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Paris,

le 16 novembre 2015

Les publications de Sergej Vutuc sont visuellement frappantes. Ses zines de photos sont si sombres qu’on pourrait croire qu’ils ont été sérigraphiés. Mais quand on lui demande, il dit simplement qu’il connaît un excellent magasin de photocopie. S’il rentre dans les détails, il dira que cette qualité de noir dépend aussi du niveau des toners de la photocopieuse. On croirait presque que ce magasin de photocopie est une extension de son labo photo. Dans ses publications, on trouve des photos de ses explorations, comme les extraits d’un livre sans fin sur sa vie.
Sergej est très représentatif de l’esprit berlinois. Il est né dans un pays d’Europe de l’Est qui n’existe plus, autrefois connu sous le nom de République fédérale socialiste de Yougoslavie. Il a déménagé à Heilbronn, en Allemagne, lorsque la Yougoslavie s’est éclatée en de nombreux petits pays. Sergej a gardé l’accent de son lieu de naissance, ainsi que la chaleur qu’ont les Yougoslaves lorsqu’ils t’accueillent chez eux.
Sergej est le tout premier artiste que j’ai interviewé après le début du projet ARTZINES, et il est le meilleur exemple de ce que sont les zines faits par des artistes aujourd’hui : Premièrement, ils sont internationaux. Sergej dit qu’il est de Heilbronn, mais je pense qu’on ne le voit pas très souvent là-bas… Il est toujours en train de voyager ! L’Europe (bien sûr), le Maroc, Fukushima, Detroit, le Japon… le suivre sur les médias sociaux vous emmènent dans un tour du monde. Il parvient à voyager beaucoup en combinant toutes les opportunités qu’il peut trouver et en organisant ses voyages comme des tournées, de ville en ville, organisant une exposition d’un soir, une performance ou une conférence à chaque arrêt. Pour faire ça, Vutuc ne travaille pas avec les institutions qui sont très lentes, mais préfère les espaces gérés par des artistes, les squats et les centres culturels alternatifs.
L’autre caractéristique qui fait que le travail de Sergej est à l’image du monde des zines d’aujourd’hui, c’est que sa façon de faire est axée sur le partage. On le trouvera toujours dans les foires de zines et de livres les plus intéressantes du monde entier, en train de parler toute la journée… avec des skateurs en particulier. J’ai oublié de mentionner que Sergej est un skateur, c’est un aspect très important de son travail et de sa personnalité. Sergej flotte juste au-dessus du monde et le voit donc d’une manière différente. Ce flottement perpétuel est peut-être ce qui l’a amené à explorer des ruines contemporaines comme Detroit ou Fukushima. Sergej a toujours fait partie de la communauté du skateboard et des communautés artistiques. Son travail est animé par un esprit Do It Yourself et il travaille souvent en collaboration avec des artistes.
Enfin, son travail consiste à expérimenter. Sa façon de faire des zines est à la fois expérimentale et très spécifique ; tu peux les repérer à un kilomètre à la ronde ! Il prend des photos avec des appareils numériques et analogiques, mais chacune d’entre elles sera utilisée dans le support associé : les photos numériques sont destinées à des fins informatives sur des sites Web et des médias sociaux, tandis que les photos analogiques sont transformées en laboratoire en mettant des trucs entre la lumière et le papier, en grattant les films et en écrivant dessus. Son esthétique est définitivement punk rock, très européenne en quelque sorte et surtout très contemporaine. Même si ses photos se ressemblent parfois toutes, elles sont toutes très spécifiques aux moments et aux lieux où elles ont été prises, et quand tu regardes le thème, tu peux voir à travers ses yeux.
Le jeudi 12 novembre 2015 était l’ouverture de la foire Offprint aux Beaux-Arts de Paris. Je passais en coup de vent pour dire bonjour à des amis et avoir une impression générale, car j’étais sur de revenir dans le week-end pour prendre le temps de tout regarder. Je saluais Sergej et lui demandais s’il serait disponible le lundi après la foire pour une interview. Le jour suivant, la ville de Paris a subi les pires attentats depuis la Seconde Guerre mondiale. Lorsque Sergej est venu chez moi pour un déjeuner et une interview, la ville entière était complètement bouclée depuis deux jours.
Qui es-tu ?

