Poitiers,
le 11 janvier 2024
Donc, pour la création de la Fanzinothèque, ce qui est assez atypique, c’est qu’il semblerait évident que ce genre de lieu naît d’initiatives complètement alternatives, or ici, c’est plutôt le contraire. C’est une initiative municipale par le biais d’un conseil communal de jeunes qui, en 1988, lors du premier mandat, a demandé à la ville de Poitiers une fanzinothèque. Et la ville dit OK, ce qui est surprenant. Mais c’est vrai que Poitiers est une ville universitaire, où il y avait déjà le Confort Moderne, qui a une coloration vraiment sur la jeunesse et sur la jeunesse militante. Cette ville, qui était passée à gauche avec les élections de Mitterrand, a accepté un projet assez foufou. Ça a commencé tout petit, parce qu’ils ont embauché une personne à mi-temps. C’était ouvert deux après-midis par semaine. Ils ont embauché Didier Bourgoin qui était déjà bien connu dans le milieu puisqu’il était disquaire indépendant, créateur de fanzines, il faisait une émission de radio, enfin un peu de tout ce qui se faisait à l’époque où on était à la fois musicien, éditeur, fanzineur. Ils ont embauché Didier, ce qui était une très très bonne idée, et puis ils ont aussi eu l’idée lumineuse de placer la Fanzinothèque au Confort Moderne plutôt que dans une annexe municipale ou dans un petit coin d’une bibliothèque. Et le fait d’embaucher quelqu’un qui était déjà dans le réseau des fanzines, qui était connu des gens qui faisaient des fanzines, fait que ça a pris très très vite. La sauce a très bien pris avec les créateurs de fanzine qui ont absolument adhéré au projet.
Ça a toujours fonctionné avec des dons, puisque de toutes façons, il y avait peu de moyens. Le problème pas forcément évident qu’on avait et qu’on a toujours actuellement, c’est que puisqu’on est une association municipale, on est obligé de rendre des comptes au niveau de la comptabilité. Avec les fanzines, c’est très compliqué : quand on a un fanzine à 1€, enfin à l’époque à 1 franc, comment est-ce qu’on va obtenir une facture du créateur ? Sachant qu’il s’en fout complètement, c’est jamais fait dans des buts lucratifs. Donc, c’est vrai que le don, c’est beaucoup plus simple pour nous.
Effectivement. Force et faiblesse ? Alors, la force c’est le fait que ce soit les créateurs qui viennent spontanément vers nous. Bien sûr, on accepte les documents et ça nous fait découvrir des tas de domaines vers lesquels on n’aurait pas été forcément. Après la faiblesse, c’est un questionnement que j’ai actuellement, c’est comment est-ce qu’on va trier cette collection dans la musique dans la mesure où on n’a pas de politique d’acquisition, puisque c’est des choses qu’on nous donne. Des fois, c’est un peu gênant, en même temps, c’est aussi cette richesse qui fait que le fanzine est tellement polymorphe, tellement finalement incernable. C’est ce qui nous permet de toujours découvrir des tas de trucs auxquels on n’aurait pas forcément pensé. Il y a deux trois ans, on a découvert les fanzines de foot. Moi, je savais même pas que ça existait. Et en fait, il y en a plein. Mais c’est toujours ces histoires de réseaux souterrains finalement : tu découvres un fanzine de foot qui te parle d’autres fanzines, et tu te dis : « Ah bah mince, en fait, il y a tout un univers. » Donc force et faiblesse, effectivement, mais si on devait avoir une politique d’acquisition, on serait obligé de trier, ce serait vraiment dommage, parce qu’il y a beaucoup de belles choses, mais on n’aurait jamais les moyens de tout acheter. Parce que dès qu’on rentre dans les fanzines graphiques, ça peut être quand même assez vite assez cher.
