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Tokyo,

le 17 juin 2016

Masanao Hirayama ou « Himaa » m’a donné rendez-vous à Shimokitazawa, un quartier branché de Tokyo près de Shibuya où il vit. La zone est connue pour ses magasins de vêtements vintage, il m’a donc emmené en visiter quelques-uns, dont un dans un ancien bain public transformé. Nous nous sommes assis dans un café qu’il aime bien. Il est habituellement très calme, mais ce jour-là, il était rempli de vieilles dames japonaises qui buvaient du thé en conversant bruyamment.
Je connaissais le travail d’Himaa depuis un moment, car il avait été publié plusieurs fois par Nieves. J’étais intriguée par la simplicité de son dessin, qui pouvait être prise pour une sorte de naïveté. Comme il m’a apporté un exemplaire d’un zine publié par Rollo Press, nous commençons par regarder cet étrange objet.
Peux-tu me parler du zine que tu as apporté ?

Ce zine est une sorte d’exercice, un exercice de dessin. Sur mon ordinateur, je choisis des endroits au hasard sur Google Street View et j’essaie de trouver des vues qui me semblent intéressantes.

C’est ainsi que tu t’es retrouvé en Thaïlande, en Indonésie, en Argentine et dans beaucoup d’autres endroits. Avais-tu une idée précise de l’endroit où tu voulais aller ?

Non, je n’avais aucune idée. J’ai cliqué sur différents endroits sur toute la carte, mais beaucoup d’endroits n’ont pas Street View, alors j’ai tiré des vues satellites, comme sur la page de l’Indonésie par exemple… J’ai aussi trouvé cette forme en Thaïlande, c’est un buisson.

Je n’aurais pas deviné, c’est presque un dessin abstrait. Tu fais parfois des dessins abstraits ?

Oui, parfois, mais c’est souvent quelque chose de figuratif qui devient abstrait.

Quand as-tu commencé à faire ce genre de publications ?

J’ai oublié exactement, j’ai peut-être commencé à faire des zines en 2003 ou 2004, donc cela fait déjà une douzaine d’années.

Pourquoi as-tu choisi de publier de cette façon ?

À ce moment-là, j’étais un jeune artiste et c’était un moyen de me promouvoir, d’atteindre les gens. Ce serait la raison principale. J’ai fait de petits zines et j’ai demandé à certaines librairies de les distribuer, comme à Utrecht, où travaille Futoshi Miyagi.

Quelle a été ton inspiration pour faire des zines ? As-tu vu ce genre d’édition quelque part ?

J’ai découvert Nieves à peu près au même moment où j’ai commencé à faire des zines, et j’ai essayé de les contacter. Par chance, ils préparaient un stand d’éditeur pour Art Basel, et je voyageais en Europe. Je suis donc allé à la foire, et c’est ainsi que j’ai rencontré Benjamin. Un an plus tard, il m’a contacté et m’a proposé de publier certains de mes travaux.

Combien de tes zines ont été publiés par Nieves ?

Quelque chose comme 10 ou 11. Pas seulement des zines, mais aussi des ouvrages plus épais, comme des livres. Nous en préparons actuellement un pour la prochaine New York Art Book Fair.

Après qu’il ait commencé à te publier, as-tu continué à éditer tes propres zines ?

Oui, mais le format est un peu différent. Récemment, mes zines sont devenus beaucoup plus faciles à réaliser. Ils sont très légers, seulement 4 pages.

Combien de copies fais-tu habituellement ?

Quelque chose comme 50 exemplaires. Depuis deux ans, il existe un nouveau salon du livre très petit appelé Tokyo Art Bookake Fair. Mon ami Ken Kagami et moi avons l’habitude de vendre nos zines et nos petites éditions ensemble sur une petite table. Depuis que cette foire existe, ma façon de faire des zines a changé, et elle est devenue encore plus simple. Lorsque je publie par moi-même, je n’ai pas besoin de faire plusieurs pages, je peux publier très rapidement selon une idée que j’ai eue.

