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Paris,

le 25 novembre 2015

Les trois fondateurs de Red Lebanese se sont rencontrés à l’école quand ils étaient jeunes, ils ont commencé à publier ensemble en 2012 alors qu’ils étudiaient l’art. Ils ont choisi le nom Red Lebanese après avoir goûté le meilleur hash du Liban. Leur travail est un excellent exemple de la façon dont l’acte d’édition et de publication devient un lieu d’expérimentation tout comme un espace de studio. Il n’est donc pas surprenant d’entendre que ces trois-là ont déserté leur école d’art, préférant les murmures de leurs imprimeurs à l’ambiance des studios collectifs de l’École des Beaux-Arts. Pablo Jomaron, Thomas Brun et Quentin Leroy ont commencé à publier lorsqu’ils ont acheté une imprimante Riso qu’ils ont trouvée sur Le Bon Coin, l’équivalent français de Craig’s List. Mais au lieu d’utiliser la caractéristique extraordinaire de la Riso pour faire des publications aux couleurs flashy, ils n’ont jamais mis que de l’encre noire dans leur machine.
Ayant trop de respect pour l’histoire du graffiti, ils ne considèrent pas leurs activités de taggage comme faisant partie de leur pratique artistique, mais plutôt comme un hobby. Ils ne voient cependant aucune contradiction à remplir leurs zines de photos de leurs méfaits. Leurs publications ont en quelque sorte un aspect lifestyle, montrant des photos de leur vie quotidienne prises soit par des amis, soit par eux-mêmes.
Il est donc tout naturel que la musique qui les accompagne dans leur vie soit un élément clé de leurs activités de publication. En effet, Red Lebanese est devenu un label et a commencé par publier des mixtapes sur de bonnes vieilles cassettes audio. Les zines de Red Lebanese ont ce genre d’intelligence et d’authenticité qui est vraiment rare.
C’est parti. Alors, qui êtes-vous, messieurs ?

T - Alors, moi, c’est Thomas. P - Je m’appelle Pablo. Et ça, c’est Quentin.

D’accord. Et vous êtes Red Lebanese ? Vous publiez des fanzines, des livres, des mix-tapes ? Alors, qu’est-ce que vous publiez ? Et quel type de contenu est-ce qu’on peut trouver dedans ?

Nous, à la base, on le faisait par plaisir. On s’amusait, dans la continuité de notre pratique de la photo. Des petits livrets qui n’étaient pas du tout distribués, c’était vraiment pour nous, et je pense que c’était un moyen aussi de porter un regard autre sur nos photos et celles de nos amis. On faisait une sorte de projet collectif qui avait comme seul but de rendre une image numérique, ou alors un petit tirage, un peu plus matériel. On montait des images, etc., et ensuite, on a voulu faire ça d’une façon, pas forcément plus sérieuse, mais simplement, il fallait trouver un nom. Il fallait trouver un nom, et maintenant on le fait sous un nom, et on en fait un peu plus de copies. On essaie de les distribuer.

Et pourquoi « Red Lebanese », alors ?

T - « Red Lebanese », en fait, c’est… On cherchait un nom, puis il y a un pote à nous qui rentrait d’Israël et qui nous a parlé d’un haschisch qui s’appelle « Red Lebanese ». Il nous a raconté un peu l’histoire, et on a trouvé ça intéressant. P - Et surtout, il est très bon. C’est le meilleur. Q - Et on a des potes qui sont d’origine libanaise.

Et quel type de contenu on peut trouver dans vos publications ?

Surtout de la photo, je pense, parce que c’est une pratique qui nous touche chacun. À la base, on a commencé à s’intéresser beaucoup aux livres de photo. Je pense que ça nous a rapidement poussé à avoir une petite pratique d’édition, en plus de cette pratique-là. Voilà, on a commencé de façon très peu sérieuse. On va faire des projets, juste pour avoir nous-mêmes un autre regard sur notre travail. Et sans désir de distribuer, sans désir d’en faire un produit. C’était juste pour nous. On a fait des petits projets collectifs, et sans faire beaucoup de copies, etc., on a essayé, dans la mesure du possible, en dépensant le moins d’argent, de faire des plus grosses séries.

