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Sèvres,

le 21 avril 2015

La plupart des œuvres d’Olivier Nourisson sont des instruments pour observer le monde qu’il fabrique avec des matériaux de récupération trouvés dans des bennes à ordures. Ces œuvres sont généralement fonctionnelles, mais personne n’a été assez fou pour envisager d’aller sous l’eau dans son sous-marin en bois. Au lieu de cela, Nourisson a placé le sous-marin anti-Aufklärung au centre du salon d’auto-édition du même nom qu’il a créé. Le premier Salon de l’auto-édition anti-Aufklärung a été organisé à la Générale en Manufacture, un squat à Sèvres près de Paris, en mars 2015 et s’est poursuivi pendant 4 autres années au Point Éphémère à Paris.
Placé sur un piédestal tournant dans une pièce remplie de publications sur des tables, le sous-marin devient un instrument pour découvrir les profondeurs du monde de l’autoédition. À travers cette installation monumentale, mais aussi des performances et des lectures, le public est invité à découvrir les joyaux du monde de l’autoédition sortis tout droit des abysses que les puissants projecteurs ne peuvent atteindre. Les murmures de la foule sont parfois interrompus par des performances et des voix virulentes. Conçu comme une exposition plutôt qu’un alignement de livres sur des tables, l’équipe du salon encourage les auto-éditeurs invités à envahir les murs avec leurs publications afin de remplir tout l’espace.
Nourisson a commencé à faire des zines au début des années 1980, alors qu’il était un jeune artiste en herbe. Il était déjà dégoûté par le monde de l’art et a créé Fact’Art et Has Been, deux faux magazines d’art se moquant des dernières tendances. Dans De l’art moderne chez vous, il parodie les guides de bricolage et explique comment réaliser son propre chef-d’œuvre d’art moderne. En 1990, il crée l’hilarant SPLATCH, le premier magazine entièrement coloré aux crayons de couleur.
En 1998, Nourisson commence à publier un autre type de zine à Montréal. Dans le premier numéro de Slash Zone, il avertit le lecteur : « Le format, la mise en page, la typographie, les numéros et les images de ce magazine ont été conçus, dans leur entirté [sic], par une machine dans le seul but de séduire un maximum d’occidentaux. »
Tu as créé le salon Anti-Aufklärung récemment, et je me demandais pourquoi ce nom. Il me semble que ça vient d’Adorno dans La Dialectique de la raison. Pourquoi est-ce que ça t’a intéressé ?

Alors, ce qui m’intéresse dans les Allemands de cette époque-là, des années 1930-40, c’est leur lucidité vis-à-vis du monde dans lequel ils sont. Et puis, à savoir que toute la philosophie que nos générations ont bouffée vient quand même largement de là, en passant par tout le structuralisme. Et donc, à un moment donné, Adorno parle d’anti-Aufklärung, c’est « anti-lumière », et il dit : ce que le siècle des Lumières nous avait promis, c’est-à-dire l’émancipation de l’homme par la culture, en fait, c’est pas vrai, ça ne marche pas et ça fait l’effet inverse. Ça fait « anti-lumière ». Ca fait anti-Aufklärung. Et comme je travaille beaucoup autour des idées d’aliénation. Qui est-ce qui aliène l’homme, notamment à travers les rapports de pouvoir aussi qu’il peut y avoir. Et donc j’avais commencé à faire des choses, des objets qui auraient pu être des objets d’observation, pour observer. Il y a eu des observatoires astronomiques, il y a eu une barque pour aller observer le chantier de l’île Seguin, pour voir l’avancée du Grand Paris. Et puis, je suis parti dans des idées d’aller explorer les abysses de la Seine avec un sous-marin, que j’ai appelé anti-Aufklärung, parce que je me suis dit : voilà, il va aller observer ce qu’il y a dans cette matière noire. Parce que je pense qu’il y aurait une histoire, une chose qui aurait un rapport avec l’inconscient collectif, qui se serait enfoui ou, dans tous les cas, qui se serait déposé dans le fond, dans une obscurité totale.

