Paris,
le 23 juin 2017
S : J’ai commencé Nos Books en 2009, d’abord pour publier mes zines, puis je les ai apportés dans quelques magasins. Je me suis dit que si j’avais plus de livres, ce serait plus facile de les vendre dans les magasins. C : Elle publiait son petit livre à l’époque. [FOLDER ATTACKS ISSUE ONE_BUDDHA JUMPS 佛陀跳]
C : Oui, oui, puis elle a commencé à frapper aux portes de quelques librairies indépendantes pour les vendre. Plus tard, elle s’est rendue compte que ça prenait beaucoup de temps de faire des allers-retours avec les livres. S : et je n’avais qu’un seul livre. C : Elle a donc décidé de publier d’autres livres afin d’apporter des titres différents à chaque fois. S : et la librairie peut choisir entre différents titres.
S : Publier d’autres personnes, parce que mes amis autour de moi sont très talentueux, mais ils ne savent pas comment en faire quelque chose. Avant qu’on ne travaille ensemble, ils se contentaient de publier sur Flickr ; c’était comme un journal intime. C : Ses amis avaient l’habitude de publier sur Flickr, de sorte qu’il n’y a pas de fin à un projet, alors que si tu publies un livre, il y a un début et une fin. S : Et tu peux le transporter et le montrer.
S : On a discuté, quand je leur ai proposé de publier un livre. Mais je ne veux pas leur Travail, j’aime les choses auxquelles ils ne prêtent pas attention, comme les dessins, les esquisses et les choses qui sont à côté de l’œuvre principale. C : Par exemple, si l’artiste réalise un projet A très important et intéressant, on sera plus intéressés par le projet B, qui est peut-être quelque chose de plus décontracté ou sans prétention auquel ils ne portent pas nécessairement attention. On essaie de découvrir cette partie et de discuter avec eux pour en faire un livre ou un zine. S : L’idée est que le livre est l’une de leurs œuvres d’art.
C : Projet B, aussi parce que pour le projet A, ils ont déjà une idée du produit final. S : …peut-être dans une galerie, pour le vendre. C : Si on met ce projet A dans un livre, ce ne sera qu’une ennuyeuse collection d’œuvres, ce qui ne nous intéresse pas.
S : Oui, oui. On discute avec les artistes du format qui convient au projet.
C : Progressivement, il n’y a pas de moment précis.
C : J’ai commencé par découper le papier et j’aime faire ça, découper.
S : J’aime trouver des formats qui correspondent à la personnalité de l’artiste. Lorsque la personnalité d’un artiste est cachée, qu’il ne veut rien révéler, on a fait un livre à gratter. Il y a tellement de façons de faire un livre, on connait tellement de méthodes d’impression, mais parfois l’artiste ne va pas dans le sens que tu veux, alors tu passes à autre chose. Si tu associes le bon artiste à la bonne méthode, tout sera parfait.
S : J’aime le papier fin, et j’aime aussi le papier.
S : Je cherche le bon pour chaque projet.
S : Oui, j’ai commencé à travailler avec Riso depuis… J’ai oublié l’année. Ensuite, on en a acheté une et on a acheté beaucoup de machines, un massicot, une agrafeuse. C : Pas beaucoup de machines, des machines de base. S : Mais c’est suffisant. On fait les dos carrés collés à la main, de manière simple. On ne peut pas le faire pour 1000 exemplaires, mais Chihoi l’a fait pour 500 exemplaires de son livre.
H : Je ne connaissais rien avant de le faire. S : Elle est l’exception ! H : J’ai juste fait les dessins. À l’origine, il s’agit d’un dessin de près de 3 mètres de long, avec des centaines de personnes que j’ai observées au Metropolitan Museum. J’y vais souvent à New York, et j’ai fini par ne plus regarder les œuvres, mais le public. J’ai dessiné tous ces gens sur une feuille et elle [Son] voulait en faire un livre [There is no Future]. Mais finalement, comme il y avait tellement de gens, ils ont fini par faire un petit livre [Now is the Past]. S : Au début, on voulait faire un très grand livre, mais le format est vraiment compliqué. Pour moi, les visages étaient la partie la plus intéressante, mais les images dans leur ensemble sont également très belles. On a donc fait un livre qui montre les scènes entières, les personnes dans l’espace, et un autre petit livre avec seulement les visages.