Pendant pas mal d’années, ça a été assez clair qu’on allait organiser ça simplement de manière alphabétique par titre, puisque les fanzines parlent souvent de plusieurs thématiques, donc faire un classement thématique, c’était vraiment compliqué. Maintenant, on a d’une part une énorme collection, et il y a un phénomène : jusqu’à présent, on était dans le fanzine, c’est-à-dire dans le magazine, avec un titre, une périodicité : n°1, n°2, n°3… C’était assez clair. Maintenant, on a plutôt de la microédition, ça veut dire qu’on a une multitude de titres, puisque chaque publication d’un auteur aura un titre différent. On est obligé d’organiser différemment, j’aime bien maintenant essayer de faire des rassemblements. C’est plus pertinent, sachant que notre public ne va pas venir en cherchant forcément un titre, mais un auteur ou un petit éditeur. Donc, on va rassembler la microédition en particulier par auteur ou par éditeur. C’est simplement la pratique qui te dit que quelqu’un ne vient pas chercher un titre. Il dira : « Ouais, j’adore tel ou tel auteur, j’aurais aimé savoir ce qu’il a fait. » Le titre, à la limite, il s’en fout un peu. Donc, parmi tous ces petits éditeurs, tu parlais d’Adverse. Les gens vont nous demander les travaux que fait l’éditeur Adverse, ils ne vont pas demander précisément un titre. Et sinon, la collection serait éclatée dans tous les sens. Ça serait vraiment très ardu de pouvoir rassembler des titres à la demande. On est un lieu de lecture publique, donc si quelqu’un arrive ici, il faut qu’on lui réponde spontanément. On ne peut pas lui dire : « Repasse dans 15 jours, on aura rassemblé la collection. » Maintenant, c’est de plus en plus comme ça, le classement reste par titre, mais aussi de plus en plus par éditeur et par auteur. On a aussi un petit peu plus de classements thématiques. C’est pareil, ça répond à des demandes. On nous demande énormément de choses sur le féminisme, du coup, on a créé carrément un meuble spécial pour le féminisme, pour des raisons pratiques de cette même manière.
C’est clairement l’arrivée des nouvelles technologies qui a fait que ce qui était le fanzine, c’est-à-dire un magazine, une source d’information. Cette source d’information est passée sur Internet et puis c’est tellement plus pratique, plus réactif, plus rapide, gratuit. Pour toutes ces raisons, les fanzines classiques « magazine d’information » se sont presque tous arrêtés. Et après, c’est peut-être en contrepoint qu’on a vu arriver finalement plus de fanzines graphiques, peut-être aussi en réaction. Peut-être ont- ils été plus mis en avant du fait de la chute des magazines informatifs. Et puis il y a aussi un retour à plus d’artisanat, plus de manuels, d’emprise manuelle. L’information est passée sur les réseaux Internet, et par contre tout ce qui est de l’ordre du manuel c’est pas satisfaisant sur ordinateur, à part peut-être le mouvement glitch dans l’art numérique. Mais globalement, je pense que les artistes ne s’y sont pas retrouvés du tout. Sur un écran d’ordinateur, on perd beaucoup de sensualité, beaucoup de corporéité, et c’est vrai qu’on a vu émerger beaucoup plus de microédition graphique.
C’est plus purement artistique qu’informatif, de toute façon, les gens qui font des graphzines ont aussi un site internet pour dire « voilà, je suis à tel festival, dans tel salon ». Cette info-là, on la trouve ailleurs ou alors dans des interviews. Par contre, on retourne à plus d’artisanat, on voit bien que la riso et puis la sérigraphie, la linogravure, toutes ces choses-là qui avaient l’air d’être totalement obsolètes. C’était tellement fastidieux, mais maintenant, c’est un vrai plaisir finalement de revenir à des pratiques plus roots, finalement, comme à l’origine. Il y a aussi la notion de collectif qu’on peut perdre un peu avec Internet. Si on fait des choses en sérigraphie, ben il y a tout cet aspect du collectif, les gens vont créer ensemble. Ici, à l’atelier [de sérigraphie de la Fanzinothèque], souvent les artistes sont présents, viennent choisir les couleurs qui sont faites maison. On n’a pas un Pantone où on appuie le B12 pour avoir telle teinte de l’orangé. Non, nous, on prend du orange, du rose, du machin, on mélange et tous ces aspects-là sont quand même vachement sympathiques.
Non, enfin c’est marrant parce qu’en 2003, avec l’arrivée d’Internet, les fanzines musicaux par exemple se sont tous cassés la gueule. On est passé de 400 titres à 40, ça a été vraiment une chute vertigineuse. En même temps, maintenant, on voit que ça revient, qu’il y en a qui sont toujours accrochés de toutes façons, parce qu’il y a beaucoup de gens qui aiment le papier. Donc cette pratique, beaucoup plus journalistique qu’artistique, elle demeure. C’est moins prégnant évidemment, puisqu’il y a plein d’autres façons de s’exprimer, mais il y a encore beaucoup de gens qui aiment le papier, qui aiment la manipulation, faire des agrafes, faire du pliage, toutes ces tâches. On les voit plus, mais est-ce qu’il y en a plus c’est pas sûr. Il y a un petit effet de mode aussi. Les beaux-arts, il y a une dizaine d’années, ils s’étaient même débarrassés de toutes leurs machines de sérigraphie et compagnie. Ils ne juraient plus que par la photo… numérique en plus. Il y a des effets de mode comme ça. Ces petites éditions, ce qui me gêne un peu parfois, c’est que c’est plus des pressbooks que des authentiques fanzines finalement. Pour moi, dans la notion de fanzine, il y a aussi cette dimension altruiste d’ouvrir ses pages à d’autres gens.
