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Paris,

le 30 juin 2017

Le travail de Painterman ou Laurent Marissal se développe à travers des séries d’action « clandestines », car organisées sans autorisation. Il définit ces actions comme « non visibles, non cachées » dans la mesure où il ne fait pas de communication pour faire venir le maximum de public, mais plutôt des invitations à des complices qui sont bien souvent autant acteurs que spectateurs. Dans la mesure où elles ont lieu en plein jour dans des lieux publics, ces actions sont également visibles par des passants, des visiteurs des lieux improbables dans lesquels elles ont lieu (cimetières, musées, etc.). Laurent m’a contacté pour participer à certaines de ses actions, et j’étais tout de suite fasciné par la manière dont il les documentait dans de magnifiques journaux de format tabloïd.
Bonjour Laurent Marissal des Éditions Clandestines SLND [pour Sans Lieu Ni Date]. Tu te fais aussi appeler Painterman.

Oui.

Parce que tu es plus ou moins peintre, non ?

Si, si.

Peintre et éditeur, puisque tu as des activités de peinture qui passent par l’édition aussi ?

[Il montre un journal Nada dont le graphisme est reconnaissable à ces dessins et à de grands aplats de couleurs récurrents dans la mise en page].

Dans chaque numéro, il y a une dimension hyperpicturale ?

Oui, c’est-à-dire que la page est considérée dans sa dimension picturale, puisque Nada me sert à documenter les actions picturales que je réalise. C’est né du désir de documenter des actions que j’ai commencées comme gardien au musée Gustave Moreau. Et j’ai détourné mon temps de travail. En détournant mon temps de travail, il a fallu trouver des formes pour rendre compte de ce détournement de temps de travail. Ce fut d’abord des photos, des prises de notes… Bref, j’en ai fait un livre, mais l’utilisation de la photo ne satisfait pas. Donc, quelque temps plus tard, j’ai pensé à l’utilisation du dessin, qui me paraissait au départ une régression par rapport à ma pratique précédente. Mais je me suis dit que non, ce n’était pas du tout régressif, puisque le dessin était pour moi l’équivalent de l’écriture que j’utilisais. C’était une manière de retenir ses actions qui étaient furtives. Ça s’est développé essentiellement au Canada où j’ai fait des actions furtives. Ça a donné lieu à un livre Pinxit III et à une revue qui s’appelle Nada qui vient de Acà [césure] nada. Cette revue était affichée dans le couloir du centre d’art Skol à Montréal. Dans cette revue-affiche, j’utilisais le dessin parce que le dessin permet de dire aux lecteurs ou spectateurs ce qu’il faut regarder. Ça me permettait d’être beaucoup plus précis avec l’utilisation de la couleur pour rendre compte de l’expérience. La couleur témoigne du rapport sensible que j’ai avec l’action. En photo, je ne sais pas faire ça, étant peintre. La couleur me parle, mais sans message. Ça me permettait d’agir à l’insu du spectateur. Le spectateur a deux informations : l’action qui vient en marge et qui paraît être le sujet du journal, puis la couleur qui vient dans son dos agir. La couleur me permet d’actualiser l’action passée et de transformer l’action passée en action présente, puisque c’est la couleur qui agit maintenant.

Et donc, est-ce que c’est ça qui rend tes actions picturales ?

Oui.

Donc elles sont picturalisées a posteriori ?

C’est coup double en fait. Quand je fais l’action, elle a une dimension picturale parce que je la pense picturalement. Par exemple, je déplace la plaque de la tombe de Guattari sur d’autres tombes, donc ça crée des rapports inédits entre Guattari et Auguste Blanqui. Pour moi, ce rapport inédit entre Blanqui et Guattari est d’ordre pictural. Mais comment je traduis ça ? Je peux traduire ce rapprochement par un dessin. Pour moi, la peinture est une question de rapports.

Mais ça pourrait être aussi bien du collage ?

Ou de la sculpture. C’est de la peinture parce que c’est ma formation et ma pratique. Je ne pense pas de la même manière que par exemple si c’était un épicier qui le faisait. Je prends toujours cet exemple quand on me pose la question : « Tu es peintre, mais tu ne peins pas ? » Il n’y a pas de tableau, je peins les mains dans les poches. Mais même les mains dans les poches, quand je regarde la mer, la Tour Eiffel et qu’à côté de moi il y a un écrivain, un flic ou un mec des RG qui regarde le même paysage que moi. Le mec des RG, le flic ou un migrant ne va pas regarder la mer de la même manière que moi. Cette histoire, ce contexte qui forme le regard, l’action en est aussi le témoin.