C : Oui, avec seulement les visages en portraits dans le petit. S : Le choix des personnages a été assez difficile, je ne les ai pas tous utilisés. Je ne voulais pas choisir des visages trop nets, trop évidents, je voulais des gens qu’on puisse reconnaître dans la rue. Pas nécessairement un beau gosse ou quelque chose comme ça. Et on a ajouté un petit jeu dans le livre, car il y a un portrait qui est deux fois, il faut le trouver. Il est vraiment difficile à trouver parmi plus de 400 pages. H : Je ne le savais pas !
S : Il s’agit d’un projet [Computer_Says_No . gif de Ting Cheng] avec une photographe taïwanaise qui travaille généralement en très grands formats exposés dans des galeries. Elle fait aussi de la vidéo, et nous avons donc réalisé des cartes lenticulaires, comme des GIF animés imprimés.
S : Seulement les choses que j’aime.
C : Oui, l’emballage est collé tout autour. S : Il faut insérer un couteau pour détacher chaque page.
C : Ce sont des dessins érotiques, c’est pour ça qu’ils sont collés. C’est aussi comme si on enlevait des vêtements.
S : C’est l’œuvre d’un artiste céramiste [Food Pose 食物擺態 de Hsian Jung Chen]. Il a réalisé des compositions alimentaires, les a photographiées et a ensuite créé une céramique pour chacune d’entre elles. C : Comme ces œuvres s’inspirent de formes de fruits, dans son exposition, il vendait les poteries au poids, à l’aide d’une balance. Tu prenais ce qui te plaisait, et si ça faisait 2 kilos, tu payais le prix pour 2 kilos, comme tu achèterais des fruits sur un marché.
S : On a rencontré Alexis [Beauclair] et on a beaucoup apprécié la façon dont ils impriment Lagon Magazine. On a vu qu’il participait aussi au Fanzines Festival avec beaucoup de choses intéressantes. On a l’impression que c’était plus qu’un salon de la BD normal, avec des choses qui ressemblent à ce qu’on fait, qui ne tournent pas autour d’une histoire, mais plutôt autour de concepts. Le livre tourne autour d’une seule chose, donc il faut bien faire cette chose.
S : Oui, nous essayons.
S : C’est quelque chose que j’ai fait il y a longtemps. J’avais une résidence à San Francisco, avec un énorme atelier, mais je continuais à dessiner ces petits formats. J’en ai fait peut-être 50, je ne sais pas, j’ai oublié.
S : Oui, mais ils peuvent être présentés de différentes façons, et pas seulement sur des fruits. Je les ai aussi montrés sur des pierres. La calebasse est une sorte de fruit dont l’intérieur est vide quand elle sèche.
S : Vraiment, c’est cool. Parce que quand j’étais aux États-Unis, personne ne connaissait.
S : C’est le travail de mon père ; c’est un homme d’affaires normal qui travaille dans un bureau. Mais lorsque j’ai commencé à publier des livres, je me suis souvenu qu’il faisait des sculptures sur les lits lorsque j’étais enfant. J’ai trouvé ça très intéressant, alors je lui ai demandé de le refaire pour moi. Quand j’ai demandé à un photographe de prendre des photos, il nous a raconté qu’il s’agissait d’une sorte d’invitation sexuelle faite à ma mère. Il faisait une sculpture sur le lit en guise d’invitation, si ma mère était d’accord, elle la laissait, et si elle ne l’était pas, elle détruisait la sculpture.
S : Il a également fait des dessins pour le projet.
S : Oui, parce qu’on fait moins d’exemplaires des zines, donc ils sont épuisés. On publie aussi des zines qui sont plus axés sur un concept, comme l’un de mes zines [_on_ _on_], dont l’idée principale est de couvrir des choses sur une table.
S : Oui, je pense que c’est plus rapide. Mais les temps sont durs aujourd’hui, donc même la réalisation d’un zine prend du temps.
S : C’est de plus en plus populaire parmi les dessinateurs de bandes dessinées, les photographes, il y a aussi des zines de littérature.
S : Je ne pense pas. Je pense que mon ami les connaît, mais pas moi.
S : J’aime le papier. [Elle rit] Un dessin dit quelque chose de mon travail, mais je pense qu’un livre peut en dire plus. La réalisation d’un livre est davantage un processus. Si je dessine une page, ce n’est qu’une page, alors que dans un livre entier, chaque page représente quelque chose dans le processus.