Et puis après, il y a aussi une dimension qui me gêne un peu, c’est quand on fait un objet à peu d’exemplaires pour en faire un objet rare. Alors que c’était pas le but premier du fanzine, s’il fait 100 exemplaires, c’est parce qu’il a pas les moyens d’en faire plus, puis qu’en plus après il faut les distribuer. Ça, c’est une autre histoire. Donc, c’est pas la peine d’en tirer beaucoup. Après, il y a cette petite distorsion du sens. J’aime bien comment les Québécois parlent maintenant de la culture zine. On laisse complètement tomber déjà le côté « fan », parce que faire une microédition, ça voudrait dire être fan de soi-même. Je trouve que c’est un petit peu déplacé. Donc, ils préfèrent parler de cette culture zine, qui est plus globale, qui est un peu plus confuse, mais finalement, c’est un mot qui a presque 100 ans, avec forcément beaucoup d’évolution. Je pense que l’underground a plus forcément grand-chose à foutre là-dedans. Il y a aussi cette dimension. On perd un peu les motivations du fanzine, pour ne garder plus que la forme.
Alors je dirais pas souterrain, on pourrait dire élitiste aussi bien.
Voilà niche artistique. Mais comme un tableau ou une sérigraphie artistique qui va être en très peu d’exemplaires pour en faire un objet rare et cher, on va dire. Et non pas parce que les moyens sont limités. Alors ça dépend vraiment des publications. J’ai une sorte de feeling là-dessus, je sens très bien les motivations profondes des gens. Il y en a qui font vraiment du business, c’est vraiment soit à la mode, soit pour des motivations qui me déplaisent un peu. Puis il y en a plein qui font ça avec beaucoup de cœur et beaucoup de sincérité.
Non, j’en aurais pas. Je pourrais pas te dire, parce qu’on en reçoit quand même vraiment beaucoup beaucoup. Par exemple, je suis en train de les cataloguer : Multilogue, une publication qu’on vient de recevoir et qui est faite à Metz par des gens des beaux-arts. J’aime beaucoup la démarche, parce qu’il voit bien le rapport ambigu entre… ils veulent faire des choses un petit peu anarchistes ou promouvoir des causes un petit peu rebelles. Mais en même temps, ils se rendent bien compte qu’ils sont étudiants aux beaux-arts, qu’ils ont ce petit côté un peu pépère, enfin un petit peu bourgeois. Ils voient très bien l’ambiguïté de la chose, ils en sont bien conscients. Et rien que ça déjà, avoir cette conscience comme ça, un petit peu politique, cette dimension un peu plus sociale. Rien que ça, c’est intéressant, ils se voilent pas la face là-dessus, donc je trouve que c’est une belle publication. Mais après, on en reçoit tellement. Les projets sont hyper variés, il y a beaucoup de choses. Le fanzine n’a jamais changé et il y a beaucoup de choses qui vont être très peu pérennes finalement. Ça, par contre, c’est une dimension qui n’a pas bougé depuis 50 ans, c’est-à-dire que c’est vraiment des choses hyper spontanées, qui sont faites classiquement par des jeunes qui ont un peu de temps libre. Et en général, ça dure pas très très longtemps.
On dit bibliothèque pour que les gens pigent, pour moi c’est plus un centre de documentation et d’archivage. Une bibliothèque, dans la définition normale, elle est exhaustive et elle est universelle. Alors ici, c’est pas la peine de chercher des choses scientifiques ou des bouquins. Une bibliothèque pratique le désherbage, parce qu’elle se doit de présenter des contenus qui soient valides, sur les sciences en particulier. Nous pas du tout, c’est pour ça que je pense qu’on est plus un centre d’archivage, parce qu’on est plus sur une notion de patrimoine, de mémoire. On dit bibliothèque parce qu’on est ouvert à tous, on est un peu à la croisée de plein de choses. Mais si on se dit centre d’archivage, personne va venir nous voir.