Donc, à ce moment-là, c’est pictural parce qu’il y a un lien avec la représentation ? Parce que quand tu déplaces par exemple la plaque de Guattari, tu crées une situation, une représentation, un point de vue ?

Pas une représentation, parce que le problème avec le dessin, c’est que ça paraît être de la représentation, or pour moi, ce n’est pas de la représentation, c’est de la présentation. C’est de l’expression. Sans le dessin, tout ça n’existe pas. J’ai fait l’action tout seul, sans témoin, sans rien. Le dessin peut exister tout seul, il existe en tant que tel. Il n’est pas « à la place de » ce que j’ai fait, mais en même temps, ce que j’ai fait n’a aucun rapport avec sa traduction. Donc, pour moi, il y a deux temps dans l’œuvre : il y a le temps de l’action, le temps de son expression et le temps de son expression est aussi une action. Je ne mets pas dos à dos l’action et sa représentation.

Je pense qu’on a bien compris que chaque Nada est lié à une action clandestine que tu as faite avec différents complices, dans différents lieux. Est-ce que tu peux nous parler un petit peu de la forme que ça prend, du ce côté journal mural, et de la façon dont tu le distribues ?

Alors déjà, la façon dont c’est produit me semble importante. J’ai pas d’argent, je ne cherche pas à en avoir d’ailleurs. Je refuse pas non plus. J’ai un problème, c’est pas un problème, mais j’ai un rapport très libre avec l’argent. Et l’argent a un rapport très libre avec moi. Nada existe par la reprise individuelle et par les économies que je peux réaliser en ne payant pas ma carte de transport. La production est parfois assurée par des tiers, mais c’est rare. Généralement, c’est autoproduit par les économies que je fais. Par exemple, je ne vais pas au cinéma pendant deux ans, ça me permet de produire un Nada. J’y allais une fois par mois. Ça vous donne à peu près le coût de production d’un numéro. Ce sont ces petites économies qui me permettent de le produire.

Et tu l’as imprimé sur papier journal parce que comme tu avais fait un journal mural au Canada il y avait cette dimension picturale ?

Voilà, c’est l’idée d’un grand format où la couleur peut s’étendre, mais qui est en même temps fragile et qui va sûrement périr. Il va nécessiter alors soit une réimpression, soit une acceptation que ça disparaît, que ça fane un peu. Ça m’intéresse parce que les couleurs fanent un peu moins vite que le papier, donc ça crée des couleurs nouvelles.

Et où est-ce qu’on peut trouver Nada?

En ligne ou en me rencontrant dans la rue par hasard. Parce que je ne diffuse pas, c’est très peu d’exemplaires et je les donne généralement. C’est marqué prix libre, mais…

…c’est rare qu’on te donne un billet pour le prix libre.

J’échange avec toi ou avec d’autres. Quand les gens veulent, par exemple, la collection complète, là c’est le contraire : c’est plus du tout prix libre. C’est contrepartie du don. Il y a une série complète qui a été achetée et ça me permet aussi de produire. Il n’y a pas que le vol qui me permet de produire, il y a aussi des achats.

Par une institution ?

Oui.

Et pourquoi est-ce que tu fais ça ?

Alors ça me garantit une certaine autonomie. Ayant un rapport difficile avec l’institution et avec les galeries. Non pas que je refuse, je dis toujours oui. Mais la nature de mon travail fait en sorte que finalement, c’est compliqué. Donc ça me permet d’être autonome.

Quelle est la nature de ton travail qui fait qu’on finit toujours par te dire non, c’est la provocation, c’est chercher la petite bête ?

C’est malgré moi, en fait, je suis d’une très grande naïveté et je n’imagine pas les conséquences de mon travail parce que je donne des conditions de production et ça, c’est ce qu’il ne faut pas faire. Par exemple, j’ai fait un numéro de Nada sur mes aventures avec le Bibendum. C’est-à-dire l’école d’art de Michelin. L’école d’art de Clermont-Ferrand m’invite à parler du travail, je présente mon travail et les actes du colloque devaient être publiés. On me propose un texte carte blanche, et donc j’ai rajouté un tract d’ouvrier en grève et un entretien que j’ai réalisé avec un ouvrier de chez Michelin en grève et une interview. Tout a été accepté, sauf l’article concernant les ouvriers en grève de chez Michelin, alors que c’était destiné à une école d’art. Mais il se trouve que dans la commission administrative de cette école, il y a un responsable de Michelin et que Michelin donne un peu d’argent à l’école. Donc il fallait pas parler de Michelin et j’ai été jarté des actes du colloque. Mais j’ai Nada qui m’a permis de diffuser cette information et l’interview de cet ouvrier de chez Michelin et les conditions d’expression et de réalisation de ce travail.