S : Oui
S : Je fais aussi des choses que j’aime. J’ai fait un tout petit livre parce que j’aime les tout petits livres. J’aime les livres minuscules et épais à la fois, comme un objet. J’aime ça, alors je les fabrique.
S : Parce qu’on est toujours en train de porter des livres. Des livres lourds seraient trop pour nous.
C : On n’a pas d’endroit où stocker. Le stockage est un problème.
S : Je pense que les zines fonctionnent bien avec un concept, un petit concept. Si tu veux faire un livre de 400 pages, tu dois avoir un grand concept, alors que tu peux faire un zine avec une petite idée intéressante que tu représenteras très rapidement.
H : Demande-lui ce qu’elle pense du fromage. S : Je veux manger de la bonne nourriture ! [Rires] Et je dois faire des livres plus rapidement, parce que je ne suis pas douée pour le design. Je peux faire le design, mais vraiment très lentement. Je le fais de manière très simple. S’il s’agit de mon propre travail, je fais un livre directement, en scannant simplement les choses sur la Riso. Je n’aime vraiment pas Photoshop, Illustrator, InDesign, gérer les mots, la taille, c’est vraiment quelque chose de pénible.
S : J’aime plier le papier, c’est ce que j’aime, mais je n’aime pas dessiner. Si j’utilise mon cerveau de design, mon cerveau de dessin mourra. C : On aime faire les choses à la main. S : On préfère numériser sur la machine Riso, car sur l’ordinateur, je n’arrive pas à imaginer à quoi ça va ressembler. C : Ce que tu vois n’est pas ce que tu obtiens.
S : On dessine généralement au crayon ou à l’encre et les dessins sont plus beaux en utilisant le scanner, alors qu’avec un ordinateur, on perdrait de la texture.
Paris,
June 23rd, 2017
S: I started Nos Books in 2009 to publish my zines first, and then I took them to some shops. I thought that if I had more books, it would be easier to sell in shops. C: She was publishing her little book at the time. [FOLDER ATTACKS ISSUE ONE_BUDDHA JUMPS 佛陀跳]
C: Yeah, yeah, then she started knocking on doors of some independent bookshops to sell them. Later, she realised that it was quite time-consuming to bring the books back and forth. S: and I only had one book. C: So she decided to publish more books, so that this way, she would be bringing different titles each time. S: and the bookshop can choose between different titles.
S: Publishing other people, because my friends around me are very talented, but they don’t know how to make it something. Before we worked together, they were just posting on Flickr; it was more like a diary. C: Her friends used to post on Flickr, so there is no end to a project, whereas if you publish a book, it has an opening and an end to it. S: And you can carry it around and show it.
S: We discussed, as I offered them to publish a book. But I don’t want their Work; I like the stuff that they don’t pay attention to, like the drawings, sketches, and stuff that is aside from the main work. C: For example, if the artist is doing a very important and interesting project A, we would be more interested in project B, which is maybe something more casual or relaxed that they don’t necessarily care about. We try to discover this part and discuss with them making it into a book or a zine. S: The idea is that the book is one of their artworks.
C: Project B, also because for Project A, they already have an idea of the end product. S: …maybe in a gallery, to sell it. C: If we put this project A into a book, it would be just a boring collection of works, which we are not interested in.
S: Yes, yes. We discuss with the artists which format is suitable for the project.
C: Gradually, there is no exact time.
C: I started by cutting the paper, and I liked doing that, cutting. A lot of the publications you produce have very strange formats. S: I like to find formats that will be a good fit for the artist’s personality. When the personality of an artist is hidden, they don’t want to reveal anything, so we did the scratching book. There are so many ways to make a book; we know so many printing ways, but sometimes the artist doesn’t go with the way you want it, so you move on. If you match the right artist with the right way to do it, it will be perfect.
S: I like thin paper, and I also like paper.
S: I just use the right one for each project.
S: Yes, I started working with Riso since… I forgot the year. Then we bought one and got a lot of machines, including a guillotine and a stapling machine. C: Not so many machines, basic ones. S: But already enough. We do the perfect binding by hand, the easy way. We cannot do it for 1000 copies, but Chihoi made it for 500 copies of his book.