Et donc vous publiez aussi des cassettes audio ? Quels types de musique est-ce qu’on peut trouver dedans ? Quel rôle joue la musique dans Red Lebanese ?

T - La musique est principalement composée par nos amis. Il y a des projets divers et variés, aussi. Du type électronique, hip-hop, ou des chansons originales, mais aussi des compilations de chansons. L’intérêt, c’est de pouvoir allier les ponts qui s’ouvrent. Et dans la cassette, et dans la musique. P - C’est une pratique parallèle, et au final on le fait de la même façon. D’une façon collective, impulsive, et c’est pour faire des productions, qu’on trouve cohérentes et intéressantes. Et du coup, on aime le faire d’une façon collective, parce qu’on est inspiré chacun par l’autre. Et… et voilà.

Donc vous vous êtes rencontrés où ?

T - On s’est rencontré à l’école, on était en CE2 ensemble à l’école primaire. Puis après moi, j’étais au lycée Lamartine dans le 9e, j’ai redoublé la seconde, puis Pablo est arrivé à ce moment-là.

Vous avez tous décidé de faire des études d’art en même temps ?

T - Oui, on faisait des dessins ensemble. P - Au lycée, on était déjà dans des sections Histoire de l’art et Arts plastiques. Et Thomas avait la pratique de l’imprimerie, on était tous intéressés par ça. Puis Quentin est entré aux Beaux-Arts. Thomas est allé en Belgique. Q - Oui, on avait la soif d’apprendre plein de choses, et puis les beaux arts, c’est bien pour les bibliothèques, on peut discuter avec les gens de problématiques.

Et vous avez commencé quand Red Lebanese alors ?

T - Il y a deux ans officiellement. P - On a toujours travaillé tous les trois ensemble sur des projets.

Il y avait déjà des publications avant Red Lebanese ?

T - Oui, par exemple, j’avais déjà fait un projet de son il y a 4 ans et on avait fait la pochette ensemble tous les trois. On avait pris une photo de Thomas, puis après, Pablo avait fait la typo. Puis après, on a fait le montage. P - Aussi, avant l’édition, on faisait de la sérigraphie, mais très à l’arrache chez ma mère avec des installations complètement farfelues. Ça marchait une fois sur quinze, ça c’était juste pour la pratique et essayer de se faire un peu d’argent, ce qui a totalement échoué. Q - Non, non, ça nous a mis dans une pratique de création sous un nom collectif. P - Après, ce qui faisait que ça marchait pas, c’était parce qu’à chaque fois qu’on faisait ça, il y avait 10 personnes, ça fumait et ça buvait et du coup, le processus était… T - parasité. Q - Puis, c’est aussi le fait de faire des tee-shirts. C’était pas le plus intéressant pour nous, c’était un peu un truc d’ado. On essayait de faire des trucs cools. C’était pas ce qu’on visait.

Et la première publication de Red Lebanese, c’est quoi ?

T - Je sais pas, je sais qu’il y a un premier livre sur lequel on avait travaillé avec Pablo ensemble, qui s’appelait Tribulation. Et sous le nom Red Lebanese, le premier c’est 18. C’est un remake de ce livre-là qui n’est jamais sorti et c’est quasiment les mêmes photos. Q - À partir du moment où l’on a fait l’acquisition de la machine Riso, on a fait 18 puis on en a fait d’autres après.

D’accord, vous avez vraiment investi dans la Riso pour vous lancer dans une activité d’édition ?

T - C’était pas vraiment pour nous lancer dans une activité d’édition. C’est un outil qui nous faisait assez fantasmer parce que c’était quelque chose qui allait vite et le rendu nous convenait, c’était tout à fait dans nos goûts. On a une pratique totalement différente des gens qui utilisent ça dans le graphisme : on n’utilise qu’une seule couleur, par exemple. On a une pratique un peu bâtarde par rapport à ce que nous pourrions faire avec ça, car ce n’est pas notre truc le graphisme.