Oui, dans le mot archive, il y a cette notion de vieillerie aussi. Alors que non, le fanzine est toujours vivant, on en reçoit en permanence, les gens en font en permanence. C’est pour ça que le mot archives ferait un peu peur aux gens. Donc on dit bibliothèque, mais pour moi c’est plus un centre d’archivage.
Voilà, quand les parents disent : « Bon aller, tu vas me virer tes cartons du grenier. » On en reçoit comme ça énormément. Ça fait beaucoup de doublons pour nous, mais aussi des collections. C’est génial pour boucher des trous, c’est super. Et puis maintenant qu’il y a d’autres fanzinothèques en France, on en fait profiter les copains. Histoire que si ça crame ici par exemple, ça serait dommage, on a un super bâtiment tout neuf.
Mais on a suivi une formation, il y a pas longtemps sur les risques d’incendie. On fume pas dedans. On n’a même pas de plante verte, pour ne pas amener des bébêtes. On fait quand même très gaffe. Euh. Je sais plus ce que je disais…
Oui, parce qu’effectivement, on reçoit beaucoup d’archives. Une des vocations de la Fanzinothèque, c’est aussi de prêter des exemplaires pour des expositions. Dans des écoles aussi, on va prêter à l’année des exemplaires. Donc, on a intérêt à en avoir en plusieurs exemplaires, ce qui nous permet de les faire sortir d’ici sans dépouiller la collection, si un chercheur arrive.
Non. En 2009, on a fait une rencontre de fanzinothèques du monde entier ici [à Poitiers] et on s’est rendu compte qu’on était la seule à être vraiment généraliste. On avait la bibliothèque Cowley à Londres qui était plutôt dans un centre social et qui faisait aussi bien l’alphabétisation, de l’aide auprès des personnes pour rédiger des CV, des choses comme ça. Ils ont vraiment cette dimension sociale et politique. On parlait de Jenna Freedman aux États-Unis, là c’est dans une université [Barnard College à la Columbia University] et c’est des fanzines faits par des femmes noires urbaines. Enfin, ça a peut-être évolué depuis, mais à l’époque, c’était hyper spécifique. En Belgique, à la Petite Fanzinothèque belge, c’est pareil : ils reçoivent des dons, donc ils ont un petit peu de musique, mais ils sont grandement bandes dessinées. Tous ces lieux ont une thématique précise et des généralistes, comme nous, il n’y en avait pas d’autres. C’est pareil au Portugal, il y a aussi la BTTK, mais elle est dans une bibliothèque de bandes dessinées où il y aura un coin fanzine de BD. On est la seule à accepter toutes sortes de documents, aussi bien sur le vélo, la politique, la bande dessinée, la musique, la broderie, parce qu’on a des trucs très bizarres aussi parfois.
Euh alors, il se trouve … pour donner un exemple, est-ce qu’on aurait des trucs nazis ? On en a un.
Je l’ai mis en enfer. J’étais contente de moi : j’ai créé un enfer pour un document. Il y a hyper longtemps, on a acheté une brochure sur les publications non-conformistes, un truc comme ça, et on s’est rendu compte que c’était un foyer de nazis. En fin de compte, ces documents ne sont jamais arrivés ici. On n’a jamais eu de trucs fachos qui se pointent ici.
Alors… non pas trop. Heureusement.
Ouais, assez bien. Parfois, mais ça arrive par mail, des gens vont nous proposer des écrivains, des poètes. Heureusement, on a le temps d’intercepter le truc. On voit ça par e-mail en disant « Bah non, franchement », déjà on n’a pas la place, et puis il faut quand même qu’on reste un petit peu dans notre créneau, sinon on va se perdre. Non, ça n’arrive pas trop. Je prenais l’exemple des trucs du Front national parce qu’on aurait pu être envahi de ces trucs, on aurait été bien en embêté. Mais on était déjà tellement connoté extrême gauche, qu’il y avait pas de soucis. On a quand même tout un fond de livres, mais les thématiques sont vraiment en proximité avec nous. Ça va être des livres sur le rock ou sur le graphisme underground ou sur les affiches de 1936 d’Espagne, ça rentre chez nous parce que vraiment, ça rentre dans les thèmes complètement.
Par exemple, sur le jardinage : oui, si ça parle de cannabis, sinon si ça parle de cyprès, on s’en fout. Mais on n’en arrive pas là, clairement. On a tous ces ouvrages, qu’on achète ou qu’on nous donne, mais qui sont toujours en lien avec notre collection. Heureusement, on n’est pas envahi ni par les poètes, ni par… parce qu’on parle toujours de fanzine et compagnie, mais l’autoédition existe depuis je ne sais pas combien de centaines d’années. Et il y a beaucoup de gens qui s’autoéditent, mais eux-mêmes savent déjà qu’ils n’ont rien à faire avec nous.