Et donc, dans la foire, ce sous-marin était présent physiquement, et il représentait ça.

Donc, le sous-marin était surélevé sur un socle qui tourne très lentement. Pratiquement comme un phare qui passerait au-dessus des têtes des gens et nous qui circulions en-dessous du sous-marin au milieu de toute cette vie avec sa production. C’est comme si on était les dépôts qu’il y aurait en dessous de l’eau, dans les abysses, dans l’obscurité. Qu’est-ce qui se passe dans cette obscurité ? Et dans ces productions, on voit l’autre côté, comment dire… le visible. Enfin, on voit les formes. Il y aurait comme si…

Sèvres,

21 April, 2015

Most of Nourisson’s artworks are instruments to observe the world that he makes with scrap material found in dumpsters. These artworks are usually functional, but nobody has been crazy enough to consider going under water in his wooden submarine. Instead, Nourisson placed the “anti-Aufklärung” submarine at the centre of the self-publishing fair of the same name, which he created. The first Salon “anti-Aufklärung” was organised at the Générale en Manufacture, a squat in Sèvres near Paris, in March 2015 and continued for 4 more years at Le Point Éphémère in Paris.
Placed on a rotating pedestal in a room full of publications on tables, the submarine becomes an instrument to discover the depths of the self-publishing world. Through this monumental installation, as well as performances and readings, the public is invited to discover the gems of the self-publishing world pulled straight out of the abyss that powerful spotlights cannot reach. Sometimes the murmurs of the crowd are interrupted by performances and virulent voices. Designed as an exhibition rather than an alignment of books on tables, the salon’s team encourages the invited self-publishers to invade the walls with their publications in order to fill the entire space.
Nourisson started making zines in the early 1980s, when he was a young, aspiring artist. He was already disgusted by the art world and created Fact’Art and Has Been, two faux art magazines making fun of the latest trends. In De l’art moderne chez vous he parodied DIY guides and explained how to make your own modern art masterpiece. In 1990, he created the hilarious SPLATCH, the first magazine entirely coloured with pencils.
In 1998, Nourisson started publishing another kind of zine in Montréal. In the first issue of Slash Zone, he warns the reader: “The format, the layout, the typography, the issues, and the images in this magazine were conceived, in their entrety [sic], by a machine in the sole purpose of seducing as many westerners as possible.”
You created the Anti-Aufklärung fair recently, and I was wondering why this text. It seems to me that it comes from Adorno in The Dialectic of Reason. And why did it interest you?

Well, what interests me about the Germans of that period, of the 1930s and 1940s, is their lucidity with regard to the world in which they live. And then, to know that all the philosophy that our generations have eaten up comes largely from there, through structuralism. And so, at one point, Adorno speaks of anti-Aufklärung, which means “anti-light,” and he says: What the Enlightenment promised us, meaning the emancipation of man through culture, is in fact not true; it doesn’t work, and it has the opposite effect. It’s “anti-light”. It’s anti-Aufklärung. And as I work a lot around the idea of alienation. What alienates us, particularly through the power relationships that can exist. And so I started to make things—objects that can be used as objects of observation—to observe. I made astronomical observatories and also a boat to go and observe the construction site of the Ile Seguin and see the progress of “Le Grand Paris.” And then I had the idea of exploring the abysses of the Seine with a submarine, which I called anti-Aufklärung, because I said to myself: I will use it to go and observe what is in this dark matter. Because I thought that there would be a story, something that could relate to the collective unconscious, that would be buried, or, in that case, that would have settled at the bottom, in total darkness.

And so in the fair, this submarine was physically present, and it represented that.

So there it was; in fact, the submarine was raised on a pedestal that was rotating very slowly like a lighthouse, passing over people’s heads. And, in fact, we, who were circulating all this life with its production, were below the submarine. It’s as if we were the sediments that would have settled under the water, in the abyss, in the darkness. What happens in this darkness? And I think that in our production, OK, we only see the side, how to say … the visible side. I mean, we only see the shapes. It’s as if…