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New York,

le 17 février 2017

Johan Kugelberg a plus de 30 ans d’expérience dans l’industrie du divertissement et le milieu de l’art aux États-Unis. En tant qu’archiviste, il a créé des collections complètes dans les domaines du punk, du hip hop et de la contre-culture, en se concentrant sur les imprimées, les éphéméras, la photographie et les arts du livre. Il est le propriétaire et le curateur de Boo-Hooray, une galerie et un espace d’exposition à Manhattan où il m’a donné rendez-vous. Leurs nouveaux locaux à Chinatown ne comprennent pas d’espace d’exposition comme ceux d’avant, mais ces nouveaux bureaux sont vastes et encombrés de boîtes d’archives partout. Il s’assied sur un canapé et commence à me montrer des zines édités par Boo Hooray sans attendre que je pose une question.

Voici un zine qu’on a fait quand Mario Montez, célèbre drag queen, est mort. On a organisé une exposition en son honneur à l’USC à Los Angeles, et c’était donc le zine pour le vernissage. Ça, c’est le zine que j’ai fait pour le vernissage du workshop punk au symposium punk de Cornell à l’automne. C’est une conversation entre moi, Jon Savage et l’auteur de science-fiction William Gibson, pour essayer de comprendre ce que tout ce merdier signifie. La réponse est qu’on n’en a aucune idée. On a réalisé ce zine avec l’artiste John Holmstrom pour célébrer le fait qu’on avait vendu une archive de magazines punks à l’université de Yale, et il a modifié chaque exemplaire. C’était aussi gratuit. Ce n’était pas à vendre. Tous ceux qui sont venus à la fête en ont eu un.

Oui, c’est ce que j’aime dans les zines. Tout le monde y met beaucoup d’attention, mais pourtant ils restent simples en quelque sorte.

C’est aussi un peu bizarre. Dans le punk et dans la science-fiction, les zines ont toujours été échangés, et ce qui est intéressant, bien sûr, c’est que les racines des zines viennent de la science-fiction et de l’horreur du 19e et du début des années 1900, dans les années 1920 et 1930, lorsque les gens qui n’arrivaient pas à trouver des personnes intéressées par la même chose qu’eux. Ils consultaient les pages de correspondance des magazines de science-fiction pour obtenir des adresses, puis ils ronéotypaient de petits commentaires sur la science-fiction et l’horreur. Ils s’échangeaient tout cela par courrier, et parallèlement à ça, on trouve les premiers zines politiques radicaux, généralement de gauche ou anarchistes, et les zines sexuels radicaux (lesbiennes, homosexuels, etc.). Ça devient donc des réseaux de communication entre pairs. Et puis, après la Seconde Guerre mondiale, parce que l’effort de guerre a produit tellement de ronéos, parce que l’imprimante ronéotype était utilisée pour la logistique de guerre, pour imprimer des factures ou des listes d’inventaire, ou autre… Il y avait donc des ronéos d’occasion qui ne coûtaient presque rien dans tous les magasins de l’armée et de la marine. Le boom de la poésie ronéotypée de l’après-guerre est dû au fait que ces objets étaient accessibles et bon marché. L’impression offset n’était pas rentable tant que vous n’aviez pas imprimé au moins mille copies. Ça a donc à voir avec la taille de l’édition, mais aussi avec les points d’accès à la technologie.

Puis, on voit apparaître des zines de contre-culture dans les années 1960 et, comme l’explosion de la contre-culture créait beaucoup de volume, on voit des feuilles d’informations et des journaux imprimés en offset sur un papier très bon marché. Ils se multiplient dans toute l’Amérique et deviennent les points de convergence d’un mouvement. Avant ça, on voyait des zines issus des mouvements pour les droits civiques, du mouvement antinucléaire. Et puis, bien sûr, dans les années 1970, quand la photocopieuse est devenue de moins en moins chère, on a commencé à voir un changement, et ce changement signifie évidemment qu’il est plus facile de reproduire des photographies. Parce que lorsqu’on imprimait en ronéo, on devait soit faire des stencils photo – ce qui était coûteux – ou on devait dessiner sur le pochoir lui-même, ce pour quoi il fallait être vraiment doué.

On a fait une exposition au MoMA PS1 il y a quelques années de la bibliothèque de fanzines de Lenny Kaye. Lenny Kaye est le guitariste du groupe de Patti Smith, et c’est aussi un célèbre auteur compositeur de rock-and-roll, mais il a commencé dans le fandom de science-fiction. Toute sa bibliothèque de zines de science-fiction est allée à l’université de Miami, et on a fait une exposition au MoMA PS1 de ses zines, parce que ce sont des chefs-d’œuvre ; l’habileté de ces gens à dessiner sur des stencils était absolument dingue. C’est une autre forme d’art perdue dans cette histoire.

Penses-tu que c’est à ce moment-là que les gens ont commencé à considérer ce type d’auto-édition comme un art ou une pratique créative ?