Pour te donner un exemple, un fanzine qui s’appelait Arbitraire a publié disons 20-25 numéros et quand il est passé à micro-éditeur, c’est-à-dire à publier un livre, un auteur, ils ont arrêté de nous envoyer leurs publications et ce sont eux-mêmes qui font bien la différence. Ici, l’intérêt, c’est que ces publications, on ne les trouve nulle part ailleurs. Une fois que tu es édité de manière classique, tu vas être référencé à la BNF. On va te trouver dans les bibliothèques un peu partout. C’est plus la peine d’être à la Fanzino, sauf s’ils ont envie parce qu’ils nous aiment bien ou pour d’autres raisons. Mais finalement, on pallie un manque cruel : elles avaient pas d’autre endroit où atterrir ces publications. Plein de publications qui sont passées de fanzines à éditions ont arrêté de nous les envoyer. C’est bête pour nous, mais c’est eux-mêmes qui font parfaitement la différence entre le fanzine et l’édition.
Ça, c’est quelque chose qu’on fait entre nous, puisque ça fait 3 ans qu’on organise un festival en été, qui s’est appelé Université d’Été du Fanzine et qui s’appelle maintenant Utopie Estivale du Fanzine. Ça dure 4 jours et on organise 3 jours de discussions entre fanzinothèques françaises, belges, on a eu aussi de Montréal. Il y a des fanzinothèques qui ont été on ne peut plus éphémères, qui ont duré 4 mois, parce que les gens se lancent dans des projets et puis se rendent compte que c’est quand même un peu lourd, mine de rien. Il récupère un fond d’archive, trouve un lieu et se disent qu’ils vont commencer à travailler dessus… Puis, après, je sais pas pour quelles raisons, ces lieux sont mis en standby. Quoi qu’il en soit, on a encore un réseau d’au moins quatre fanzinothèques qui ont un petit peu de la bouteille et qui vont tenir le coup. Sur lesquels ces problématiques se posent de façon cruciale, pas pour tout le monde, mais je sais que nous les vieux, je pense à Valérie Coxs par exemple, on se dit : « Mais c’est quoi le fanzine pour nous ? C’est quand même vraiment quelque chose d’underground et de punk. » C’est pas le cas pour tout le monde. Quoi qu’il en soit, on se retrouvera au moins dans cette idée d’alternatif, de garder des valeurs du fanzine, c’est-à-dire le non-profit. Il y a quand même des choses qu’on va avoir en commun qui vont nous différencier du livre d’art par exemple. C’est ce que je disais tout à l’heure, cette idée de non-profit, elle est quand même vachement importante. Mathias Lehmann a fait une très bonne intervention à la radio il y a pas très longtemps. Quand quelqu’un lui a dit « Ah, mais le fanzine, c’est un tremplin pour l’édition », il a dit « Non, non, non, c’est un objet totalement à part, qui a ses caractéristiques. » C’est pas du tout « Je vais faire un fanzine en attendant de devenir célèbre. » comme beaucoup l’imaginent.
Allez
Poitiers,
January 11th, 2024
What’s unusual about the creation of the Fanzinothèque is that it would seem obvious that this kind of place is born out of completely alternative initiatives, but here it’s quite the opposite. It came from a municipal initiative through a local youth council, which, in 1988, during its first term of office, asked the city of Poitiers for a fanzine library. And surprisingly, the city said yes. It’s common knowledge that Poitiers is a university town, where there was already the Confort Moderne, and which has a real history with young people and activist youth. This city, which had moved to the left with the election of Mitterand, accepted a rather crazy project. It started small, because they hired only one person part-time, and it was open two afternoons a week. They hired Didier Bourgoin, who was already well known in the scene as an independent record dealer, fanzine creator, and radio broadcaster—in other words, a bit of everything that was going on at the time, when you were a musician, a publisher, or zinester all rolled into one. It was a very, very good idea to hire Didier, and they also had the brilliant idea of locating the Fanzinothèque at the Confort Moderne rather than in a municipal annex or in a dark corner of a library. And as they hired someone who was already in the fanzine network, whom zine makers knew, made everything take off very quickly. Things got off to a great start with the fanzine creators, who absolutely embraced the project.