Donc c’est une forme de contestation aussi Nada?

Contestation, on peut le voir comme ça. Moi, je dis juste des faits. Souvent, j’ai l’impression que je suis perçu comme quelqu’un de polémique.

Oui, mais il y a forcément un aspect de militantisme. Les faits ne sont pas juste des faits. Déjà, tu choisis les faits. Wittgenstein dit : « Le monde est la totalité des faits ». Tu ne peux pas parler de la totalité des faits, tu choisis ceux qui te paraissent importants.

Oui, mais Wittgenstein explique que la signification est le contexte. Je suis dans la signification, c’est-à-dire dans l’usage. Quand je suis dans une école d’art et qu’on m’invite à parler du travail, je parle du travail.

Oui, c’est vrai.

Ce n’était pas la totalité des faits, c’était quelques faits qui me paraissaient assez aimantés. Clermont-Ferrand, Michelin = censure en fait.

Alors là, tu parlais pas du travail. On te demande de parler de travail et tu parles de la grève. Et ça, ça me paraît assez symptomatique de ton travail en même temps. Ils auraient pu s’en douter s’ils te connaissaient avant de t’inviter. Laurent Marissal, vous avez quelque chose contre le travail ?

Oui. J’ai quelque chose contre le travail quand il s’agit du travail qui est une exploitation. Donc oui, j’ai quelque chose contre le travail. Je n’ai rien contre la pratique, contre le fait de faire des choses. J’ai quelque chose contre l’exploitation et ça a nourri mon travail, oups mon œuvre, depuis le début. Une grande partie de mon travail consiste à contester l’exploitation et à trouver des formes qui permettent de récupérer et de transformer l’exploitation en émancipation. C’est ce que j’ai fait au musée Gustave Moreau : j’ai transformé l’exploitation en émancipation. Le temps de travail où j’étais gardien, je l’ai récupéré en redevenant peintre. Quand je suis prof en ce moment dans une école, c’est pareil, je continue à peindre. Je ne parle pas, je peins.

Question naïve : Qu’est-ce qui différencie l’exploitation de l’émancipation ? Et comment est-ce qu’on transforme l’exploitation en émancipation ?

Là on parle plus de Nada. L’exploitation, c’est quand je suis payé pour faire un travail dont je ne retire aucun bénéfice. Ça vient de Karl Marx. Et l’émancipation, c’est le contraire, c’est d’arriver à tirer les bénéfices de son travail. Arriver à transformer l’exploitation en émancipation C’est par exemple quand l’état me paye à être gardien et que le même état paye l’édition du travail où je conteste ma situation de gardien. Je récupère mon temps de travail. C’était ça la magie, lorsque Leszek Brogowski a publié mon bouquin [Pinxit aux éditions Incertain Sens]. Il a compris ce truc et il a été complice de cette transformation. Le ministère de la Culture a financé, malgré lui, mon travail de peintre qui a été publié par l’université financée par l’état. C’est un renversement.

Merci

Paris,

June 30th, 2017

The work of Painterman, aka Laurent Marissal, develops through a series of “clandestine” actions organised in various locations without authorization. To him, these actions are both “non-visible and non-hidden” in that he does not communicate to bring in the maximum number of people but rather invites selected accomplices who are often both actors and spectators. As they take place in broad daylight in public places, these actions are also visible to passersby and visitors to the unlikely places in which they take place (cemeteries, museums, etc.). Laurent contacted me to participate in some of his actions, and I was immediately fascinated by the way he documents them in beautiful tabloid-format newspapers.
Hello, Laurent Marissal of Éditions Clandestines SLND [for Sans Lieu Ni Date, no location nor date]. You also call yourself Painterman.

Yes

Because you are more or less a painter, right?

Yes, I am.

Painter and publisher, since you have painting activities that are expressed through publishing?

[He shows a newspaper called Nada, whose graphic design is recognisable by these drawings and the large solid-colour backgrounds that build the layout.]

In each issue, there is a very pictorial dimension?

