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Par email,

le 24 novembre 2017

Le parcours de Julie Doucet est représentatif de ces artistes qui font des zines parce que cette pratique a quelque chose en plus. Alors qu’elle commence comme de nombreux aspirants bédéastes en publiant son propre zine autobiographique Dirty Plotte, elle est rapidement repérée et publiée internationalement. De manière assez surprenante, elle quittera le monde de la bande dessinée pour revenir à l’autoédition. Non pas comme certaines plumes connues qui montent leurs propres structures d’édition pour s’éditer, mais plutôt dans ce cas pour revenir au fait main, au bricolage, à l’expérimentation dans les formes et dans les mots.
Propos recueillis par mail par Céline Huyghebaert
Tu as eu un énorme succès dans les années 1980 et 1990 avec tes bandes-dessinées intimistes. Et puis soudainement, tu as quitté ce milieu pour explorer la sérigraphie, le collage et l’animation dans des livres d’artiste et des petits zines où l’écriture a pris une place très importante. Tu racontes que cette rupture était due au fait que tu te sentais à l’étroit dans la BD. C’est ça ?

Oui, c’est ça. Il faut dire qu’à l’époque, il y a une quinzaine d’années, la bande dessinée était encore assez formatée. Pas d’espace pour l’exploration. Du moins, si tu voulais être publiée. Et je n’avais pas assez d’énergie ou de “drive” pour faire autre chose à côté de la BD, qui était ma job à temps plein, si on peut dire. Et puis, je ne me sentais plus trop à l’aise dans ce milieu de gars. À mes débuts, oui, complètement, mais plus tard, je ne connectais plus du tout avec ce milieu. Qui de ce point de vue-là aussi, a bien changé. Heureusement !

Tu as ensuite consacré une bonne dizaine d’années à faire des livres composés quasiment uniquement de textes, sous forme de collages. Tu as eu une écœurantite du dessin ? Quelle est la place qu’a prise l’écriture dans ton travail à partir de là ?

En fait, ce qui s’est passé, c’est que j’ai fait un burn-out. Je travaillais sur un projet de court-métrage avec Michel Gondry, qui m’a pressée comme un citron. Je me suis tapée une mononucléose et puis après plus capable de dessiner : blocage mental total. J’avais déjà pas mal abandonné le dessin avant cet épisode avec Gondry. J’ai accepté ce projet malgré le fait que ça impliquait que je devais dessiner et que je n’en avais plus envie…Travailler avec Michel Gondry! Mais voilà. Donc, à ce point-là, l’écriture avait déjà pris énormément de place dans mon travail. J’avais écrit mon autobiographie de zéro à 15 ans en mots découpés en 200 pages, des tas de poèmes…

Peux-tu me parler de tes fanzines ? Depuis quand tu en fais ? Comment tu définirais ton style ?

J’ai produit mon premier fanzine à 22 ans, je crois bien, de la BD, 12 pages photocopiées en noir et blanc dans la plus pure tradition du fanzine. Je ne suis pas trop du genre nostalgique, mais cette époque, où je produisais mon propre fanzine que j’envoyais partout par la poste… C’était très excitant. J’adorais la liberté, l’indépendance, la spontanéité, la rapidité d’exécution qui allait avec.

Alors quand je me suis mise à imprimer, ça m’est revenu assez vite. Imprimer des pages, des livres…Un ami m’a appris la sérigraphie, c’est rapidement devenu une addiction. Mon style… Je n’en sais trop rien… Je ne m’examine pas beaucoup…

Tu as fait plusieurs zines en série : les Sophie Punt, les zines Der Stein écrits en mauvais allemand, les Pantalitaires. Peux-tu me parler de ces séries en particulier ? Qu’aimes-tu là-dedans ?

Ça donne un cadre, ça oblige à avoir une constance… Je me fixe un but : un numéro par mois (genre)… Je suis compulsive, alors ça m’arrange, comme système. Sophie Punt, c’est le nom d’une fille qui était dans ma classe au secondaire. Elle avait une drôle de tête et n’en avait rien à foutre de l’éducation. Les Sophie Punt, c’est au début de ma production sérigraphiée. Chaque numéro est complètement différent dans sa forme. J’explorais. Der Stein est une série écrite en très mauvais allemand (je prenais des cours d’allemand à l’époque) et aussi une sorte de harangue de numéro en numéro contre l’Art. C’était une période pour moi où j’étais dans le doute, n’y croyais plus. Le Pantalitaire est un format plus grand, surtout des images, des collages. Un essai sans texte.

