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Tokyo,

le 7 juillet 2016

Je ne me souviens pas comment je suis tombé sur le site Web de Kotaro Inoue, mais je sais qu’il m’a intrigué au point de vouloir rencontrer la personne qui se cachait derrière ce travail. L’adresse de son site personnel était http://1203.xxxxxxxx.jp/ (oui, vraiment), et son e-mail est w1t2u0o3i_@xmail.com, donc quand je l’ai rencontré pour une interview, je ne connaissais toujours pas son nom !
Nous avons convenu par email de nous retrouver dans un bar qu’il avait choisi dans le quartier résidentiel où je logeais. Le bar ne pouvait pas être plus japonais, il était très discret et minuscule, avec seulement 6 à 10 places assises, principalement autour du bar, où un très vieux barman semblait n’être là que pour écouter des salarymen ivres qui rentraient chez eux après une journée de travail épuisante. Comme nous nous sommes rencontrés assez tôt dans la nuit, nous étions seuls dans le bar. La communication était difficile en raison des différences linguistiques, ou qu’on ne parlait tout simplement pas de la même chose…
Bonjour, Kotaro.

Bonjour.

Peux-tu commencer par te présenter ?

Alors, je m’appelle Kotaro Inoue. Je viens du Japon.

Et… nous sommes ici, à Tokyo, dans un très chouette bar. Et tu m’as montré beaucoup de tes éditions. Alors peux-tu me parler de tes publications ? Ou… et peut-être nous montrer à quoi elles ressemblent ?

Qu’est-ce qui serait un bon début ?

Je ne sais pas. Ceci, par exemple.

OK, ça. C’est un zine ou quelque chose comme ça.

Oui, je n’étais pas sûr alors, j’ai dit publications ou éditions, mais ce ne sont pas vraiment des éditions, donc ce sont… Ce sont des œuvres uniques ?

Oh, je fais juste ce genre de choses. J’ai toujours été intéressé par l’impression à la maison. Imprimer, comme l’encre déjà, tout de suite ou presque tout de suite.

Hmm.

Puis quand tu en imprimes une, tu vois si elle est bonne ou mauvaise. Ensuite, tu l’enlèves simplement. Et à ce moment-là, ça sort comme ça. En fait, le papier de celui-là, tu dois l’imprimer et ensuite l’écraser pour qu’il soit grossièrement imprimé. Comme 2 ou 3 fois.

Alors, c’est pour ça que celui-ci est si rose, parce qu’il n’y avait que, le…

Le jaune était fini.

Oui, il n’y avait pas de jaune, ni de noir.

Oui, c’est… J’allais justement dire ça.

Alors, c’est comme une édition qui est imprimée sur un seul papier ? Parce qu’il y a cette idée de répétition, mais sur le même papier ?

Ce n’est pas le même papier. Pour chacune, je prends un papier différent. Comme un journal.

Celui-ci est très beau.

Oui, celui-là.

Alors celui-ci a été imprimé sur un journal japonais ?

Un journal japonais, puis je l’ai découpé en format A4, pour l’impression moi-même. C’est tout pour l’instant. Chaque fois que je la fais, elle semble plus, hum… double image. Ça fait une sorte de forme bizarre.

Oui, oui. Des images imprimées l’une sur l’autre.

Oui, oui.

Les formes sont les mêmes.

D’abord, je dessine, puis je prends une photo [il imite le geste] et je fais une double exportation.

Quand Kotaro m’a parlé de ses productions, les choses ne sont pas devenues plus claires. Il a commencé en me disant : « J’ai apporté beaucoup de choses, mais je ne sais pas si ce sont des zines ». Et en effet, ce qu’il m’a montré était déroutant : des morceaux de papier brouillon imprimés encore et encore, froissés, coupés et cousus, et tous étaient des œuvres uniques. « Je pense que je suis trop paresseux, c’est pourquoi je ne fais pas beaucoup d’exemplaires de mes zines », me dit-il. Après avoir déballé tout ce qu’il avait apporté, je me suis senti comme au milieu d’un laboratoire. Le travail d’Inoue est une sorte de département de recherche et développement pour les zinesters. Il a beaucoup d’idées, très originales, mais une fois qu’il les a matérialisées, il se désintéresse instantanément.
Un des « zines » qu’il me montre est un jeu de mots : Lorsqu’il est fermé, il a la forme d’un E, mais lorsqu’il est ouvert, il a la forme de l’idéogramme chinois “日”. Kotaro Inoue lui a donné deux titres “E日本” et “良い日本”, qui sonnent de la même façon, mais peuvent être compris différemment. “E日本” fait référence aux deux formes que peut prendre le livre, il faut le lire comme “E 日 livre”, alors que “良い日本” signifie “bon Japon”, mais ils ont tous deux la même consonance…
Inoue travaille surtout comme designer, entre autres pour la Tokyo Art Book Fair. C’est peut-être pour ça qu’il n’est pas très sûr de vouloir transformer ses expérimentations en éditions réelles. Il aimerait être aussi un artiste, mais au Japon, rien ne vous facilite la tâche.
Il n’y a pas de subventions, pas d’ateliers, pas de critiques d’art, et si vous voulez exposer, il faut louer la galerie (car il n’y a pas de collectionneurs pour acheter les œuvres.) Dans ce contexte, il est beaucoup plus facile d’être designer ou illustrateur, ce qui est vu comme un vrai travail, alors qu’être artiste est souvent considéré comme un hobby.
Ce genre de remarques peut sembler un peu gratuite, mais elles aident à comprendre le travail de certains artistes japonais qui ont beaucoup de choses à dire, mais n’ont pas d’espace pour s’exprimer.

