconte Duras disant : « Regarde les mains négatives, c’est génial. » Et je comprends ça parce que tu fais quelque chose, car tu y crois, et si c’est réussi, tu le revois.

Et le deuxième, c’est quoi alors ?

Le deuxième, c’est celui de Elmgreen & Dragset.

D’accord, et sur le premier, il n’y a pas le titre Gayhouse.

Jamais, l’idée de départ c’était ça : un format A3, parce que je voulais un truc qui ne coutait pas trop cher, imprimé en offset, en noir & blanc, une vingtaine de pages, pas de couverture.

Mais une enveloppe pour pas que ça s’abime, c’est ça ?

Voilà, et puis zéro intervention de l’éditeur sur la publication. C’est-à-dire que la publication, c’est l’espace de l’artiste, et l’artiste fait exactement ce qu’il veut et l’éditeur n’inscrit aucune marque d’identification sur la publication. Du coup, les informations sont sur le sticker qui est sur le petit sac plastique.

D’accord, et là, c’est eux qui ont voulu mettre le titre ? Ils sont partis du titre de ta publication pour travailler ?

Oui, oui, ils l’avaient conçu comme ça et j’ai dit OK.

Et ils sont ensemble, eux ?

Ils l’ont été, mais maintenant, c’est un duo de travail. Et c’est absolument incroyable, car on ne se connaissait absolument pas et je leur écris. Ils ont organisé un photoshoot et c’était la première fois où des gens montaient un projet comme ça, assez ambitieux en terme de production. Et ils ont vraiment construit un photoshoot avec des modèles pour cette histoire que je considère vraiment comme un vaudeville gay. J’aime beaucoup.

D’accord, ça raconte une sorte d’histoire, c’est ça ?

Oui, ça raconte vraiment une histoire de gays, une histoire de ménage à trois qui forcément tourne au vinaigre en se laissant des mots très très amers.

Ah oui, c’est ça, les mots.

Oui, c’est très drôle.

D’accord, donc ça, c’est le deuxième ensuite.

Ensuite, il y avait celui de Georges Tony Stoll que j’aurais pu amener, mais je n’avais plus de demonstration copy. Ensuite, il y a eu William E. Jones, c’est le numéro 3.

Ça, je connais pas William E. Jones.

C’est quelqu’un de très très interessant, il fait des livres aussi. Là, il vient de publier un bouquin sur Boyd McDonalds, le créateur de Straight to Hell.

Ah si c’est pas lui qui a fait Gay Semiotics, qui était présenté à la New York Art Book Fair ?

Sans doute que son livre a été présenté à la New York Art Book Fair, puisque donc son bouquin sur Boyd McDonalds, c’est a Gay Guide to Cinema ou quelque chose comme ça, et son précédent bouquin, c’était Halsted Plays Himself, sur Fred Halsted, un réalisateur et producteur de porno gay à Los Angeles dans les années 1970.

Et donc il travaille principalement avec ?

Des documents d’archives.

Avec une démarche artistique derrière ou c’est un historien ?

Il fait un peu les deux, son travail artistique, c’est un travail de documentaliste et d’archiviste et d’historien aussi.

J’ai peut-être assisté à une conférence parce qu’il y avait un projet un peu dans ce genre là édité par PPP, où c’était un fond de photographie d’un photographe qui, dans les années 1970, allait photographier les mecs qui faisaient le tapin à Time Square et qui portaient des pantalons extrêmement moulants et où on voyait tout. Et ça ressemble un peu dans la démarche à ça.

Et donc, pour ce magazine, William a proposé un editing parmi les photos libres de droit de la Library of Congress à Washington, ce qui n’a l’air de rien. Il a fait une sélection et un editing de 50 images dans des centaines de milliers d’images. C’est juste hallucinant !

Oui, et puis avec l’idée de raconter quelque chose à travers ces images.

