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Saint-Ouen,

le 29 Mars 2016

Cette interview est l’une des très rares occasions d’entendre la voix de SAEIO depuis sa mort prématurée dans un accident de voiture en 2017. Paul alias SAEIO était un artiste et graffeur parisien. Il a réussi à gagner le respect à la fois des graffeurs vandales purs et durs et du monde de l’art. Paul s’intéressait à la déconstruction de chaque aspect de l’écriture graffiti d’un point de vue pictural et chorégraphique, mais aussi d’un point de vue fictionnel. Le monde du graffiti, étant contraint à l’anonymat, est rempli de rumeurs et de légendes avec lesquelles il aimait jouer. C’est pourquoi, lorsque je suis allé l’interviewer dans son atelier situé dans l’arrière-cour d’un squat délabré, il a insisté pour mettre une perruque et utiliser un accent entre de l’espagnol ou de l’italien.
Bonjour, SAEIO. Est-ce que tu peux te présenter et nous dire un peu ce que tu fais ?

Bonjour. Ça va faire à peu près 12 ans que je pratique le graffiti. J’ai commencé dans la ville de Parigi, et aujourd’hui j’essaie vraiment de conserver une pratique de rue, et en même temps de faire ce travail de transition entre la rue et les institutions, par un travail d’atelier ou de galerie, comme on peut le voir ici. Tout en conservant vraiment cette authenticité à l’origine du graffiti, sa spontanéité, son travail très brut, presque naïf, et tout simplement le transposer dans d’autres contextes.

Et donc, tu produis aussi des fanzines ? Est-ce que tu peux nous dire ce qu’on trouve dedans ? Pourquoi est-ce que tu fais de l’art sous cette forme-là ?

Alors j’ai auto-édité, à l’heure actuelle, 16 fanzines. Et j’ai aussi fait pas mal de participations avec d’autres personnes comme Laura Morsch-Kihn. L’intérêt pour moi du fanzine est d’avoir bien sûr une autoproduction, d’être très très libre. Bien sûr, ce travail là est un moyen pour moi d’archivage, pour tout ce qui est d’une pratique qui est bien sûr éphémère, car il n’y a quasiment aucune trace qui reste de cette pratique, puisque absolument tout ce que j’ai fait depuis maintenant 11-12 ans a totalement – dans la quasi-totalité – disparu. Il y a cette 1e démarche. Et je pense que la seconde démarche, qui est importante et que justement je voudrais aborder, est un travail de réflexion pour cette pratique. Comme en fait la transcender ? La dépasser ? Et amener un travail d’écriture autour de ça, que ce soit poétique ou véritablement, euh… conceptuel. Voilà les ambitions à l’heure actuelle.

Et qu’est-ce qu’on trouve alors dans ces fanzines ?

Pour la plupart, il y a un travail d’archivage photographique où je recense ce que j’ai pu faire dans la rue. Essentiellement de la peinture et un petit peu aussi de travail papier qui peut être à l’issue de mes peintures. Le travail de recherche, de sketch. Et maintenant, j’en ai aussi fait deux qui étaient autour de la poésie. Deux fanzines de poèmes. 10 poèmes par fanzine que j’essaye à l’heure actuelle de mettre en musique. Il y a un dernier travail que j’ai fait, qui est entre fanzine et l’objet. Il s’appelle le Dui Des. Qui est autour de mon arrestation, qui a eu lieu. Il y a un travail de recyclage, de détournement du travail de la police, de l’état, autour de mon propre travail. Et j’y présente le travail pour revendre les propres photos de la police au prix qu’ils me demandent de payer les amendes. Un travail sur ça entre autre. J’ai exposé ça au FRAC de Marseille en 2016. Cet été, à la rentrée en octobre, je travaille sur d’autres projets qui vont arriver. Je travaille sur un rapport entre la vidéo et l’objet qui doit en découler. Comme, si tu préfères, d’une forme de fiction, d’un documentaire, il est possible, du scénario qui est présenté dans cette vidéo, d’obtenir comme une archive de cette potentielle fiction. Comme si l’individu parlait d’un livre qui n’existe pas dans un film, et que ce livre était achetable à la suite de la sortie de ce film-là, par exemple. Je travaille sur ça.