Comment tes éditions sont-elles devenues si simples ?

Ça dépend du projet. Comme tu peux le voir sur mon site, mes dernières éditions sont encore plus légères que les zines. Comme cette carte postale, qui est un véritable calendrier pour février 2222.

Oui ! Un jour, nous pourrons l’utiliser !

Je prépare actuellement une exposition solo avec des œuvres sur les jeux et les énigmes, donc beaucoup de mes publications récentes sont des jeux de mots ou des blagues. Comme cet autocollant écrit ハズレ [hazure] qui signifie « perdu », il fait référence à ces bonbons que j’achetais quand j’étais enfant. Ils avaient un ticket à l’intérieur qui te faisait gagner un bonbon gratuit parfois.

J’avais aussi ce genre de bonbons, quand j’étais petit !

J’ai aussi créé un jeu d’association [ou de mémoire] récemment. Il est vraiment difficile, car il représente la monnaie japonaise et beaucoup de cartes se ressemblent.

C’est quoi celui-là ?

Il s’appelle Shop Catalogue. En 2013, j’ai trouvé un magasin d’occasion par hasard à Shiba. Il était très vieux et rempli de beaucoup de choses. Ils vendaient de tout, mais très peu de choses avaient un prix. J’ai donc demandé au personnel du magasin de me parler de tous les articles qui me plaisaient et je les ai photographiés. Comme tu peux le voir, à la fin du zine se trouve la liste des prix de chaque objet.

Wow, tout est très très bon marché. Tu as montré le zine aux propriétaires du magasin ? Qu’est-ce qu’ils ont dit ?

Malheureusement, lorsque je suis retourné avec mon catalogue de la boutique, l’endroit avait définitivement fermé.

Ils n’ont jamais pu l’utiliser !

C’est vraiment dommage.

Il y a quelque chose de très spécifique dans ton travail, qui est presque naïf. Comment définis-tu ta façon de travailler et ton style de dessin ?

J’aime que les choses restent faciles et simples. J’ai expérimenté de nombreux styles, et ça change encore. Je travaille par élimination ; j’essaie de garder les choses aussi simples que possible. Je cherche toujours ce que je peux enlever, plutôt que ce que je peux ajouter.

Ta façon de travailler est donc plutôt spontanée ?

Certains dessins sont faits très rapidement, comme des esquisses, d’autres sont le résultat d’un processus plus réfléchi. Mais en apparence, ils ont tous l’air très faciles.

Quelles sont les choses que tu dessines ? Comment travailles-tu habituellement ?

J’aime dessiner des ordures, des poubelles.

Pourquoi des ordures ?

Je ne sais pas. J’aime que les ordures forment une composition aléatoire, qu’elle soit toujours la même et toujours différente. Je travaille aussi beaucoup sur des jeux récemment, des jeux absurdes, comme ceux que je t’ai montrés. J’aime considérer la ville comme un jeu, et la poubelle en est la meilleure expression. Il y a toujours quelque chose de ludique dans mes œuvres, ce sont presque des jeux ou des énigmes.

Je fais cette interview à l’envers, alors voici les questions que j’aurais dû poser au début. Quel âge as-tu ?

Je vais avoir 40 ans en septembre.

Tu prévois une grande fête ?

Je devrais !

As-tu fait des études d’art ?

J’ai étudié l’illustration et je travaille occasionnellement comme illustrateur.

Travailles-tu différemment lorsque c’est un cadre commercial ?

Oui, car je dois travailler avec le client. Mais en général, ils connaissent mon travail et savent à quoi s’attendre.

Qui sont tes artistes préférés, vivants ou morts ?

J’adore le travail de Philip Guston et les grandes sculptures de merde de Paul McCarthy. Et bien sûr, j’aime travailler avec Ken Kagami.

Comment un artiste travaille-t-il à Tokyo, tu as un atelier, une galerie qui te représente ?