We’ve always relied on donations, because we didn’t have much money anyway. The problem, which didn’t make things easy and still doesn’t today, is that since we’re a municipal association, we have to be accountable in terms of bookkeeping. With fanzines, it can be quite complicated: when you have a fanzine that costs 1€ or 1 franc at the time, how are you going to get an invoice from the creator? Knowing that he doesn’t give a damn, they don’t make them for profit. So donations are much simpler for us.
Indeed. Strengths and weaknesses? Well, the strength is that zine makers come to us spontaneously. Of course, we accept any documents, and that helps us discover a lot of areas that we wouldn’t necessarily have gone into. The question of weaknesses is one that I’m currently asking myself: how are we going to sort out this music collection? Considering that we don’t have an acquisition policy, since it’s all things that are given to us. Sometimes it’s a bit embarrassing, but at the same time, it’s also this wide variety that makes the fanzine so polymorphous and ultimately uncertain. It’s what allows us to keep discovering new things that we wouldn’t necessarily have thought of. Two or three years ago, we discovered football fanzines. I didn’t even know they existed, and there are loads of them. But in the end, it’s always a story of unravelling underground networks: when you discover a football fanzine, it mentions other football fanzines, and you think, “Ah well, gee, there’s a whole world out there.” So these are our strengths and weaknesses, but if we were to have an acquisitions policy, we’d have to sort things out, and that would be a real shame because there are a lot of great things out there, but we’d never be able to afford to buy everything. Because once you get into graphic fanzines, things can get expensive pretty quickly.
For quite a few years, it was clear that we were going to organise it simply alphabetically by title, because fanzines often deal with several themes, so it was really complicated to classify by theme. Now we have a huge collection, and there’s a phenomenon: up until now, we were dealing with fanzines; they were like little magazines with a title, a periodicity #1, #2, 3… everything was pretty clear. Now we’re more into small presses [micro-édition], which means that we have a multitude of titles since each publication by an author will have a different title. It forces us to organise differently, and now I like to try and bring some titles together. It makes more sense, considering that our public won’t necessarily come looking for a title but rather with an author in mind or a small press. So we’re going to bring together small presses, especially by author or by publisher. It’s simply the day-to-day practice that shows you that people don’t come looking for a title. They’ll say, “Yeah, I love such and such authors; I’d like to know what they’ve done.” They don’t really care about the title. So among all these small publishers, you were talking about Adverse earlier. People are going to ask us about the recent Adverse publications; they’re not going to ask for a specific title. If they did, the collection would be scattered all over the place, and it would be really hard to bring together titles on demand. We’re a public reading room, so if someone comes in, we need to be able to react spontaneously; we can’t just say, “Come back in a fortnight; we’ll have the collection together.” It’s getting more and more like that; the classification is still by title but also more and more by publisher and author. We also have a little more thematic classification. It’s a reaction to readers’ requests. We get a lot of requests for stuff on feminism, so we’ve created a special section for feminism for practical reasons as well.
It’s clearly the arrival of new technologies that has made what was the fanzine, i.e., a magazine, a source of information. That source of information has now been transferred to the Internet, which is much more practical, responsive, fast, and free. For all these reasons, the classic ‘news magazine’ fanzines have almost all come to an end. Then, perhaps as a counterpoint, more graphic fanzines started to appear, perhaps as a reaction. Perhaps they’ve been given more prominence because of the decline of news magazines. And then there’s also a return to craft, to manual work, to manual activity. Information has moved onto the Internet network, and on the other hand, anything manual is not satisfying on a computer, except perhaps the glitch movement in digital art. But on the whole, I don’t think artists find themselves at all at home on a computer screen, you lose a lot of sensuality, a lot of physicality, and so it’s true that we’ve seen a lot more graphic small press emerge.
It’s more purely artistic than informative. In any case, people who make graphzines also have a website to say, “Here I am at such and such a festival, at such and such a fair.” That kind of information can be found elsewhere or in interviews. On the other hand, we’re going back to a more craft-based approach; it’s clear with Riso and screen-printing, linocutting, and all those things seemed to be totally obsolete. It used to be so tedious, but now it’s a real pleasure to go back to more down-to-earth practices, as it was in the beginning. The notion of the collective can also get a bit lost on the Internet. If you’re doing silk-screen printing, well, there’s that whole collective aspect of people creating together. Here at the [Fanzinothèque silk-screening] print shop, the artists are often present; they come and pick the colours, which are homemade. We don’t have a Pantone where you press B12 to get a particular shade of orange. No, we use orange, pink, whatever; we mix it up, and all these aspects are really nice.