Yes, the page is considered in its pictorial dimension, since Nada serves to document the pictorial actions that I carry out. It was born out of the desire to document the actions I started as a guard at the Gustave Moreau Museum. And I hijacked my work time. While I was hijacking my work time by using it to make art, I had to find ways to give an account of this practice. First of all, it was photos, note-taking… In short, I made a book out of it, but the use of the photo did not satisfy me. Some time later, I thought of using drawing, which at first seemed like a regression compared to my previous practice. But I said to myself that no, it was not at all regressive because drawing was for me the equivalent of writing, which I used a lot. It was a way of documenting actions that were stealthy. I started doing furtive actions in Canada that led to a book called Pinxit III and a magazine called Nada, which comes from Acà [hyphen] nada. I posted the newspaper in the corridor of the Skol Art Centre in Montreal. In this posted newspaper, I drew because drawing allows me to tell the reader or spectator what to look at, and it allowed me to be much more precise with the use of colour to give an account of the experience. The colour shows the sensitive relationship I have with the action. I don’t know how to do that with photography; being a painter, colour speaks to me, but without a message. This format allowed me to act without the viewer’s knowing. The viewer has two pieces of information: the action that comes in the margin and seems to be the subject of the newspaper, and then the colour that acts in the background. The colour allows me to update the action by transforming the past action into a present action, since it is the colour that is acting now.

And so this is what makes your actions pictorial?

Yes.

So they are pictorialized in hindsight?

It’s a double shot, in fact. When I do the action, it has a pictorial dimension because I think of it pictorially. For example, if I move the plaque from Guattari’s tomb onto other tombs, it creates new relationships between Guattari and Auguste Blanqui. For me, this new relationship between Blanqui and Guattari is pictorial. But how do I translate that? I can translate this reconciliation into a drawing. For me, painting is a matter of relationships.

But it could be collage as well?

Or sculpture. It’s painting because it’s my training and practice; I don’t think in the same way as, for example, if it were a grocer who did it. I always use this example when I am asked the question, “You are a painter, but you don’t paint?” There is no painting; I paint with my hands in my pockets. But even with my hands in my pockets, when I look at the sea, the Eiffel Tower, and next to me, there is a writer, a cop, or a guy from the RG [French intelligence agency] who looks at the same landscape as me. The guy from the RG, the cop, or a migrant is not going to look at the sea in the same way as me. The history and context also form the gaze; the action then becomes its witness.

Is it pictorial because there’s a link to representation? Because when you move, for example, Guattari’s plaque, you create a situation, a representation, a point of view?

Not a representation, because the problem with drawing is that it seems to be a representation, whereas for me it’s not a representation, it’s a presentation. It’s expression. Without the drawing, it does not exist. I did the action alone, without any witnesses. The drawing can exist on its own; it exists as such. It is not “in lieu of” the action, but at the same time, what I did has no relation to its translation. So for me, there are two moments in the work: the time of the action and the time of its expression, and the time of its expression is another action. I don’t put the action and its representation back-to-back.

I think we understood that each Nada is linked to a clandestine action that you carried out with different accomplices in different places. Can you tell us a little bit about the form it takes, this aspect of the wall newspaper, and the way you distribute it?

The way it’s produced seems important to me. I don’t have any money; I’m not looking for any. I don’t refuse either. I have a problem; it’s not a problem, but I have a very free relationship with money. And money has a very free relationship with me. Nada exists because of the individual takeover and because of the savings I can make by not paying my transport card. Sometimes third parties provide for the production, but that’s rare. Generally, it is self-produced by the savings I make. For example, I don’t go to the cinema for two years, and that allows me to produce a Nada. I go once a month. That tells you about the cost of producing an issue. These small savings allow me to produce it.

And it’s printed on newsprint because like the wall newspaper you did in Canada, it has a pictorial dimension?

It’s the idea of a large format where the colour can spread but is at the same time fragile and will surely perish. It will then require either a reprint or an acceptance that it disappears, that it fades a little. I’m interested in this because the colours fade a little less quickly than the paper, so it creates new colours.

And where can we find Nada?

Online or by meeting me in the street by chance. Because I don’t distribute, there are very few copies, and I usually give them away. It’s marked pay as you wish, but…

…it’s rare that someone wishes to give you a bill.

I exchange with you or with others. When people want, for example, the whole collection, it’s the opposite; it’s not free at all. It’s the counterpart to the gift. A complete series has been bought, and that also allows me to produce. It’s not only theft that allows me to publish; there are also purchases.

By an institution?

Yes.

And why do you do that?

So it guarantees my autonomy. I have a difficult relationship with institutions and galleries. Not that I refuse; I always say yes. But the nature of my work means that, in the end, it’s complicated. So working like this allows me to be autonomous.