Oui, vous n’êtes pas allés dans les couleurs flashy de la riso, vous êtes restés avec du noir, avec des choses que vous pourriez faire avec de la photocopie ?

T - Oui, tout à fait.

  • Ça nous a aussi contraints à voir les images différemment, sachant qu’elles allaient passer dans la machine et qu’on allait perdre des couleurs. Du coup, on s’intéressait à d’autres choses dans les images. T - Niveau choix, on est pas du tout maître du résultat en quelque sorte.
  • Tu veux pas raconter la petite histoire de d’où elle vient ?
  • Elle était avant utilisée dans une espèce de reprographe de quartier dans une ville de province qui me l’a vendue, et je suis allé la chercher en camionnette. C’était assez loin, mais c’était très peu cher. Et les mecs étaient horribles, des espèces de gros mecs du FN. Voilà, je l’ai payé, je l’ai prise et je me suis vite fait barré. Car ils étaient assez horribles, ces gens-là.
Et ils imprimaient quoi alors avec ?

T - Je leur ai pas demandé, je crois que je voulais le moins de renseignements possibles.

  • Mais avant, c’était utilisé essentiellement pour les tracts. T - Oui, c’est ça, de la reprographie. Eux, ça leur coutait trop cher en consommables, ils sont passés sur des machines numériques et ils l’avaient laissé dans leur cave. Ils étaient contents de s’en débarrasser. Maintenant elle ne marche plus, il va donc falloir en trouver une autre.
  • Et voilà, c’est marrant, c’était assez agréable de travailler avec ça, parce que tous les 15 jours elle marche plus, du coup on la démonte. Il n’y a pas de service technique, on est derrière la machine, on la bidouille, on la bricole. Et voilà, c’est drôle, quoi. Ça nous est arrivé dans des productions : on savait qu’on devait avoir un bouquin pour telle date, de la casser, et du coup devoir passer des nuits à la bricoler.
  • Dormir deux heures, empirer la situation, trouver des solutions…
Et c’est quoi vos références, vos inspirations pour ce travail de DIY (Do It Yourself), de la micro-édition ?

T - Quand on a commencé, on n’en avait pas vraiment, puis au fur et à mesure de notre intérêt, à trainer dans des librairies, à découvrir des choses. On est influencés par plein de choses qui ne sont pas forcément de l’édition ou de la micro-édition.

  • Je pense qu’on a des références dans les esthétiques d’impression et aussi des références dans l’histoire de l’art.
  • Après, on a tous des influences différentes et notre esthétique est vraiment inspirée de plein de choses : la musique, des visuels de musique, des affiches, la photo, le collage. On n’a pas vraiment envie de donner de noms, car ce serait nier l’ensemble. Nos références sont à la fois très populaires et bien ancrées dans l’histoire de l’art. On est tous très ancrés dans la culture hip hop et très influencés par les mouvements punk qu’il y a pu y avoir.
Et dans la culture populaire, c’est aussi tout ce qui est graphisme amateur, du graphisme de magasins de reprographie, des choses comme ça ?

T - Oui, ou des choses très institutionnelles qui datent un peu. Avant Photoshop, les gens découpaient leurs images à la main ainsi que leur texte. On essaie de fonctionner comme ça. Les premiers fanzines que l’on faisait, c’était des images qu’on collait dans des maquettes blanches, c’était pas sur Indesign.