Sergej Vutuc, je suis né dans un pays qui n’existe plus. Il s’agit maintenant de la Bosnie et de la Croatie. Je vis maintenant à Berlin.

Tu n’appelles donc pas tes publications des zines, tu ne trouves pas ce terme approprié ?

Je pense que beaucoup de mon inspiration et aussi une grande partie de mon éducation sont venues des zines, surtout des zines des années 1990 qui faisaient partie de la scène punk et hardcore. Les zines étaient faits pour communiquer et c’était un support où une scène crée ses mots et échange. Depuis qu’Internet existe, je n’en vois plus le sens, car toutes ces choses que les zines étaient censés exprimer et échanger, c’est maintenant en quelque sorte sur Internet. C’est accessible et rapide, ce qui est ce qu’on a toujours voulu. À l’exception d’un côté, peut-être aussi du point de vue écologique.

Pour toi, ce ne sont pas des zines car ils n’ont pas la même fonction d’information et de mise en réseau que les zines avaient dans le mouvement punk et hardcore ?

Oui, je ne vois plus ça. Pour moi, avec le temps, ils deviennent de plus en plus abstraits. C’est mon récit personnel, mon expression. Surtout aujourd’hui, quand les entreprises s’y intéressent et qu’elles deviennent le point culminant d’une nouvelle identité de marque. Ce que nous voyons aujourd’hui devrait être considéré comme une sorte de mauvaise publicité pour une publication ou une expression faite par des artistes, sans aucun filtre ni rien de commercial. C’est une étiquette et une éducation complètement différentes.

Que pouvons-nous trouver dans tes publications ? Quel est le contenu, le type de contenu ?

C’est différent et c’est beaucoup de choses. Pour une partie, c’est ma façon personnelle et poétique d’exprimer quelque chose, qui est une préoccupation lors de différents moments d’exploration du monde. Ça correspond à mes origines et à ma façon de dire les choses et les situations. De l’autre côté, il y a aussi la partie où je vais dans des villes ou des lieux symboliques du monde entier. Comme aller à Detroit, en Grèce ou dans les zones de Fukushima trois ans après la tristesse ou aller en Israël et en Palestine et y créer ma propre histoire. C’est peut-être ce qu’on peut relier à l’idée d’un zine. C’est comme si tu créais ton propre média en dessous de l’ensemble des médias de masse. Mais je ne vois plus la raison de mettre une étiquette sur les choses.

Paris,

November 16th, 2015

Sergej Vutuc’s publications are visually striking. His photo-based zines are so dark that you could think they were screen-printed. But if you ask him, he will just tell you that he knows a great copyshop. When he goes into the details, telling you that this darkness depends on the level of the toners on the copy machine, you could believe that this copy shop is an extension of his photo lab. His publications gather photos of his explorations; they are like excerpts of an endless book about his life.
Sergej is very representative of the Berlin spirit. He was born in an Eastern European country that doesn’t exist anymore, formerly known as the Socialist Federal Republic of Yugoslavia. He moved to Heilbronn, Germany, when Yugoslavia was scattered in a lot of tiny countries. Sergej kept an accent from his birthplace, along with the warmth that Yugoslavian people have when they greet you into their homes.
Sergej is the very first artist I interviewed at the beginning of the ARTZINES project, and he is the best example of what zines made by artists are today. First, they are international. Sergej says he is from Heilbronn, but I guess they don’t see him very often over there… He is always travelling! Europe (of course), Morocco, Fukushima, Detroit, Japan… Following him on social media is like going on a world tour that will make your head spin. He manages to travel a lot by taking advantage of every opportunity he can find. He organises his trips like a tour manager and goes from town to town, organising a one-night exhibition, a performance, or a talk at each stop. To do that, Vutuc doesn’t work with big museums that are very slow to do anything, he prefers artists’ run spaces, squats, and alternative culture centres.
The other reason why he represents today’s zine world is that Sergej’s work is all about sharing. You will find him at every interesting zine and book fair all over the world, talking to random people all day long—often skaters, though. I forgot to mention that Sergej is a skater, which is a very important aspect of his work and personality. Sergej floats over the world and, therefore, sees it in a different way. This perpetual floating might be what led him to explore contemporary ruins like Detroit or Fukushima. Sergej has always been part of the skateboarding community and the art community. His work is driven by a DIY spirit, and he often works in collaboration with artists.
Lastly, his work is all about experimenting. His way of making zines is both experimental and very specific; you can spot them from a mile away! He takes photos with digital and analogue cameras, but each of them will be used in the associated medium: the digital photos are meant for informative purposes on websites and social media, whereas the analogue photos are transformed in the lab by putting stuff between the light and the paper, by scratching the films and writing on them. His aesthetic is definitely punk rock, very European somehow, and above all, very contemporary. Even if his photos sometimes all look the same, they are all very specific to the times and places where they were taken, and when you look at the theme, you can see through his eyes.
Thursday, November 12, 2015, was the opening of the Offprint book fair at the Beaux-Arts in Paris. I stopped by to say hello to some friends and get a feel of the event, as I was sure to come back during the weekend and take the time to look at everything. I greeted Sergej and asked him if he would be available on Monday after the fair for an interview. The next day, the city of Paris suffered the worst terrorist attacks since the Second World War. When Sergej came to my house the next Monday for lunch and an interview, the whole city had been in complete lockdown for two days.
Who are you?