Est-ce que tu fais une distinction entre tes livres d’artiste et tes zines? Par exemple, entre tes zines et des livres comme Chevalladar, une réplique de ton journal intime rendue incompréhensible par le remplacement de certains mots par des néologismes ?

Le travail que ça implique, de sérigraphier 120 pages de texte recto-verso, ne permet pas les mêmes libertés, non ? En fait non, aucune différence. Pour moi, le propos est le plus important, alors chaque projet est important 10 pages ou 120 pages. J’ai du mal à employer le terme fanzine pour décrire mes livres…Pour moi, un fanzine, c’est une publication photocopiée… C’est mon passé qui fait ça.

Même quand il n’y a pas de textes, tes zines sont très narratifs. Peux-tu me parler de ton processus de création ? Est-ce que tu as une idée claire de ce que tu veux faire avant de commencer ? Est-ce que tu fais un story-board ?

Non, tout est assez improvisé. Je vais avoir une idée générale de ce que je veux faire, une image de départ ou un poème… Et je pars de là. Surtout, pas de storyboard.

Depuis quelques années, tu as acquis une Riso qui te permet d’imprimer à domicile en couleur à un prix modique. Est-ce que tu as l’impression que la Riso est en train de changer à nouveau ta façon de travailler ? Je te demande ça parce que j’ai remarqué que tes derniers fanzines faisaient moins de place aux mots, à la langue.

Going Somewhere par exemple, est composé uniquement de coupures de photos de jambes de femme. Je ne sais pas si ça change mon travail…C’est sûr que ça permet d’essayer très vite de nouvelles idées, de faire des tests. Le fait qu’il y ait moins de texte : j’essaye de me convaincre que l’image en tant que telle, comme sujet, est tout à fait valable. Ce qui n’est pas évident pour moi. J’y cherche un sens. J’ai du mal à dealer avec ça… Pas de mots. Une image sans mot, c’est tout nu. Enfin, c’est mon problème. Aussi, je sens que j’ai fait le tour du texte écrit avec des mots découpés (ce que j’ai fait depuis au-delà de 10 ans), j’ai essayé d’écrire sans, directement… Mais sans succès. Alors… l’image.

Qu’est-ce que tu aimes dans le fait de faire des livres ?

C’est que je ne suis pas du tout à l’aise dans un espace-galerie. Le livre est plus intime, et plus accessible. Il vous accompagne longtemps. Tandis que faire une exposition… Un mois et c’est fini. Et combien de personnes l’auront vue ?

Qu’est-ce qui t’inspire ?

Moi-même, j’ai bien peur.

By email,

November 24th, 2017

Julie Doucet’s history is representative of those artists who make zines because there’s something more to it. Like many aspiring cartoonists, she began by publishing her own autobiographical zine, Dirty Plotte, and was soon spotted and published internationally. Surprisingly enough, she took the decision to leave the world of comics to go back to self-publishing. Not like some well-known authors who set up their own publishing structures to publish themselves, but rather, in this case, to return to handmade DIY zines experimental both in form and in words.
Interview by Céline Huyghebaert
You had a huge success in the eighties and nineties with your intimate comics. Then suddenly you left that scene to experiment with silkscreen, collage, and animation through artist’s books and small zines where writing took a very important place. You say that this break was due to the fact that you felt cramped in comics. Is that right?

Yes, that’s right. It must be said that at the time, about fifteen years ago, comics were still quite formatted. There was no room for exploration. At least, if you wanted to be published. And I didn’t have enough energy or drive to do anything else besides comics, which was my full-time job, so to speak. And then I didn’t feel too comfortable anymore in that environment of dudes. When I started out, yes, completely, but later on, I didn’t connect at all with the scene, which, from that point of view, has also changed a lot. Fortunately!

You then spent a good ten years making books consisting almost entirely of text, in the form of collages. Did you get sick of drawing? What place did writing take in your work from then on?

What happened was that I actually had a burnout. I was working on a short film project with Michel Gondry, who squeezed me like a lemon. I got mononucleosis, and then I couldn’t draw anymore—total mental block. I had already given up drawing quite a bit before the Gondry episode. I accepted this project despite the fact that it meant I would have to draw while I didn’t feel like it anymore… Working with Michel Gondry! But there you go. So at that point, writing had already taken up a lot of space in my work. I had written my autobiography from the age of zero to 15 in cut-up words into 200 pages, lots of poems…

Can you tell me about your fanzines? When did you start making them? How would you define your style?