Je ne suis pas encore tout à fait sûr que ce soit de l’art, et en tant que situationniste, je suis aussi un peu dégoûté par l’idée de définir tout cela comme de l’art, parce que pour moi, l’art est tellement contaminé par le commerce en tant que concept. Homer Simpson avait raison de dire que l’argent peut être échangé contre des biens et des services. Et malheureusement, nous devons tous payer les courses et le loyer. Mais je pense que lorsqu’il s’agit de zines et de leur pouvoir, je les verrais beaucoup plus comme quelque chose de politique au sens de Raoul Vaneigem dans son Traité de savoir-vivre à l’usage des jeunes générations, alors que dans les mouvements artistiques, c’est simplifié et rendu inoffensif.

À l’époque punk, dans les années 1970, la photocopieuse est reine, c’est la communication immédiate. Si nous passons à cette chose [il montre un smartphone], c’est merdique, mais aucun d’entre nous n’est encore prêt à penser. Mais Guy Debord, Raoul Vaneigem et Marshall McLuhan écrivaient à ce sujet : ce n’est pas un portail sur le monde, c’est en fait un miroir. Et c’est un miroir qui te flatte toujours. Alors maintenant, le raciste lit des informations racistes, celui qui aime les chats lit des informations d’amoureux des chats, le chef cuisinier italien lit des informations de chefs cuisiniers italiens. Donc, c’est strictement un dispositif de spectacle, et ça signifie que quiconque veut produire des idées, de l’art ou de la communication, doit faire ça [Il me tend une publication]. Et ensuite, tu fais ça [Il me fait passer une publication en échange].

Ensuite, dans ce que William Gibson appelle le meatspace [l’espace viande], quelque chose se passe, il y a un échange dans le meatspace. Et c’est très différent de ce qui se passe si je t’envoie un message texte ou si je te montre un joli chat sur Instagram, si je te taggue sur une publication ou si je t’envoie un PDF, parce que ce n’est évidemment pas la réalité. C’est un reflet miroir de nous-même qui amoindrit vraiment le pouvoir de la communication. Et c’est là où je pense que les zines en sont, et au cours des 20 dernières années, parce que ce sont des choses de la « vie quotidienne » dont parle Vaneigem, et c’est la communication dans le meatspace.

Avec Lele [Saveri] on en a beaucoup parlé, car l’une des choses qui se passe actuellement avec 8-Ball, c’est que 8-Ball est en train de devenir un véritable point de convergence pour l’activisme politique. Plus de 15 000 personnes sont informées des manifestations, des actions militantes et des actions de protestation grâce au réseau 8-Ball. Mais on ne veut pas qu’8-Ball soit juste une chaîne Instagram, on veut qu’8-Ball soit en réalité générateur d’activisme.

En même temps, Boo-Hooray est une entreprise, on doit payer le loyer, je dois payer mes employés. Donc nous organisons et stabilisons des archives que nous vendons aux musées et aux universités. Mais, pour moi, c’est aussi un acte politique, parce que je peux choisir le type de récits historiques qui ne sont pas conservés. Heureusement, j’ai un genre de crédibilité et je peux faire en sorte que les universités et les musées chics s’intéressent à ces trajectoires.

Et comment es-tu parvenu à cette crédibilité ?

Je suis vieux.

Quelle est ta formation ?

J’ai déménagé aux États-Unis quand j’avais 23 ans, j’en ai 51 maintenant. Je suis suédois. J’ai d’abord travaillé dans le secteur de la musique, en tant qu’animateur – j’avais une émission de radio – et en tant qu’auteur pour des magazines musicaux. Et puis j’ai été un producteur à succès dans la musique. Et puis j’en ai eu marre de ça. Je ne voulais plus rester dans un club à 2 heures du matin à parler à des jeunes de 20 ans.

J’ai donc commencé par faire des livres et des expositions. Le premier fonds que j’ai créé est le fonds d’histoire du hip-hop, qui se trouve à l’université de Cornell, et qui est le plus grand fonds au monde sur l’histoire du hip-hop. Je trouve ça très important, et je pense aussi que c’est la forme d’art la plus importante de la fin du 20e siècle. En prenant tout en compte, la pop, l’expressionnisme abstrait, etc. je pense que le hip-hop est bien plus important. Parce que je pense que le pouvoir d’une forme d’art qui fonctionne simultanément comme un produit merdique de masse, avec des gens comme Jay-Z et comme un mouvement mondial de proximité de personnes qui font leur propre musique, leurs propres vêtements et leur propre danse, c’est vraiment poignant. Je pense que c’est un terreau super fertile pour la pensée du 21e siècle. C’était donc il y a quinze ou dix-sept ans. Depuis lors, j’ai créé environ soixante-cinq archives pour différentes universités ou musées.

Et vous avez donc décidé de créer un fonds ?