Je prépare une exposition solo dans une galerie dans quelques semaines, mais c’est ma première exposition là-bas, ils ne me représentent pas. Il n’y a pas beaucoup de collectionneurs au Japon de toute façon. Je travaille depuis ma maison, donc je fais de petites œuvres. Comme tu le sais, les maisons japonaises sont assez petites.

Les artistes travaillent-ils ensemble à Tokyo ?

Oui, il y a beaucoup de collaborations.

Qu’est-ce qui est important dans ce que tu fais ?

Je dirais l’humour, ne pas prendre les choses trop au sérieux.

Je n’ai plus de questions. [Rires] Quelle question devrais-je te poser ?

Peut-être sur les couleurs ?

Je n’ai pas demandé parce que je n’ai vu aucun de tes travaux avec de la couleur.

Je travaille généralement en noir et blanc avec un stylo à bille, mais j’ai commencé à peindre récemment. Alors évidemment, j’utilise de la couleur dans mes peintures. C’est assez nouveau pour moi. La peinture est une façon très différente de travailler pour moi. J’aime inventer mes propres règles pour réaliser mes œuvres. Donc, un nouveau support ouvre un nouveau champ pour moi.

Cela signifie que ton travail est très contrôlé ?

Il est libre dans un cadre que je crée moi-même. Il fonctionne donc très bien avec la page et les contraintes de la publication.

Tokyo,

June 17th, 2016

I met Masanao Hirayama or “Himaa” in Shimokitazawa, the hip neighbourhood of Tokyo near Shibuya, where he lives. The area is well known for its vintage clothing stores, so he took me to visit a couple of them, including one in an old, transformed bathhouse. We sat in a café that he likes. It is usually very calm, but that day it was packed with old Japanese ladies drinking tea and conversing loudly.
I knew Himaa’s work for a while, for he had been published several times by Nieves. I was intrigued by the simplicity of his drawing, which could be mistaken for some sort of naiveté. As he brought me a copy of a zine published by Rollo Press, we started by looking at this strange object.
Can you tell me about the zine that you brought?

This zine is kind of an exercise, a drawing exercise. On my computer, I pick random places on Google Street View and try to find sights that are interesting to me.

That is how you ended up in Thailand, Indonesia, Argentina, and a lot of other places. Did you have any specific idea where you wanted to go?

No, I had no idea. I clicked on different spots on the whole map, but a lot of places don’t have Street View, so I drew from the satellite views, like in the Indonesia page, for example… I also found this shape in Thailand; it is a bush.

I couldn’t tell; it is almost like an abstract drawing. Do you sometimes do abstract drawings?

Yes, sometimes, but it is often something figurative that becomes abstract.

When did you start making this kind of publication?

I forgot exactly; maybe I started making zines in 2003 or 2004, so it is already a dozen years.

Why did you choose to publish this way?

At that moment, I was a young artist, and it was a way to promote myself and reach out to people. That would be the main reason. I made small zines, and I asked some bookshops to carry them, like Utrecht, where Futoshi Miyagi works.

What was your inspiration to do zines? Did you see this kind of publication somewhere?

I discovered Nieves around the same time I started making zines, and I tried to contact them. Luckily, they were preparing a publisher booth for Art Basel, and I was travelling through Europe. So I went to the fair, and that is how I met Benjamin. One year later, he contacted me and proposed to publish some of my work.

How many of your zines did Nieves publish?

Something like 10 or 11. Not only zines, but thicker ones too, like books. We are currently preparing one for the next New York Art Book Fair.

After he started publishing you, did you continue to publish your own zines?

Yes. But the format is a bit different. Recently, my zines became much easier to make. They are very light, like 4 pages.

How many copies do you usually make?

Something like 50 copies. Since two years ago, there is a new very small book fair called Tokyo Art Bookake Fair. My friend Ken Kagami and I usually sell our zines and small editions together on a small table. Since this fair started, my way of making zines has changed, and it became even simpler. When I publish by myself, I don’t need to make several pages; I can publish very fast depending on the idea that I have.