  • En fait, le truc, c’est que les outils de mises en page, pour faire des logos, Photoshop et tout ça, on sait plus ou moins les utiliser. Mais à un moment, on a décidé de renier ce côté-là, c’était quand même une part de nos études, car on était dans des études plus ou moins de graphismes et d’art appliqué. On a décidé d’être un peu anti-ça, c’est pas un engagement, mais plutôt un désengagement.
  • Ça amenait trop de contraintes, car il y a des gens ici qui ne peuvent pas rester plus d’une heure sur un ordinateur sans taper du pied. [Rires] T - Je vois beaucoup d’événements sur Facebook par exemple, car je suis souvent dessus, et tous ces événements de musique à Paris aujourd’hui ont des visuels qui se ressemblent tous. Même typo ou mise en page, c’est standardisé et c’est terrible. Les mecs font ça en 30 secondes et ça n’amène plus aucune âme, plus aucune énergie dans ce que ça propose.
  • Je ne veux pas critiquer les graphistes qui veulent se faire 50 balles, mais c’est juste dans le choix esthétique, qui est très contraignant de passer par un ordinateur.
  • Et je pense pas que nous avons pensé à créer notre propre esthétique, car elle est très inspirée par beaucoup de choses. Si on doit définir notre esthétique, je pense que c’est un truc un peu brut. Un peu brutal et violent parfois. T - Oui, mais tout aussi intimiste.
  • Ça dépend. On ne veut pas toujours être dans un truc Riso, noir, blanc, découpage, brut. Parfois, il y a des choses qui sont aussi très fines, très poétiques. T - L’esthétique se crée grâce à nos goûts, c’est vrai que lorsqu’on imprime des choses sur des machines en couleur, jet d’encre et en même temps la Riso c’est vrai que ça se relie par nos goûts.
  • On est d’accord qu’imprimer de la Riso en noir et blanc vient aussi créer du sens, ça modifie la série de photos. Si elle était tirée en grand en couleur sur traceur, le rapport que t’as à cette série est complètement différent de ce que nous on impose aussi aux gens. T’imposes une esthétique, tu crées du sens en le mettant sur du papier plus ou moins de merde imprimé noir et blanc.
  • J’aime bien le papier recyclé, je trouve pas que ce soit un papier de merde. T - Oui, parce qu’on est écolo en plus [Rires]
  • Et en musique, le processus est maintenant devenu le même parce qu’on a acquis une machine qui duplique les cassettes. Elle permet d’enclencher le même processus que pour la microédition. Ça permet de copier spontanément et rapidement en série.
Donc c’est une machine qui duplique des cassettes comme ça très rapidement ?
  • Oui, c’est ça, et ça a un grain particulier aussi. Il y a le même processus de production et de création. T - Lui, il passe de la création de sa musique faite sur ses machines au format cassette avec un enregistreur cassette. Et ensuite, il duplique cette première cassette avec la machine, qui n’est pas très évoluée, mais qui produit assez rapidement pas mal de cassettes. Et c’est marrant, car il réutilise des lots de cassettes recyclées, trouvées qu’il clean avec la machine, il efface les bandes et réenregistre par dessus et nous on fout un autocollant avec écrit un nouveau nom dessus.
  • par contre, il faut trouver des boîtes propres.
  • Et tout ça nous amène à penser à diverses formes que peut prendre le livre, la micro-édition, le carnet, le journal et à prendre en compte toutes ces notions qui sont intéressantes et liées au travail d’artiste, au travail de recherches, de documentation, d’archives.
Et donc comment ça s’articule avec vos pratiques artistiques personnelles alors ?
  • Ça enrichit, ça alimente, ça permet de partager. T - C’est une pratique parallèle et on a tous pas mal de pratiques. Je pense qu’on a tous la photo, mais chacun fait ses trucs. Il y en a qui font de la sculpture, de l’installation, du dessin et je pense que l’édition, c’est encore une autre pratique et ça permet la documentation de chacun de nos projets, ça permet des projets collectifs, la confrontation de nos images. Et à partir du moment où tu mets des photos dans un bouquin et que tu penses à une mise en page, tu crées du sens. Moi, par exemple, dans mes séries de photos, j’ai du mal à faire une série en pensant photo tirée et je fais plutôt une série en pensant édition.
Mais donc tu vas présenter tes photos tirées dans une exposition ou juste dans des publications ? Et si tu vas les tirer, tu vas faire ça avec de la riso ou d’une autre manière ?
  • Non, ça dépend, et du coup tout ça communique, dialogue. C’est-à-dire que le processus d’impression, c’est sûr qu’il est très important, et qu’on peut retrouver des rappels aux éditions qu’on fait.
Et Thomas, tu disais justement que t’avais du mal à faire des pièces quand tu es arrivé aux beaux-arts, est ce que tu vas installer ton travail avec des éditions ou est-ce que tu sais quelle forme ça peut prendre ?