D’accord, donc ce nouveau lien que tu cherches à établir avec des institutions, c’est aussi une façon de pointer certains paradoxes de ces institutions. Parce que si le FRAC t’achetait ces documentations pour que tu puisses payer tes amendes, ce serait de l’argent public qui irait directement au Trésor public.

En quelque sorte.

Et quel lien est-ce que tu vois entre le fanzine et le graffiti ? Est-ce que dans la façon de faire, il y a des choses qui sont communes ? Ou est-ce que, historiquement, il a des liens ?

(Inaudible) est issu du punk, et je pense qu’il y a un lien avec la pratique du graffiti et surtout, je pense, une dichotomie entre la manière toujours très spontanée, très simpliste, très… très jetée. Dans la manière de faire un fanzine, de ne pas trop réfléchir à la problématique de mise en page ou d’obtenir forcément quelque chose de très léché, disons. De faire un peu un éloge d’une forme, pas de décadence, mais d’un produit très normativement massif. Et c’est aussi un bon exercice pour des gens issus du graffiti de réfléchir à cette pratique, de devoir la mettre en scène par le biais, en l’occurrence, d’un objet papier et de trouver des issues, des solutions, des mécaniques pour l’évoquer, en tout cas, le déléguer, par un autre moyen que simplement la pratique du graffiti

D’accord. Et qu’est ce qui est important dans ton travail ? Qu’est-ce que tu cherches à mettre le plus en avant ou à défendre ?

C’est un travail qui doit disparaître … L’éphémère, actuellement, est quelque chose qui m’intéresse beaucoup. La disparition de l’œuvre, qui doit, pas forcément disparaître, mais en tout cas évoluer. Le graffiti est avant tout une forme d’interaction à considérer dans sa totalité. C’est bien sûr, une interaction avec un support, enfin le support est la ville, donc c’est un support qui est vivant et forcément découle une interaction. Donc, ce jeu d’interaction m’intéresse. Et il y a ça au même titre de le pratiquer dans la rue aussi le pratiquer dans l’atelier, et aussi chez les collectionneurs. Eum … par exemple qu’un tableau puisse évoluer, ou qu’une photographie puisse évoluer, qu’un document puisse évoluer, qu’il ne soit- justement qu’il ne soit pas pérenne, qu’il ne soit pas figé dans le temps, qu’il ait, euh … qu’il ait lui même sont propre circuit, son propre- son indépendance vitale.

Oui donc, il y a un lien à la narrativité peut-être dans ton travail, dans le fait de raconter des histoires. De les mélanger, de les confondre. Que l’œuvre ait une vie, et peut-être une mort.

Hmm. Bien sûr, bien sûr. Entre autre, oui. Entre autre.

Merci beaucoup, SAEIO.

Merci.

Saint Ouen,

March 29th, 2016

This interview is one of the very few occasions to hear the voice of SAEIO since his untimely death in a car accident in 2017. Paul, aka SAEIO, was an artist and a graffiti writer. He managed to earn respect from both the hardcore vandal graffiti writers and from the art world. Paul was interested in deconstructing every aspect of graffiti writing from a pictorial and choreographical point of view, but also from a fictional point of view. The world of graffiti writing, being forced into anonymity, is filled with rumours and legends, which he liked to play with. That’s why, when I came to his studio in the backyard of a dilapidated squat, he insisted on putting on a wig and using an undecided Spanish/Italian accent.
Hello, SAEIO. Can you introduce yourself and tell us a bit about what you do?

Hello. I’ve been doing graffiti for about 12 years. I started in the city of Parigi, and today I really try to keep a street practice and, at the same time, make this transition between the street and the institutions by doing studio work or gallery-type artworks, as we can see here. While doing that, I try to really keep the authenticity at the origin of graffiti—its spontaneous, very raw energy, almost like naive work—and simply transpose that into other contexts.