How did your publications become so simple?

It depends on the project. As you can see on my website, my latest editions are even lighter than zines. Like this postcard, which is an actual calendar for February 2222.

Yes! One day, we will be able to use it!

I am currently preparing a solo show with works about games and puzzles, so a lot of my recent publications are puns or jokes. Like this sticker written ハズレ [hazure] which means “lost,”  it refers to these candies that I bought when I was a child. They had a ticket inside that would make you win a free candy sometimes.

I had this kind of candy too when I was young!

I also created a matching (or memory) game recently. It is really difficult because it represents Japanese coin change, and a lot of cards look alike.

What is this one?

It is called Shop Catalogue. In 2013, I found a second-hand shop by chance in Shiba. It was really old and full of many many things. They were selling everything, but very few things had a price tag. So I asked the shop staff about all the items that I liked and photographed. As you can see, at the end of the zine is the price list for every object.

Wow, they are all very, very cheap. So did you show the zine to the shop owners? What did they say about it?

Unfortunately, when I went back with my Shop Catalogue, the place had closed definitely.

So they were never able to use it!

No, what a pity.

There is something very specific about your work, which is almost naïve. How do you define your way of working and your drawing style?

I like to keep things easy and simple. I experimented many styles, and it is still changing. I work by elimination; I try to keep things as simple as possible. I am always looking for what I can take off rather than what I can add up.

So is your way of working rather spontaneous?

Some drawings I do very quickly, like sketches; others are the result of a more thoughtful process. But in appearance, they all look very easy.

What are the things that you draw? How do you usually work?

I like to draw trash, trash bins.

Why trash?

I don’t know. I like that the trash is a random composition and that it is always the same and always different. I am also working a lot on games recently—absurd games, like the ones I showed you. I like to consider the city as a game, and the trash is the best expression of that. There is always something playful in my works; they are almost games or riddles.

I am doing this interview backwards, so here are the questions I should have asked in the beginning. How old are you?

I will be 40 in September.

Are you planning a big party?

I should!

Did you study art?

I studied illustration, and I occasionally work as an illustrator.

Do you work differently when on a commercial job?

Yes, because I have to work with the client. But they usually know my work, and they know what to expect.

Who are your favourite artists, living or dead?

I love the work of Philip Guston and the big shit sculpture by Paul McCarthy. And of course, I like to work with Ken Kagami.

How does an artist work in Tokyo? Do you have a studio or a gallery representing you?

I am preparing a solo show in a gallery in a couple of weeks, but it is my first show there; they are not representing me. There are not many collectors in Japan anyway. I work from home, so I make small works. As you know, Japanese homes are quite small.

Do artists work together in Tokyo?

Yes, there are a lot of collaborations.

What is important in what you do?

I would say humour, not taking things too seriously.

I am out of questions. [Laughs] What question should I ask you?

Maybe about colours?

I didn’t ask because I haven’t seen any of your work with colours.

I usually work in black and white with a ballpoint pen, but I started painting recently. So obviously, I use colours in my paintings. It is quite new for me. Painting is a very different way of working for me. I like to invent my own rules to make my work. So a new medium is opening a new field for me.

So does that mean that your work is controlled?

It is free within a frame that I create myself. So it works really well with the page and the publication constraints.

SHOP CATALOGUE
Masanao Hirayama, *SHOP CATALOGUE*, Tokyo, Rondade, 2013, 15 x 21 cm, Offset, 300 exemplaires, 64 pp. Masanao Hirayama, *SHOP CATALOGUE*, Tokyo, Rondade, 2013, 15 x 21 cm, Offset, 300 copies, 64 pp.
Street View
Masanao Hirayama, *Street View*, Rollo Press, 2013, 18,2 x 25,6 cm, 100 exemplaires, 16 pp. Masanao Hirayama, *Street View*, Rollo Press, 2013, 18,2 x 25,6 cm, 100 copies, 16 pp.