T - Ça dépend des accrochages. Des fois, je privilégie quand je suis en retard sur mon travail personnel et que j’ai passé beaucoup de temps à travailler les éditions avec Pablo, je présente les éditions. Si les trois derniers mois j’ai plus travaillé sur mes propres travaux, je vais présenter mes travaux perso.

  • Toi, l’impression, c’est un sujet important dans ta pratique.
  • Oui, les imprimantes, je trempe dedans depuis super longtemps et du coup ça se dégage, je présente des tirages. T - Lui, il a fait des études d’imprimeur.
  • Et je veux pas que mon travail se base là-dessus, mais même s’il y a des choses qui naissent, qui sont en lien. Mais mon but, c’est de ne pas me restreindre à l’édition et à l’impression. Mais quand je fais des accrochages de photographies, c’est pas des tirages en Riso.
Et donc vous faites des objets aussi, ainsi que des objets imprimés dans vos pratiques personnelles ?
  • On ne fait pas d’édition d’objets particulièrement, mais on fait de la sculpture.
  • Ça nous arrive de bricoler.
  • L’édition et la musique, c’est des trucs très collectifs, et puis, chacun de notre côté, on a nos pratiques différentes, et parfois ça se relie et parfois non.
  • On fait un peu de vidéo aussi.
Vous parlez de photographie d’ambiance, je crois. Quelle ambiance alors ?
  • Non, on parlait de ça que pour le premier. Où c’était des gens qui ont une pratique du graffiti et c’était leur photo d’avant/après qui nous intéressait.
  • Qui transpire la pratique, qui évoque l’univers sans le montrer.
Moi ça me faisait penser quand on parle d’ambiance au mot lifestyle ou style de vie, c’est-à-dire des photos du quotidien, mais un quotidien un peu particulier, un peu à la marge. Et donc la question : est-ce qu’il y a justement cette idée de partager une façon de vivre dans les éditions et un quotidien ?
  • Oui, je pense beaucoup. Car quand on propose aux gens de faire un fanzine ou un bouquin, c’est souvent de la photographie un peu documentaire. C’est parce qu’il y a un truc qui nous rappelle notre quotidien, notre façon de vivre, des choses que l’on voit tous les jours ou des choses qui nous fascinent avec notre environnement direct.
  • Et que l’on puisse poser un repère à la fois subtil et un peu drôle aussi, je pense.
  • Oui, un peu décalé, on n’est pas là à dire : « Regardez, on est en marge ». Chacun est comme il est, nous, on est pas en marge.
  • On évite de s’intéresser à des sujets qu’on ne connaît pas. On essaie quand même de parler sur un sujet qui est une matière qu’on affectionne et qu’on a partagée.
  • Et puis on parle aussi de ce qui nous est accessible, donc on fait en général des photos de notre environnement.
Est-ce que vous pouvez sortir justement quelques publications et dire qu’est-ce que c’est ? [Ils sortent les éditions] Alors il y a des cassettes, des fanzines, des livres un peu plus épais. Nous avons ici Never ending reflection de Mathias Schmitt.
  • C’est un pote DJ, il vient d’Allemagne.
  • Ce n’est pas notre travail perso, on a travaillé sur l’editing, sur la mise en page.
  • Il est photographe aussi, il a beaucoup voyagé.
  • Après ce que ça évoque, c’est surtout son intérêt pour la musique et pourquoi est-ce qu’il a fait ce voyage-là, pourquoi il a rencontré ces personnes-là. C’est un peu une quête.
Ah oui, il y a, c’est presque un pèlerinage, d’aller à Detroit et de rencontrer des gens qui ont fait de la musique électronique, peut-être.
  • D’être dans une optique assez sobre, ce ne sont pas non plus des photos de ghettos.
Pourquoi tu ne veux pas parler du projet sur le dessus ?
  • C’est juste que c’est sur un sujet dont je n’ai pas envie de parler. C’est un vieux truc.
  • Ensuite, on peut parler de celui-là, il s’appelle Un Cuff Me de Vincent Canton. La production a été super rapide, car c’était une collecte de dessins d’un ami. Voilà, c’est de la récupération de ses petits dessins qui sont à la fois pas du tout sérieux et, oui, aussi très graphiques. Ça rappelle le tatouage.
  • Ce qui était marrant, c’est que tous ses dessins avaient été faits sur des emballages de bière. Car, pendant un moment, il a vécu à Los Angeles et il récupérait tous les emballages de bières où il y avait un travail d’impression assez marrant. C’est ce qui figure au début, et tous les dessins ont été faits sur des petits bouts de ces paquets-là.
Et celui-là, c’est quoi ?
  • Celui-ci c’en est un qu’on a fait y a pas longtemps, c’est une sorte de collaboration d’un couple.
  • C’est le travail d’un couple, c’était leur initiative et leur idée de concevoir cet objet.