So you also produce fanzines? Can you tell us what we find in them? Why do you make art in this form?

So I’ve self-published, at the moment, 16 fanzines. And I’ve also made quite a few contributions for other people, like Laura Morsch-Kihn. For me, the interest of the fanzine is, of course, to have self-production and to be very, very free. Of course, this work is a way for me to archive everything that is part of a practice that is ephemeral by nature, because there is almost no trace left of this practice, since absolutely everything that I have done for 11–12 years now has totally disappeared. This is the first step. And I think that the second step, which is important and which I would like to address, is reflecting on that practice. How do you transcend it? How do you go beyond it? I want to bring some  writing into it, whether it’s poetic or truly, uh… conceptual. These are my ambitions at the moment.

And what can we find in your fanzines?

For the most part, they are a photographic archive where I record what I’ve done in the street. Mostly paintings and some works on paper that may come out of my paintings. The research work and the sketch work. And now I’ve also done two that contained poetry. Two fanzines of poems. 10 poems per fanzine that I’m trying to set to music at the moment. There is one last work that I did, which is between fanzine and object. It’s called Dui Des. It’s about my arrest. When it took place, I worked on recycling and diverting the work of the police and the state into my own work. In it, I work to resell the police’s own photos at the price they ask me to pay the fines. I exhibited this work about that, among other things, at the FRAC in Marseille in the summer of 2016. In October, I’m working on other projects that will come up. I’m working on both a video and the object that will result from it. If you prefer a form of fiction, like a documentary, it is possible, from the scenario that is presented in this video, to create an archive of this potential fiction. As if one were talking about a book that doesn’t exist in a film, and that book could be bought after the release of that film, for example. I’m working on that.

Okay, so this new link that you are trying to establish with institutions is also a way of pointing out certain paradoxes of these institutions. Because if the FRAC bought you these documents so that you could pay your fines, it would be public money that would go directly to the public treasury.

In a way.

And what link do you see between fanzines and graffiti? Are there things in common in the way of doing things? Or is there a historical link?

[Inaudible] came out of punk, and I think there is a link with graffiti practice and especially a dichotomy between the always very spontaneous, very simplistic, very… In the way of making a fanzine like something tossed on a page. You don’t think too much about the layout, or let’s say, I don’t want to get something very polished. It can be a praise of a form, not of decadence, but of a very normatively massive product. And it’s also a good exercise for people from the graffiti world to reflect on this practice, to have to stage it through, in this case, a paper object, and to find ways out, solutions, mechanisms to evoke it, or in any case, to delegate it, by another means than simply the practice of graffiti.

Ok. And what is important in your work? What do you try to put forward or defend the most?

It’s a work that has to disappear… The ephemeral, at the moment, is something that interests me a lot. The disappearance of the work, which must not necessarily disappear but, in any case, evolve. Graffiti is above all a form of interaction to be considered in its entirety. It is, of course, an interaction with a support; well, the support is the city, so it is a support that is alive and necessarily results in an interaction. So I’m interested in this game of interaction. And there’s that in the same way as practicing it in the street, also practicing it in the studio, and also with collectors. For example, a painting can evolve, a photograph can evolve, or a document can evolve, but it shouldn’t—that it’s not perennial, that it’s not frozen in time, that it has, um… that it has its own circuit, its own vital independence.

Yes, so there is a link to narrativity, perhaps in your work, to story-telling. To mix them and confuse them. That the work has a life, and perhaps a death.

Hmm. Of course, of course. Among other things, yes. Among other things.

Thank you very much, SAEIO.

Thank you, SAEIO.

DYA 1
Alexander Gil & SAEIO, *DYA 1*, Paris, Auto-édité, 2015, photocopie couleur, 20 x 29 cm, 64 pp., 100 exemplaires signés. Alexander Gil & SAEIO, *DYA 1*, Paris, Self-Published, 2015, color photocopy, 20 x 29 cm, 64 pp., 100 signed copies.