No, well, it’s funny because in 2003, with the advent of the Internet, music fanzines, for example, all went to hell. We went from 400 titles to 40; it was really a vertiginous fall. At the same time, we can see that they’re coming back and that some people are still clinging anyway because a lot of people love paper. So this practice, which is much more journalistic than artistic, remains. It’s less prevalent, of course, because there are lots of other ways to express yourself, but there are still lots of people who love paper, who love handling it, stapling it, folding it—all those tasks. We’re seeing more of them, but I’m not sure if there are more of them. There’s a bit of a fashion effect too. Ten or so years ago, fine art schools got rid of all their silkscreen machines and so on. They swore by photography—and digital photography. There are fads like that. What sometimes bothers me a bit with these small publications is that they end up being more like portfolios rather than genuine fanzines. To me, in the idea of a fanzine, there is this altruistic dimension of opening its pages to other people.
And then, there’s also an aspect that bothers me a bit, which is when people make something in limited copies to make it rare. When that wasn’t the original goal of fanzines, if someone makes 100 copies, it’s because he or she can’t afford to make more, and it has to be distributed. But that’s another story. So there’s no need to print a lot of copies. So there’s this little distortion in meaning. I like the way Quebecers now talk about zine culture. They’ve already completely dropped the ‘fan’ aspect, because doing a small publication means being a fan of yourself. I think that’s a bit out of place. So they prefer to talk about this zine culture, which is more global, which is a bit more confused, but in the end, it’s a word that’s almost 100 years old, with inevitably a lot of evolution. I don’t think the underground has much to do with it anymore. There’s also this dimension. We’re losing a bit of the motivation of the fanzine and keeping only the form.
Well, I wouldn’t say underground, you could say elitist as well.
Like an artistic niche. Like a painting or an artistic silkscreen print that will be produced in very few copies to make it a rare and expensive object, so to speak. And not because the means are limited. So it really depends on the publication. I have a sort of feeling about this; I have a very good sense of people’s deepest motivations. There are some who are really into business; it’s either because it’s fashionable or for reasons that I don’t really like. Then there are plenty of people who do zines with a lot of heart and a lot of sincerity.
No, I wouldn’t have any. I couldn’t tell you, because we really do get a lot. For example, I’m in the process of cataloguing a publication we’ve just received: Multilogue, produced in Metz by people from the art school. I really like their approach, because it shows the ambiguous relationship between… they want to do things that are a bit anarchist or promote causes that are a bit rebellious. But at the same time, they realise that they’re art students and that they’re a bit cushy, a bit bourgeois. They are well aware of the ambiguity of the situation. And that’s all there is to it—to have this kind of awareness—a little bit political, a slightly more social dimension. That alone is interesting; they’re not kidding themselves about it, so I think it’s a great publication. But then, you see, we get so many. The projects are so varied; there are so many things. The fanzine has never changed, and there’s a lot of stuff that won’t last very long. On the other hand, there is a dimension that hasn’t changed in 50 years: it’s really very spontaneous stuff, traditionally done by young people who have a bit of free time. And generally, they don’t last very long.
We say library so that people understand, but for me, it’s more of a documentation centre and archive. The normal definition of a library is that it’s exhaustive and universal. So there’s no point in looking for scientific things or books here. A library discards books because it has to present valid content, especially on scientific topics. We don’t do that at all, which is why I think we’re more of an archiving centre, because we’re more concerned with heritage and memory. We call ourselves a library because we’re open to everyone; we’re a bit of a crossroads of many things. But if we call ourselves an archive, no one is going to come and see us.
Yes, in the word archive, there’s this notion of old things too. But no, fanzines are always alive; we’re always receiving them, people keep sending them in. That’s why the word archive would scare people a bit. So we say library, but for me, it’s more like an archive.
That’s when parents say, “OK, you’re going to get your boxes out of my attic.” We get a lot of stuff like that. It creates a lot of duplicates for us, but it’s also great for filling in gaps in collections. And now that there are other fanzine libraries in France, we’re sharing them with our friends. So if it burns down here, for example, it would be a shame because we’ve got a great new building.
But we took a fire hazard course not long ago. We don’t smoke inside. We don’t even have any green plants, so we don’t bring in bugs. We’re very careful. Er, I don’t know what I was saying…
Yes, because we do receive a lot of archives. One of the purposes of the Fanzinothèque is also to lend out copies for exhibitions and for schools too. We lend out copies year-round. So it’s a good idea to have several copies, which means we can get them out of here without stripping the collection if a researcher comes along.