What is the nature of your work that makes people say no to you? Is it provocation? Is it because you are always nitpicking?

It’s in spite of myself; in fact, I’m very naive, and I don’t imagine the consequences of my work because I give the conditions of production, and that’s what you shouldn’t do. For example, I did an issue of Nada about my adventures with the Bibendum. That is to say, the Michelin Art School. The Clermont-Ferrand art school invited me to talk about my work. I presented my work, and the proceedings were to be published in a book. I was offered a carte blanche text, and so I added a leaflet of a striking worker and an interview I had conducted with a striking Michelin worker. Everything was accepted except the article about the striking Michelin workers, even though it was intended for an art school. But it turns out that in the administrative commission of this school, there is a Michelin official, and Michelin gives money to the school. So I shouldn’t have mentioned Michelin, and I was kicked out of the book. Nada allowed me to spread this information and the interview with this Michelin worker, the conditions of expression, and the realisation of this work.

So Nada is a form of protest too?

Protest…, you can see it that way. I’m just stating facts. Often, I have the impression that I am perceived as someone who is polemical.

Yes, but there is necessarily an aspect of militancy. The facts are not just facts. First, you choose the facts. Wittgenstein says, “The world is the totality of facts.” You can’t talk about the totality of facts; you choose the ones you think are important.

Yes, but Wittgenstein explains that the meaning is the context. I am in the meaning, that is, in the use. When I’m in an art school and I’m invited to talk about work, I talk about work.

Yes, it’s true.

It wasn’t all of the facts; it was a few that seemed to me to be quite linked. Clermont-Ferrand, Michelin = censorship, in fact.

So you weren’t talking about work. You were asked to talk about work, and you talked about strikes. And that seems to me to be quite symptomatic of your work. They could have guessed if they knew you before inviting you. Laurent Marissal, do you have something against work?

Yes, I have something against work when it’s work that is exploitation. So yes, I have something against work. I have nothing against the practice or against doing things. I have something against exploitation, and that has fed into my work, oops, my artwork, since the beginning. A lot of my work is about protesting exploitation and finding forms that recuperate and transform exploitation into emancipation. That’s what I did at the Gustave Moreau Museum: I transformed exploitation into emancipation. The time I spent working as a guard, I recovered by becoming a painter again. When I’m a teacher at the moment in a school, it’s the same: I continue to paint. I don’t talk; I paint.

Naive question: What is the difference between exploitation and emancipation? And how do you transform exploitation into emancipation?

We’re not talking about Nada here. Exploitation is when I’m paid to do a job from which I get no benefit. This comes from Karl Marx. And emancipation is the opposite; it’s to manage to get the benefits of your work. It is, for example, when the state pays me to be a guard and the same state pays for the edition of the work where I contest my situation as a guard. I get my working time back. That was the magic when Leszek Brogowski published my book [Pinxit at Incertain Sens]. He understood this thing and was an accomplice in this transformation. The Ministry of Culture, in spite of itself, financed my work as a painter, which was published by the state-funded university. It’s a plot twist.

Thank you
NADA#8
Jérôme gonthier, Painterman scripsun, pinxunt, *NADA #8 hublot (extrait de magic circus)*, édition clandestines S.L.N.D., 2013. Jérôme gonthier, Painterman scripsun, pinxunt, *NADA #8 hublot (extrait de magic circus)*, édition clandestines S.L.N.D., 2013.
NADA#9
Painterman pinxit, *NADA #9 in the wake of Glenn*, édition clandestines S.L.N.D., 2013. Painterman pinxit, *NADA #9 in the wake of Glenn*, édition clandestines S.L.N.D., 2013.
NADA#10
Painterman pinxit, *NADA #10 snowball (action sede vacate#2)*, édition clandestines S.L.N.D., 2013. Painterman pinxit, *NADA #10 snowball (action sede vacate#2)*, édition clandestines S.L.N.D., 2013.
NADA#11
Painterman pinxit, *NADA #11 Entre deux papes-fig1*, édition clandestines S.L.N.D., 2013. Painterman pinxit, *NADA #11 Entre deux papes-fig1*, édition clandestines S.L.N.D., 2013.
NADA#13
Painterman pinxit, *NADA #13 snowball (action sede vacante#2)*, édition clandestines S.L.N.D., 2013. Painterman pinxit, *NADA #13 snowball (action sede vacante#2)*, édition clandestines S.L.N.D., 2013.