Avec ce truc très très bizarre, c’est que c’est une sorte d’histoire de la représentation masculine aux États-Unis au 19e ou 20e siècle telle qu’elle se transmet à travers la photographie. Et donc, c’est à la fois quelque chose qui raconte l’histoire de la représentation masculine, mais aussi qui raconte l’histoire des modes de vie masculins, de la vie des hommes dans des sociétés monogenrées. Puisqu’on est presque toujours dans des trucs où il n’y a que des hommes. William est un gars qui est très cultivé, très subtil. Et qui, je pense, est un très bon connaisseur de l’histoire de la masculinité et de l’histoire de l’homosexualité. Comment l’une et l’autre sont très liées.

Oui, c’est étonnant par rapport au reste… Alors ensuite c’est lequel ?

Ensuite, je pense qu’il y a dû y avoir le numéro de Elijah [Burgher].

D’accord donc le passage à la couleur.

Oui, parce que je trouvais que ça n’avait aucun intérêt de reproduire le travail d’Elijah en noir et blanc. Et donc j’ai trouvé cette formule de ne pas faire une quadrichromie, mais de faire une trichromie. Une transformation, un passage d’image quadri en trichromie, donc avec trois pantones, dont la gamme a été choisie en s’inspirant d’une série d’encre qu’Elijah a réalisée pour la publication… Et donc celui-ci a été fait en 2012.

C’est magnifique… Par contre, le lien à l’homosexualité est plus diffus. C’est plus une publication d’artiste.

Alors, il se trouve que le projet était une invitation personnelle. C’est-à-dire que les artistes invités à concevoir un numéro du Gayhouse ne sont pas invités à traiter de l’homosexualité comme d’un thème. Ils sont invités en tant qu’homosexuels à investir la revue comme un espace d’expression personnelle. Et donc, avec cette tension, vous en faites ce que vous voulez. Si vous voulez reproduire la liste de courses, bah vous reproduirez la liste de courses, car vous direz quelque chose de vous. En tant qu’homosexuel ou en tant que whatever.

Il y a des artistes pour qui ça joue une partie importante dans leur travail artistique et d’autres beaucoup moins, donc c’est sûr qu’ils ne vont pas se forcer à faire quelque chose qui ne leur ressemblerait pas… Et donc Gayhouse le titre, c’est par rapport au fait que justement tu leur demandes d’investir une forme comme si c’était une maison ?

Oui, il y a toute une histoire, parce qu’il y a un point de départ. Un moment, j’ai eu envie, je voulais faire une publication dans laquelle il y aurait des photographies des chambres des gays. Je trouvais ça extraordinaire, le fait que tu rencontres quelqu’un souvent via Internet, tu vas chez cette personne pour baiser et tu rentres dans sa chambre. Et rentrer dans la chambre de quelqu’un, c’est pénétrer quelque chose de l’ordre de l’intime. Et cette chambre est souvent un peu la même, tu vois ? C’est-à-dire qu’elle est toujours organisée pour le cul de la même façon. Et parfois, quand t’arrives chez quelqu’un qui a un peu plus les moyens que toi, t’as l’impression d’aller à l’hôtel, t’es là « waouh » avec les serviettes déjà prêtes dans la salle de bain. Moi, je trouvais ça merveilleux. Puis il y avait, au-delà de l’uniformité, le fait qu’elles sont quand même toutes différentes, car elles sont habitées par une personne.

Oui, donc il subsiste une personnalité.