H: I didn’t know anything before I did it. S: She’s the exception! H: I just did the artwork. It was originally an almost 3-metre-long drawing with hundreds of people I observed at the Metropolitan Museum. I go there a lot in New York, and eventually I ended up not looking so much at the art but looking at the audience instead. I drew all these people on one piece of paper, and she [Son] was interested in making it into a book [There is no Future]. But eventually, as there were so many people, they ended up in this small one [Now is the Past]. S: At first, we wanted to make it into a really big book, but the size is really tricky. To me, the faces were the most important part, but the whole images are also very great, so we wanted to make a book that would show the whole scene, people in the space, and another small one with just the faces.
C: Yes, with only the faces as portraits in the small one. S: Choosing the people was quite hard; I didn’t use all of them. I didn’t want to choose faces that were too sharp or obvious; I wanted people that you could recognise on the streets. Not necessarily a really handsome guy or something like that. And we added a trick in the book, as there is one portrait that is twice, and you need to find it. It is really hard to find among more than 400 pages. H: I didn’t know that!
S: This is a project [Computer_Says_No.gif by Ting Cheng] with a photographer from Taiwan who usually works in really big formats shown in galleries. She also makes video, so we made lenticular cards, like printed animated GIFs.
S: Only the things I like.
C: Yes, the wrapping is glued to each side. S: So you have to insert a knife to detach each page.
C: They are erotic drawings; that’s why it is glued. S: It shows his secret heart… C: It’s also like taking off clothes.
S: This is one by a ceramic artist [Food Pose 食物擺態 by Hsian Jung Chen]. He made food compositions and took pictures of them, and then he created a ceramic for each of them. C: Because these works are inspired by forms of fruit, in his exhibition, he would sell the potteries by weight, with a balance. You would pick whatever you liked, and if it was 2 kilos, you would pay the price for 2 kilos, like you would buy fruits in a market.
S: We met Alexis [Beauclair] and really appreciated the way they print Lagon Magazine. We saw that he was also participating in Fanzines with many interesting things. It seems like it was more than a normal comic book fair, with things like our work that do not revolve around a story but more around concepts. There is only one thing in the book, but we do the one thing right.
S: Yes, we try to.
S: This is my old work. I had a residency in San Francisco; I had a huge studio there, but I would still draw these small pieces. I made maybe 50; I don’t know, I forgot.
S: Yeah, but they can be presented in many ways, not only on fruits. I also showed them on rocks. Calabash is a kind of fruit that is empty inside when it dries.
S: Really, cool. Because when I was in the U.S., no one would know.
S: This is my father’s work; he is a normal businessman doing his office job. But as I started publishing books, I remembered him making sculptures on the beds when I was a kid. It felt really interesting, so I asked him to do it again for me. I had a photographer take some pictures, and he taught us that it was some sort of sexual invitation to my mom. He would do a bed sculpture as an invitation; if my mom was okay, she would let it remain, and if she was not, she would destroy the sculpture.
S: He also made some drawings for the project.
S: Yeah, because we make fewer copies of the zines, so we don’t have any copies left. We also publish zines that are more focused on a concept, like one of my zine [_on_ _on_], the whole idea is things covering things on a table.
S: Yes, I think it is quicker. But these days are really rough, so even making a zine still takes time.
S: It’s getting more and more popular among people who draw comic books and photographers; there are also literature zines.
S: I don’t think so. I think my friend would know of them, but I don’t.
S: I like paper. [Laughs] When I draw, it says something about my work, but as a book, I think it can tell more. Making a book is more of a process. If I draw one page, it is just one page, whereas in a whole book, every page can be something in a process.
S: Yes
S: Also, I do things I like. I made a tiny little book because I like tiny little books. I like tiny and thick at the same time, like an object. I like them, so I make them.
S: Because we always carry books. Heavy books would be too much for us.
C: We have no place to store. Storage is a problem.
S: I think zines work well with a concept—a small concept. If you want to make a book that is like 400 pages, you must have a big concept, whereas you can do a zine with a small, interesting idea that you will represent really quickly.
H: Ask her about the cheese. S: I want to eat good food! [Laughs] And I need to make books faster because I think I am not good at design. I can do design, but really, really slow. I do it in a very simple way. If it is my own work, I will make a book directly, just scanning things on the Riso. I really don’t like Photoshop, Illustrator, Indesign, managing the words and the size is really something painful.
S: I like folding paper; this is what I like, but I don’t like to design. If I used my design brain, my drawing brain would die. C: We like handy work. S: We prefer to just scan on the Riso machine, because on the computer I just can’t imagine what it will look like. C: What you see is not what you get.
S: We usually draw with pencil or ink, and they look better using the scanner, whereas with a computer we would lose some texture.