Tokyo,

July 7th, 2016

I don’t remember how I came across Kotaro Inoue’s website, but I know that it intrigued me to the point where I wanted to meet the person who was behind that work. The address of his personal website is http://1203.xxxxxxxx.jp/ (for real), and his email is w1t2u0o3i_@xmail.com, so when I met him for an interview, I still didn’t know his name!
We agreed by email to meet at a bar he chose in the residential area where I was staying. The bar couldn’t be more Japanese; it was very discreet and tiny, with only 6–10 seats, mostly around the bar, where a very old barman seemed to be here only to listen to drunk salarymen on their way home from an exhausting day of work. As we met quite early in the night, we were alone in the bar. Communication was hard because of language differences, or maybe we weren’t really talking about the same thing…
Hello, Kotaro.

Hello.

Can you start by introducing yourself?

So, my name is Kotaro Inoue. From Japan.

And … we’re here, in Tokyo, in a very nice bar. And you showed me a lot of your editions. So, can you tell me about your publications? or… and maybe show us what they look like?

What’d be a good start?

I don’t know. This, for example.

Ok, that. That’s a zine or something.

Yeah, I wasn’t sure, so I said publications or editions, but they are not really editions, so they’re… They’re unique works?

Oh, I just make that kind of thing. I was always interested in you can home print. Print, like ink already, right now or nearly right now.

Hmm.

Then, when you print one, you see if it’s right or wrong. Then you just take it out. And at this point, they come out like that. Actually, that one’s paper you need to print it and then squash it to make it roughly imprinted. Like 2 or 3 times.

So is that why this one is so pink because there was only, the…

Yellow is gone.

Yeah, there was no yellow, nor black.

Yeah, that’s- I was kinda just gonna say that.

So is it like an edition that is printed on a single sheet of paper? because there is this idea of repetition, but on the same paper?

It’s not the same paper. For each, I take a different paper. Like newspaper.

This one is very beautiful.

Yeah, that.

So this one was printed on a Japanese newspaper?

Japanese newspaper, then I cut it in A4 size for home printing. That’s it so far. Every time I make it, it just seems more, um … double image. Kind of making a weird shape.

Yeah, yeah. Images printed on top of the other.

Yeah, yeah.

Shapes look the same.

First, i’d be drawing, then I’d take a photograph (mimics the gesture) and I do a double export.

As Kotaro was telling me about his productions, things did not become clearer, as he started by telling me: “I brought a lot of things, but I don’t know if they are zines.” And indeed, what he showed me was confusing: pieces of scrap paper printed over and over, wrinkled, cut, and sewn—all were unique works. “I think I am too lazy; that is why I don’t make many copies of my zines” he said. After he unpacked everything he had brought, I felt like I was in the middle of a laboratory. Inoue’s work is a sort of research and development lab for zinesters. He has a lot of ideas, very original ones, but once he has materialised them, he instantly becomes disinterested.
One of the “zine” he is showing me is a word play: When it is closed, it has the shape of an E, but when it is open, it has the shape of the Chinese ideogram “日.” Kotaro Inoue gave it two titles, “E日本” and “良い日本”, which sound the same but can be understood differently. “E日本” refers to the two forms the book can take; it should be read as “E 日 book,"  whereas “良い日本” means “good Japan,"  but they both sound the same…
Inoue mostly works as a designer for the Tokyo Art Book Fair, among others; this might be why he is not so sure about transforming his experimentations into actual editions. He would also like to be an artist, but in Japan, nothing makes it easy.
There are no grants, no studios, no critics, and if you want to exhibit your work, you will have to rent the gallery (as there are no collectors to buy your work).  In this context, it is much easier to be a designer or an illustrator, which is an actual job, when being an artist is often considered a hobby.
These kinds of remarks may seem gratuitous, but they are true, and they help to understand the work of some Japanese artists who have a lot to say, but don’t have any space to express themselves.
E-nippon(good JAPAN)
Kotaro Inoue, *E-nippon(good JAPAN)*, Tokyo, date inconnue, maquette originale dessinée et découpée à la main, 14,8 x 21 cm. Kotaro Inoue, *E-nippon (good JAPAN)*, Tokyo, date unknown, handmade original dummy, 14,8 x 21 cm.