Oui, de l’espace intime, et c’était l’idée de départ comme ça, et puis, bon j’ai travaillé et j’ai discuté notamment beaucoup avec Tom de Pékin, et puis je suis passé de la chambre à la maison, et de la maison au foyer. Parce que c’était un moment, en 2009, où ça commençait à devenir important, dans l’agenda politique gay, cette histoire de mariage et de l’adoption. Face à ceux qui s’affirmaient queer post-identitaire, qui voulaient se débarrasser de l’identité, car elle les embarrassait beaucoup. J’avais envie de dire, ce signifiant gay, c’est le signifiant sur lequel tout le monde se met d’accord. Ce sont deux personnes qui décident de vivre le domestique, le quotidien, l’amoureux, le sexuel avec des personnes du même sexe. Et versus les critiques de la normalisation de la politique gay, qui n’est plus transgressif parce qu’elle veut le mariage, l’adoption, etc. Moi, j’avais envie de dire, bah oui, les homosexuels sont des gens qui, comme les hétérosexuels, ont une maison, ont une famille éventuellement, un chez soi. Une vie qui n’est pas que faite de nightclub et de boite à cul.

Donc c’était un peu le quotidien aussi que tu voulais montrer.

Oui, voilà.

Oui, car le premier que tu as fait avec AA Bronson quand on regarde ça, il y a une tendresse incroyable, on voit son mari sur son portable, on voit le quotidien. D’accord… Là, on en était à celui d’Elijah.

Ensuite, j’ai invité Linder. C’est le seul numéro qui n’a pas été fait par un homme gay, mais qui a été fait par une femme hétérosexuelle, que j’ai invitée, car un jour, je me promenais à la FIAC et j’ai vu des collages homosexuels que je trouvais magnifiques. J’ai regardé qui les avait faits et j’ai vu que c’était Linder, je me suis dit que c’était formidable. Les plus beaux collages homosexuels que j’ai vus, c’est une femme qui les a faits, c’est formidable ! Si jamais je devais inviter quelqu’un qui ne serait pas un homme gay à faire un numéro de ma revue, ce serait elle. Bah, du coup, je l’ai fait. Et j’ai été assez heureux, car Linder a été la première et la seule à faire une proposition à caractère pornographique.

Et ça date de quand ?

C’était au moment de l’exposition de Linder au Musée d’Art Moderne. Ça devait être 2013 ou 2014.

Donc il n’y a quasiment aucune information sur le numéro ?

Non. Il n’y a jamais de nom d’artiste. Sauf ceux qui ont décidé de mettre l’autocollant, mais ça, c’était un peu tardif et Elmgreen & Dragset. Mais sinon, il n’y a pas de nom d’artiste.

Sur celui-là, il y a un colophon avec des détails… Mais il n’y a pas forcément beaucoup d’informations.

Ça varie.

Et les pochettes alors, elles sont comment ? À chaque fois, elles changent ?

Oui, oui, oui, elles changent de couleur à chaque numéro. Jusqu’aux deux derniers numéros où on est passé au sans pochette et donc à un plastique transparent pour protéger seulement.

Donc c’est ceux-là les deux derniers numéros ?

Le numéro 6, c’était Linder, après j’ai invité Jean-Michel Wicker qui est un artiste installé à Berlin. C’est quelqu’un qui a fait énormément de publications et qui en fait toujours énormément. Et dont j’aime énormément le travail, et qui a fait une proposition assez inclassable.

Ah oui… C’est assez étonnant !

C’est une proposition à caractère autobiographique dans la mesure où c’est une compilation de choses. Il y a un insert où il y a la table des matières. Et on voit que tout ça, ce sont des reproductions de choses déjà produites auparavant.

Oui, donc c’est une espèce de compilation à vocation rétrospective. Mais c’est marrant, car on pourrait croire que tout a été fait le même jour parce qu’il y a une grande cohérence dans l’ensemble.

C’est le premier ouvrage comme ça rétrospectif avec Jean-Michel Wicker… je crois.

Et ils sont numérotés à chaque fois ?

Alors oui, celui-ci, il faut faire attention, car c’est pas une demonstration copy, c’est numéroté sur 200.

Et c’est lui qui a rajouté…

C’est sa signature !

Et il a un titre, celui-là ?