  • Oui, c’est ça, ils avaient le désir de faire quelque chose. Ces gens-là sont partis en voyage en Bolivie et la fille est tombée malade.
C’est pour ça que ça prend la forme d’un carnet de santé ?
  • Oui, c’est ça, elle est tombée malade, très gravement, et au lieu de passer ces vacances là-bas à profiter, ils ont passé la moitié du temps dans des situations horribles, dans des hôpitaux, des petites cliniques de village. On a pensé avec eux à une espèce de confrontation de ces images qui sont des paysages très clean très détachés, où parfois il n’y a pas un humain.
  • L’idée, c’était l’idée de la carte postale…
Oui, c’est le carnet de voyage, mais le voyage qui a mal tourné en fait.
  • Oui, voilà, et confronté à ça, on a mis les scans de médicaments. Eux, ils avaient vraiment le désir de faire quelque chose avec ça, c’est pour ça qu’ils les ont gardés. Donc voilà, pas de texte, pas d’explications. Je pense qu’une explication orale suffit. Pour nous, c’est un objet qui reste très mystérieux malgré tout. On ne comprend pas vraiment où on veut en venir.
Et c’est imprimé comment ? Donc il y a de la Riso avec toujours ce papier recyclé. Et ça ?
  • C’est de l’électrophotographie, c’est un système d’impression entre l’impression numérique et l’impression offset. C’est une machine particulière qui fait ça aussi, qui est assez rare, finalement, elle ne se trouve pas partout.
Et la couverture en sérigraphie ?
  • Non, la couverture, c’est la même chose, sauf que c’est une impression blanche sur du papier foncé. Mais c’est assez clean, l’impression. Ça marche bien.
Et celui-ci, il y a un dos carré collé. Ce n’est pas vous qui l’avez imprimé alors ?
  • Si c’est nous qui l’avons imprimé ici avec la Riso. La couverture, on l’a fait imprimer en sérigraphie chez un atelier qui s’appelle Arcay.
  • Chez des potes, et à l’intérieur, c’est que de la Riso. En fait, c’est des scans de collage qui ont été réalisés par un artiste qui s’appelle Moshekwa Langa, qui vit en Hollande et qui est né en Afrique du Sud. Et voilà, lui, il est peintre, il fait aussi des installations, des choses très colorées. Au final, c’est très différent du travail auquel on peut s’attendre, c’est que des collages. On a voulu garder le format à peu près de base, donc un A4, à part peut-être les double pages qu’on a doublées. On ne peut pas appeler ça un fac-similé, car bien sûr, on a quelque peu modifié le format, etc…
Et cette pixellisation ?
  • Ça, c’est le travail de l’artiste.
Oui, car là le fond n’est pas pixélisé, mais c’est le devant qui l’est.
  • Oui, car lui, il va récupérer des portions d’images qu’il va agrandir, recoller, rescanner et après ré-imprimer. Voilà, c’est du Xerox… Et donc là, il nous a envoyé une étape de travail, mais si ça se trouve, la moitié de ces images ont encore changé aujourd’hui.
Ah oui, parce qu’il a continué à les travailler.
  • C’est un travail qu’il a commencé il y a très longtemps.
  • Il l’a mis de côté pendant un moment, ensuite on a fait ça et il l’a repris. Et moi, ce que j’aime, c’est que c’est au final une simple étape de ce travail là, de cette série là. Ça veut dire que c’est une proposition qui est une publication, mais le travail évolue, il prend des formes différentes : publications, tirages, par exemple.
  • C’est aussi des grands formats qu’il présente sous d’autres formes.
D’accord, donc là, il y a quelques cassettes avec des jaquettes qui sont imprimées sur la Riso, toujours avec ce papier recyclé. Et qu’est-ce que l’on trouve dedans…
  • Alors ça, c’est une compilation de musiques de black metal.
  • Et ensuite, il y a… Q. BEAT TAPE que j’ai fait en composant l’instrumental hip-hop pendant 1 ou 2 ans sur une machine sampler qu’un ami proche m’a offert.
D’accord, et vous disiez que vous étiez dans un certain refus du graphisme séduisant, donc là on a des typos un peu gothiques et d’autres qui sont écrites à la main.
  • C’est pas pareil, là, c’est créer un objet par rapport à la musique, et quand on fait des zines, on parle de photographie et de typos ou de choses comme ça. Là, c’est vraiment créer un objet qui vient accompagner la musique et soutenir les musiciens. Donc, je pense que c’est la seule chose qui est différente.
  • C’est comme quand on fait un flyer pour une soirée, on pourrait effectivement plaquer des informations totalement simplement. Mais il y a quand même une petite recherche esthétique.
  • Après les écritures au marqueur c’est quand même un choix de non-esthétique même si c’en est un. On est toujours obligé de faire une esthétique.