I produced my first fanzine when I was 22, I think, a comic book in 12 pages photocopied in black and white in the purest fanzine tradition. I’m not really a nostalgic person, but that time, when I was producing my own fanzine and sending it everywhere by mail, it was very exciting. I loved the freedom, the independence, the spontaneity, and the speed of execution that went with it.

So when I started printing, it came back quite quickly. Printing pages, printing books… A friend taught me silkscreening, and it quickly became an addiction. My style… I don’t know much about it… I don’t examine myself much.

You have done several zines series: the Sophie Punt, the Der Stein zines written in bad German, and the Pantalitaires. Can you tell me about these series in particular? What do you like about them?

It gives me a framework; it forces me to be consistent… I set myself a goal: one issue per month (something like that) … I’m compulsive, so it suits me as a system. Sophie Punt is the name of a girl who was in my class in high school. She had a funny face and didn’t give a shit about education. The Sophie Punt series is the beginning of my silk-screened production. Each issue is completely different in form. I was exploring. Der Stein is a series written in very bad German (I was taking German lessons at the time) and also a kind of rant against art from issue to issue. It was a period for me when I was in doubt and no longer believed in it. Le Pantalitaire is a larger format, mostly images and collages. An essay without text.

Do you make a distinction between your artist books and your zines? For example, between your zines and books like Chevalladar, which is a replica of your diary made incomprehensible by replacing certain words with neologisms?

The work involved in silk-screening 120 pages of text on both sides doesn’t allow the same freedom, does it? Actually, no, there is no difference. For me, the subject is the most important thing, so each project is important, whether it’s 10 pages or 120 pages. I find it hard to use the term fanzine to describe my books…For me, a fanzine is a photocopied publication… It’s because of my past.

Even when there is no text, your zines are very narrative. Can you tell me about your creative process? Do you have a clear idea of what you want to do before you start? Do you make a storyboard?

No, it’s all pretty much improvised. I’ll have a general idea of what I want to do, a starting image, or a poem… And I start from there. I don’t have a storyboard.

A few years ago, you acquired a Riso that allows you to print at home in colour for cheap. Do you feel that the Riso is changing your way of working again? I’m asking because I’ve noticed that your last few fanzines have been less about words, about language.

Going Somewhere, for example, is made up entirely of cut-outs of photos of women’s legs. I don’t know if it changes my work… It certainly allows me to try out new ideas very quickly and do tests. About the fact that there is less text: I try to convince myself that the image as such, as a subject, is completely valid. Which is not obvious to me. I’m looking for meaning. I find it hard to deal with that… No words. A picture without words is naked. Well, that’s my problem. So I feel I’ve done the trick of writing with cut-out words (which I’ve been doing for over 10 years), I’ve tried to write without, directly… But without success. So… the image.

What do you like about making books?

It’s that I’m not at all comfortable in a gallery space. The book is more intimate and more accessible. It stays with you for a long time. Whereas doing an exhibition…one month and it’s over. And how many people will have seen it?

What inspires you?

Myself, I’m afraid.

J’aime
Julie Doucet, *J’aime*, Montreal, auto-édité, 2012, 12.5 x 15.5 cm, sérigraphie, 28 pages, 250 exemplaires. Julie Doucet, *J’aime*, Montreal, self-published, 2012, 12.5 x 15.5 cm, silkscreen, 28 pages, 250 copies.
der stein #2
Julie Doucet, *der stein #2*, Montreal, auto-édité, 2010, 15 x 18 cm, sérigraphie. Julie Doucet, *der stein #2*, Montreal, self-published, 2010, 15 x 18 cm, silkscreen.
der stein #4
Julie Doucet, *der stein #4*, Montreal, auto-édité, 2010, 15 x 18 cm, sérigraphie. Julie Doucet, *der stein #4*, Montreal, self-published, 2010, 15 x 18 cm, silkscreen.
Le pantalitaire #1
Julie Doucet, *Le pantalitaire #1*, Montreal, auto-édité, 2007, 27 x 23 cm, sérigraphie. Julie Doucet, *Le pantalitaire #1*, Montreal, self-published, 2007, 27 x 23 cm, silkscreen.
Le révolution
Julie Doucet, *Le révolution*, Montreal, auto-édité, 2011, 8,5 x 10 cm, sérigraphie, 20p, 100 exemplaires. Julie Doucet, *Le révolution*, Montreal, self-published, 2011, 8,5 x 10 cm, silkscreen, 20p, 100 copies.