Non, et tu as la fin du texte par rapport au David Syndrome. C’est intéressant, car le projet de Jean-Michel est loin des problématiques qui ont été abordées par les uns et les autres quant à la représentation masculine, l’intimité, etc… Mais en même temps, il y a ce truc-là que je trouve très fort, justement à propos du David Syndrome.

D’accord, oui, ce qui fait un peu le lien entre toutes les différentes contributions qui sont étalées dans le temps.

Et on a décidé de cacher le pénis du David par un autre pénis, celui du Wicker.

Et celui avec Tom de Pékin, c’est le dernier alors ? Mais tu n’en fais plus alors ?

Non, ça, c’était le dernier, le numéro 8 qui a été publié en 2014.

D’accord, OK, et maintenant, avec cette édition, tu fais ?

Alors là, j’ai publié deux choses récemment. J’ai publié un livre de AA Bronson qui s’appelle Blanc. J’ai invité AA à concevoir un livre imprimé blanc sur blanc. Et donc, on a imprimé en sérigraphie sur lin qui reproduit une série de carrés magiques issus d’un ouvrage occultiste britannique du 19e siècle. Et j’ai publié aussi en novembre dernier un bouquin réalisé par une artiste qui est un livre de coloriage à destination des enfants prioritairement, mais qui est un livre d’artiste à colorier. Et donc j’ai arrêté le projet, car ça avait vécu cette histoire et j’ai plus envie de faire des trucs comme ça, des one-shots sur des toutes petites séries avec des artistes.

D’accord, et qu’est-ce qui t’a fait changer la forme ? Un désir différent par rapport à ce que tu voulais continuer ?

J’ai fait ça de 2009 à 2014, donc ça a duré quand même 5 ans. J’avais travaillé avec 7 artistes différents et j’avais produit un ensemble qui, je crois, était assez cohérent tout en étant divers. D’une certaine façon, la mission était accomplie, car on avait une représentation cohérente dans l’addition des singularités. Et en plus, je n’avais plus de personnes que j’avais envie d’inviter, et je me suis dit que je n’allais pas commencer à chercher des noms d’artistes gays… J’en ai rien à foutre. Je ne vais pas inviter des gens parce qu’ils sont gays, mais parce ce qu’ils font qui m’intéresse et qu’ils pourraient faire quelque chose dans le cadre de ce projet. J’ai commencé avec AA Bronson, car ça me semblait évident qu’il fasse le premier numéro. Il m’a apparu évident que ce soit Tom de Pékin qui fasse le dernier. Je me suis dit à tout seigneur tout honneur.

Et le projet que tu avais fait avant, c’était Dildo, c’est ça ?

Oui,

Et c’était quel genre de contenu alors ?

Là, on était dans la veine de l’émergence du mouvement queer en France dans le début du 21e siècle. Donc la transmission des textes américains par Preciado et Boursier et puis une agitation militante, créative, culturelle autour de l’expression et du questionnement des identités de genre, des identités de sexe. Tous ces bazars, là.

Oui, donc c’était plus une publication militante avec des informations.

Oui, plutôt dans une orientation de militantisme culturel, on va dire.

Oui, il n’y avait pas comme ici la volonté que ce soit des œuvres d’art.

Non, mais c’est venu à l’intérieur de ça le travail avec des artistes.

Parce que tu demandais déjà à ce moment-là à des artistes de faire des interventions dans tes publications ?

Bah oui, car vu qu’il s’agissait de militantisme culturel. Il s’agissait déjà de créer un espace où des personnes pouvaient s’exprimer. C’est ouvrir des espaces où des gens peuvent s’exprimer. C’est comme ça que je me suis retrouvé à travailler avec des artistes, car ce sont des gens dont c’est le métier de s’exprimer personnellement. J’ai commencé avec des gens dont ce n’était pas le métier.

Et je te demandais pour la question d’avant… par rapport à ce que tu produis maintenant, par exemple le livre de AA Bronson, à ce côté plus luxe, plus multiple d’artiste. Et ça, c’est quelque chose vers lequel tu voulais aller ?