Paris,

November 25th, 2015

The three founders of Red Lebanese met at school when they were young. They started publishing together in 2012, when they were studying art. They chose the name Red Lebanese after tasting the best hash from Lebanon. Their work is a great example of how the act of editing and publishing becomes a place for experimentation, just like a studio space. It is not surprising, then, to hear that those three deserted their art school, preferring the murmurs of their printers to the ambiance of the collective studios of the École des Beaux-Arts. Pablo Jomaron, Thomas Brun, and Quentin Leroy started publishing when they bought a Riso printer they found on Le Bon Coin, the French equivalent of Craig’s List. But instead of using the extraordinary characteristics of the Riso to make flashy, colourful publications, they only ever put black ink in their machine.
Having too much respect for the history of graffiti, they do not consider their tagging activities as part of their artistic practice but more like a hobby. They don’t see any contradiction in filling their zines with photographs of their mischiefs, though. Their publications somehow have a “lifestyle” aspect, showing pictures of their everyday lives taken either by friends or by themselves.
It is only natural, then, that the music that accompanies them in their lives is a key element of their publishing activities. Indeed, Red Lebanese became a label and started by issuing mixtapes on good old audio cassettes. The zines of Red Lebanese have this kind of intelligence and authenticity that is really scarce.
Here we go. So, who are you, gentlemen?

T - My name is Thomas. P - My name is Pablo. And that’s Quentin. Q - I’m Quentin.

And you are Red Lebanese; you publish fanzines, books, and mixtapes. So, what do you publish? And what kind of content can we find in it?

Basically, we did it for fun. We were having fun in the continuity of our photography practice. Little booklets that were not distributed at all were really for us, and I think it was also a way to look at our photos and those of our friends in a different way. We were doing a sort of collective project whose sole aim was to make a digital image, or a small print, a little more material. We were editing images and so on, and then we wanted to do it in a way that wasn’t necessarily more serious, but we simply had to find a name. We had to find a name, and now we’re doing it under a name, and we’re making a few more copies. We’re trying to distribute them.

And why “Red Lebanese,”  then?

T - We were looking for a name, and then a friend of ours came back from Israel and told us about a hashish called “Red Lebanese.” He told us a bit of the story, and we found it interesting. P - And above all, it’s very good. He’s the best. Q - And we have friends who are of Lebanese origin.

And what kind of content can we find in your publications?