No. In 2009, we had a meeting of fanzine libraries from all over the world here [in Poitiers], and we realised that we were the only ones that were truly generalists. We had the Cowley Library in London, which was more of a social centre and did literacy work as well as helping people to write resumes and things like that. They really had this social and political dimension. We were talking about Jenna Freedman in the United States, who’s taking care of a collection at a university [Barnard College at Columbia University], and it’s fanzines made by urban black women. Well, maybe things have changed since then, but back then it was very specific. In Belgium, for the Petite Fanzinothèque Belge, it’s the same thing: they get donations, so they have a bit of music, but they have mostly comic books. All these places have a specific theme, and there were no other generalists like us. It’s the same in Portugal; there’s also the BTTK, but it’s in a comics’ library where there will be a comics’ fanzine corner. We’re the only ones that accept all kinds of documents, whether they be about cycling, politics, comics, music, or embroidery, because we get some really weird stuff too sometimes.
To give you an example, do we have any Nazi stuff? We do.
I put it in the restricted section. I was pleased with myself; I created a restricted section for one document. A very long time ago, we bought a pamphlet on non-conformist publications, or something like that, and we realised it was a Nazi hotbed. In the end, these documents never arrived here. We never had any fascist stuff show up here.
Hum…not so much. Thankfully.
Yeah, pretty well. Sometimes, when it happens by e-mail, people will suggest writers or poets. Fortunately, we have time to intercept them. We deal with it by e-mail and say, “Well, no, frankly.” First of all, we don’t have the space, and then we have to stay a bit in our niche; otherwise, we’re going to get lost. No, that doesn’t happen too often. I was using the example of the Front National stuff because we could have been swamped with that stuff; we’d have been bothered. But we were already so far left that we didn’t need to worry. We do have a whole collection of books, but the themes are really close to us. Whether it’s books on rock music, underground graphic design, or posters from 1936 in Spain, it’s all part of the same theme.
For example, in gardening, yes, if it’s about cannabis, but if it’s about cypress, we won’t care for it. But it doesn’t come to that, clearly. We have all these books, which we buy or are given, but which are always related to our collection. Fortunately, we’re not overrun by poets or by… because we’re always talking about fanzines and stuff, but self-publishing has been around for, I don’t know how many hundreds of years. And there are a lot of people who self-publish, but they themselves already know that they have nothing to do with us.
To give you an example, a fanzine called Arbitraire published say 20–25 issues, and when it moved on to publishing, i.e., a small press publishing a book, an author, they stopped sending us their publications; they made the difference themselves. Our advantage here is that you can’t find these publications anywhere else. Once you’re published in the traditional way, you’re going to be referenced at the BNF [Bibliothèque Nationale de France], and you’re going to be in libraries everywhere. There’s no point in being at the Fanzino unless they want to because they like us or for some other reason. But in the end, we’re making up for a cruel shortcoming: there was nowhere else for these publications to land. A lot of publications that have gone from fanzines to small presses have stopped sending them to us. It’s silly for us, but they themselves know the difference between fanzines and publishing.
Well, that’s something we’ve been doing ourselves, because we’ve been organising a summer festival for 3 years now, which used to be called the Université d’Été du Fanzine and is now called the Utopie Estival du Fanzine. It lasts 4 days, and we organise 3 days of discussions between French and Belgian zine libraries, and we’ve also had some from Montreal. Some zine libraries have been as short-lived as 4 months because people get involved in projects and then realise that it’s all a bit cumbersome after all. They get hold of an archive, find a place, and say they’re going to start working on it… and then, I don’t know why, these places are put on hold. In any case, we still have a network of at least four zine libraries that have been around a while and are going to hang in there. These issues are crucial for them, not for everyone, but I know that us old-timers—I’m thinking of Valérie Coxs, for example—say to ourselves, “What does a fanzine mean to us? It’s really something underground and punk.” It’s not the case for everyone, but in any case, we’ll at least gather around the idea of the alternative of keeping to the values of the fanzine, i.e., the non-profit. Still, there are things we’ll have in common that will differentiate us from art books, for example. As I was saying earlier, this idea of non-profit is really important. Mathias Lehmann gave a very good talk on the radio not long ago. When someone said to him, “Ah, but the fanzine is a springboard for publishing,” he said, “No, no, no, it’s a totally separate object with its own characteristics.” It’s not at all “I’m going to make a fanzine while I wait to become famous,” as many people imagine.
Alright