Non, le luxe c’est quelque chose qui est à discuter parce qu’il se trouve que ce livre, il n’est pas luxueux … On peut le trimballer dans son sac !

Oui non, je parlais de ça, car c’était en série limitée, avec une fabrication plus travaillée…

Oui, mais alors la série limitée, c’est parce que j’ai pas d’espace pour stocker le papier, ça prend de la place. Je me suis dit, j’en ai marre de stocker du papier. Je vais faire des courtes séries et comme ça, ça partira vite. Car vendre 50 exemplaires de quelque chose, c’est vraiment un enfer.

Bah oui, surtout si c’est 6 fois plus cher.

Oui, c’est toujours le bordel chez moi. Je ne suis pas intéressé par le fait de créer des produits luxueux au sens classique du terme. Par contre, je suis intéressé par faire des choses de qualité. Le livre blanc, c’est… Quand tu veux faire un truc imprimé blanc sur blanc, tu n’as pas le choix de faire autre chose que de la sérigraphie. Où est-ce que tu trouves de l’encre blanche autre part qu’en sérigraphie ?

C’est compliqué de faire du blanc en offset, tandis qu’en sérigraphie, ça rend super bien.

Ah bah oui, il a suffi de deux passages là, mais de toute façon, j’avais envie de faire un truc en sérigraphie. De toute façon, ça aurait été aussi cher, car faire un livre imprimé en offset tiré à 49 exemplaires, c’est autant voire plus cher que faire 49 exemplaires sérigraphiés artisanalement. Mais je pense que dans une toute petite série, la sérigraphie est la plus adéquate dans le sens où c’est une production artisanale et la sérigraphie a une texture picturale vraiment…

Oui, vu que c’est imprimé sur toile, il y a vraiment un rapport à la peinture, donc ça a un sens…

Ça fonctionnait bien avec le fait que AA venait de réaliser les white flags.

Paris,

December 22nd, 2015

When I interviewed AA Bronson, I asked him who I should interview. He mostly mentioned Vincent Simon and the work he was doing at the moment with Septembre editions. He had indeed published a zine and an artist book by AA Bronson, along with a whole series of oversize zines titled Gayhouse. After this interview, Vincent Simon created the Paris Ass Book Fair with Vincent P. aka Mahieddine Bachtarzi. As the latter decided to move on, Vincent Simon is now running the fair alone.
Hello, can you please start by introducing yourself? Tell us who you are?

I’m Vincent Simon. I’m, let’s say, an art book publisher working and living in Paris. I’m running an independent art book publishing trade called Septembre éditions, which I created in 2006. I started doing publications around 2001–2002 when I created a queer fanzine called Chico. It was my initiation to paper stuff with Xerox and things like that.

Can you tell us about your publications? What kind of material can we find in them?

When I was publishing this fanzine, I started working with artists. And I discovered it was something very exciting to make publications with artists. That’s why I created this publishing trade in 2006: I wanted to work on projects that were specifically conceived in collaboration with an artist. So I started doing monographic books and artists’ books. Basically, I have been publishing books created in collaboration with visual artists for 10 years.

Why do you do that? What is your interest in independent publishing and publishing yourself?

I’m interested in art, especially editions and published art. For example, I really love postcards because you have the name, you have the message, and you have the creation, but it is so casual and easy to engage with. But the reason why I am doing publishing is that I am not so much interested in the unicity of the artwork. I am more interested in the series and the publication of the artworks.

Why does your publication have this specific format?

Okay, so in 2009, I decided to create a kind of gay publication that I decided to call Gayhouse. Because it was the time when many people were inspired by Butt the Dutch so-called fanzine, which is really great. But most of the people who were inspired by Butt were doing things that were supposed to be post-gay or post-identity, or I don’t know. And I was thinking, “That’s really bullshit. I want to do something, but really outrageously gay.” And I decided to create a magazine where I wouldn’t be editor in chief but just a publisher. I would invite an artist to make one issue of the magazine as a kind of artist book. That’s how I chose this format of a magazine, which is more like an artist book—a weird and specific project by one artist.