Mostly photography, I think, because it’s a practice that affects us all. At the beginning, we started to be very interested in photo books. I think that this quickly pushed us to have a small publishing practice in addition to this one. So we started in a very unserious way. We’re going to do projects just to have another look at our work ourselves. And with no desire to distribute, no desire to make a product out of it. It was just for us. We did small collective projects, and without making a lot of copies, etc. we tried, as far as possible, to spend the least amount of money to make bigger series.

And so you also publish audio cassettes? What kind of music can be found in them? What role does music play in Red Lebanese?

T - The music is mainly composed by our friends. There are various projects, too. Like electronic, hip-hop, or original songs, but also compilations of songs. The interest is to be able to combine the bridges that open up. And in the tape, and in the music. P - It’s a parallel practice, and in the end, we do it in the same way. In a collective, impulsive way, it’s to make productions that we find coherent and interesting. And so we like to do it collectively because we are inspired by each other. And… and that’s it.

Super-Lift
Thomas Brun, *Super-Lift*, Paris, Red Lebanese, sans date, 14,8 x 21 cm, Risographie, 28 pp. Thomas Brun, *Super-Lift*, Paris, Red Lebanese, no date, 14,8 x 21 cm, Riso print, 28 pp.
No title
Anonymous, \[Sans Titre], Paris, Red Lebanese, sans date, 14,8 x 21 cm, Risographie, 32 pp. Anonymous, \[Untitled], Paris, Red Lebanese, no date, 14,8 x 21 cm, Riso print, 32 pp.
Attraction Clientèle
Thomas Brun & Pablo Jomaron, *Attraction Clientèle*, Paris, Red Lebanese, 2013, 14,8 x 21 cm, Risographie sur papier recyclé, 36 pp. Thomas Brun & Pablo Jomaron, *Attraction Clientèle*, Paris, Red Lebanese, 2013, 14,8 x 21 cm, Riso print on recycled paper, 36 pp.
Typologie du sauveur, Pathos du redempteur
Thomas Brun & Pablo Jomaron, *Typologie du sauveur, Pathos du rédempteur*, Paris, Red Lebanese, 2013, 14,8 x 21 cm, Risographie et élastique, 80 pp. Thomas Brun & Pablo Jomaron, *Typologie du sauveur, Pathos du rédempteur*, Paris, Red Lebanese, 2013, 14,8 x 21 cm, Riso print and rubber band, 80 pp.
Paris - GDN
Benito & Le K, *Paris - GDN*, Paris, Red Lebanese, 2013, 14 x 20 cm, Risographie, 20 exemplaires, 40 pp. Benito & Le K, *Paris - GDN*, Paris, Red Lebanese, 2013, 14 x 20 cm, Riso print, 20 copies, 40 pp.
Oversize
Mickael Bardelli, *Oversize*, Paris, Red Lebanese, 2014, 14,8 x 21 cm, Risographie sur papier jaune, 20 pp. Mickael Bardelli, *Oversize*, Paris, Red Lebanese, 2014, 14,8 x 21 cm, Riso print yellow paper, 20 pp.
PARISREAL I
Raphael Lopez, *PARISREAL I*, Paris, Red Lebanese, 2015, 15 x 23 cm, Risographie, 100 exemplaires, 44 pp. Raphael Lopez, *PARISREAL I*, Paris, Red Lebanese, 2015, 15 x 23 cm, Riso print, 100 copies, 44 pp.
PARISREAL II
Yanis Dadoum, *PARISREAL II*, Paris, Red Lebanese, 2015, 15 x 23 cm, Risographie, 100 exemplaires, 44 pp. Yanis Dadoum, *PARISREAL II*, Paris, Red Lebanese, 2015, 15 x 23 cm, Riso print, 100 copies, 44 pp.,
Ensemble 4
Pablo Jomaron, *Ensemble 4*, Paris, Red Lebanese, 2015, 20 x 28 cm, Risographie sur papier recyclé, 100 exemplaires, 24 pp. Pablo Jomaron, *Ensemble 4*, Paris, Red Lebanese, 2015, 20 x 28 cm, Riso print on recycled paper, 100 copies, 24 pp.