Sergej Vutuc, I was born in a country that doesn’t exist anymore. Now it is Bosnia and Croatia. I live now in Berlin.

So you don’t call your publications zines, you don’t consider this term appropriate?

I think lots of my inspiration and also a big part of my education came from the zines, especially the zines from the 1990s, which were part of the punk and hardcore scene. Zines were made to communicate, and it was a medium where a scene creates their words and exchanges them. Since the Internet exists, I don’t see the sense anymore, because all those things the zines were supposed to express and exchange are now, in some ways, on the Internet. It’s accessible and fast, which is what you always wanted. With an exception from one side, maybe from an ecological standpoint.

To you, they are not zines because they don’t have the same information and networking functions that zines used to have in the punk and hardcore movements?

Yeah, I don’t see that anymore. To me, in time, they get more and more abstract. It’s my personal storytelling of my expression. Especially nowadays, when corporations get interested in them and they become the peak of a new trademark. What we see nowadays should be considered something like poor advertising for artist-made publications or expressions, without any filter or anything commercial. It’s a completely different label and education.

What can we find in your publications? What’s the content, and what type of content?

It’s different, and it’s many things. One part is my personal poetical way to express something, which is a concern for different moments of exploring the world. It meets my background and my way of saying things and situations. On the other side, there is also the part where I’m going to symbolic cities or symbolic places around the world. Like going to Detroit, Greece, or the Fukushima area three years after sadness, or going to Israel and Palestine and creating my own story. That’s maybe how you can link it with the idea of a zine. It’s like you create your own media under the whole mass media. But I don’t see the reason anymore to label something.

Deeper Than We Could Hold Far From Now
Sergej Vutuc, *Deeper Than We Could Hold Far From Now*, Berlin, Auto-édité, 2013, impression laser, 24 pp. Sergej Vutuc, *Deeper Than We Could Hold Far From Now*, Berlin, Self-published, 2013, Laser printing, 24 pp.
How Far Close Could go From Your Hand to be
Sergej Vutuc, *How Far Close Could go From Your Hand to be*, Berlin,Auto-édité, sans date, impression laser, 24 pp. Sergej Vutuc, *How Far Close Could go From Your Hand to be*, Berlin, Self-published, no date, Laser printing, 24 pp.
Moze Moze?
Quentin Chambry & Sergej Vutuc, *Moze Moze?*, Heilbronn - Berlin - Dresden, Auto-édité,  2014, Photocopie, 20 pp. Quentin Chambry & Sergej Vutuc, *Moze Moze?*, Heilbronn - Berlin - Dresden,  Self-published,  2014, Photocopy, 20 pp.
Untitled-Performance Rebel Rebel
Sergej Vutuc, [Untitled-Performance Rebel Rebel], Marseille, Auto-édité, 2016, Photocopie, 12 pp. Sergej Vutuc, [Untitled-Performance Rebel Rebel], Marseille,  Self-published,  2016, Photocopy, 12 pp.