We’re here in Montparnasse at the Select; can you tell me why you chose this place?

I think the first time I heard about this place was when I was living in Bordeaux. There was this political show on French public radio happening in the Select. I like the exclusive dimension of that name. It has not been taken by the global trade. It also has a special history, as it has existed since the 1920s or something like that. Leon Trotsky used to come here when he was living in Paris in the 1910s. Marguerite Duras was also familiar with this place.

Great Thank you very much Vincent.

You’re welcome.

AA Bronson's GAYHOUSE
AA Bronson, *AA Bronson's GAYHOUSE*, Paris, Septembre éditions, 2010, 29,7 x 42 cm, Offset, 24 pp., 200 exemplaires numérotés. AA Bronson, *AA Bronson's GAYHOUSE*, Paris, Septembre éditions, 2010, 29,7 x 42 cm, Offset, 24 pp., 200 numbered copies.
Elmgreen and Dragset's GAYHOUSE
Elmgreen and Dragset, *Elmgreen and Dragset's GAYHOUSE*, Paris, Septembre éditions, 2011, 29,7 x 42 cm, Offset, 28 pp., 200 exemplaires numérotés. Elmgreen and Dragset, *Elmgreen and Dragset's GAYHOUSE*, Paris, Septembre éditions, 2011, 29,7 x 42 cm, Offset, 28 pp., 200 numbered copies.
George Tony Stoll's GAYHOUSE
*George Tony Stoll's GAYHOUSE*, Paris, Septembre éditions, 2011, 29,7 x 42 cm, Offset, 28 pp., 200 exemplaires numérotés. *George Tony Stoll's GAYHOUSE*, Paris, Septembre éditions, 2011, 29,7 x 42 cm, Offset, 28 pp., 200 numbered copies.
William E. Jones's GAYHOUSE
*William E. Jones's GAYHOUSE*, Paris, Septembre éditions, 2012, 29,7 x 42 cm, Offset, 28 pp., 200 exemplaires numérotés. *William E. Jones's GAYHOUSE*, Paris, Septembre éditions, 2012, 29,7 x 42 cm, Offset, 28 pp., 200 numbered copies.
Elijah Burger's GAYHOUSE
*Elijah Burger's GAYHOUSE*, Paris, Septembre éditions, 2012, 21 x 29,7 cm, Offset, 28 pp., 200 exemplaires numérotés. *Elijah Burger's GAYHOUSE*, Paris, Septembre éditions, 2012, 21 x 29,7 cm, Offset, 28 pp., 200 numbered copies.
Linder's GAYHOUSE
*Linder's GAYHOUSE*, Paris, Septembre éditions, 2013, 29,7 x 42 cm, Offset, 28 pp., 200 exemplaires numérotés. *Linder's GAYHOUSE*, Paris, Septembre éditions, 2013, 29,7 x 42 cm, Offset, 28 pp., 200 numbered copies.
Wicker's GAYHOUSE
*Wicker's GAYHOUSE*, Paris, Septembre éditions, 2013, 29,7 x 42 cm, Offset, 28 pp. + insert photocopié, 200 exemplaires numérotés. *Wicker's GAYHOUSE*, Paris, Septembre éditions, 2013, 29,7 x 42 cm, Offset, 28 pp. + Photocopied insert, 200 numbered copies.
Tom de Pékin's GAYHOUSE
*Tom de Pékin's GAYHOUSE*, Paris, Septembre éditions, 2014, 29,7 x 38 cm, Offset, 28 pp., 200 exemplaires numérotés. *Tom de Pékin's GAYHOUSE*, Paris, Septembre éditions, 2014, 29,7 x 38 cm, Offset, 28 pp., 200 numbered copies.