Parfois, je pars de zéro, juste parce que je vois que personne ne l’a fait avant. C’est ce qui s’est passé avec le hip-hop. En ce moment, nous travaillons sur les racines contre-culturelles de la durabilité, ça me fascine beaucoup. Je travaille aussi sur la culture des zines des quinze ou vingt dernières années, qui est très importante à mes yeux. Mais parfois, un poète meurt et sa famille nous contacte pour demander de l’aide, parce que le poète a un grenier plein de lettres, de manuscrits et d’autres choses.

Parfois, il s’agira des enregistrements d’un groupe de théâtre. Parfois, il s’agira d’une organisation politique. Parfois, ce sera un artiste plasticien. Parfois, ce sera une maison de disques. Parfois, nous représentons ces personnes ou ces successions. Parfois, nous achetons les archives. Parfois, nous publions des livres issus des archives. Parfois, nous organisons des expositions à partir des archives.

C’est vraiment, vraiment amusant. Je pense que c’est important par rapport à cette sorte de révolution dans la vie quotidienne que j’essaie d’avoir dans tout ce que je fais. Parce que je prends Raoul Vaneigem très au sérieux. Je prends Banalités de base et Traité de savoir-vivre à l’usage des jeunes générations comme des repères réels et sérieux pour la conduite de la vie quotidienne. Parce que je pense que c’est dans cette situation et dans la création de ces situations que l’on modifie réellement la trajectoire sociétale des pensées. Peut-être même plus que jamais, parce que nous avons cette machine d’hyper fragmentation entre nos mains.

Je suis né en 1965, donc j’ai vécu plusieurs fois l’épreuve de la violence. Je me souviens de Thatcher. Je me souviens des squats. Je me souviens de Reagan. Je me souviens de Bill Clinton ! C’était aussi cool. Avoir un escroc à la Maison Blanche me fait flipper, mais c’est vraiment motivant de la même manière. J’étais à Paris la semaine dernière, et je parle à des gens qui sont terrifiés par Le Pen et dégoûtés en même temps ; ils voient ça comme le drapeau rouge, le mouchoir rouge pour le taureau.

C’est un moment où je pense que nous devons tous être très attentifs à notre comportement et au type de message que nous envoyons. Une des choses que j’ai dites avec Dale et Lele, et ainsi de suite, c’est qu’avec 8-Ball, nous avons la capacité d’apprendre aux jeunes à perturber et à organiser, ce qui m’intéresse vraiment. Ça m’a toujours intéressé. Depuis que j’ai 17 ans et que je suis impliqué dans les squats.

Vous parlez d’enseignement. Pouvez-vous nous parler de vos activités de conférencier et des ateliers que vous enseignez ?

À Yale, je donne un cours de master d’une semaine, qui a lieu tous les deux ou trois ans. Il y a dix à vingt étudiants qui, pendant une semaine très intense, apprennent comment les arts du livre, l’édition et la distribution ont changé après la Seconde Guerre mondiale. Je vais te donner quelques bons exemples.

Une des filles qui a suivi mon cours la dernière fois était originaire du Zimbabwe. Elle voyait comment Mugabe essayait en temps réel de détruire la culture musicale de la descendance au Zimbabwe. Elle devait apprendre à gagner la confiance des personnes qui faisaient de la musique au Zimbabwe depuis les années 1980, pour préserver leurs cassettes, leurs affiches et leurs carnets. Elle devait apprendre à les stocker et à les faire sortir clandestinement du Zimbabwe. On a donc organisé un atelier à ce sujet.

Il y avait une autre fille qui faisait son mémoire de master sur le Cirque du Soleil et je ne sais pas si vous connaissez le Cirque du Soleil, mais ce sont des putains de scientologues. Ils ne vous diront rien. Ils ne parlent pas aux journalistes, c’est un peu comme une secte bizarre, et ce sont des connards. Elle voulait savoir comment elle pouvait étudier quand son sujet d’étude l’excluait, et comment trouver des traces écrites et des informations dans des circuits parallèles. Et puis, il y avait d’autres personnes qui s’étaient retrouvées dans des impasses, et qui étudiaient des sujets en ligne. Comment trouver des sources primaires si la source primaire est une publication, ou si cette source primaire est une personne auprès de laquelle vous suivez un cours d’histoire mondiale. J’enseigne également les techniques d’histoire orale, la meilleure façon de recueillir des histoires orales… C’est un peu ce que j’ai fait à Yale.

À Cornell, j’ai donné des conférences sur différentes formes d’activisme populaire. De temps en temps, et je le faisais pour des étudiants en anglais, en musique, en histoire… Tout ce qui est intelligent.

À la Rare Book School de l’université de Virginie, c’est beaucoup plus formel. Il s’agit d’un cours d’une semaine pour former les bibliothécaires des universités, les conservateurs et les responsables des départements de livres rares dans les universités et les musées. Comment faire face à toutes les merdes produites au cours des 1950 - 1960 dernières années.

Comment identifier un zine ? Que faire si les agrafes sont tellement rouillées qu’elles abîment le papier ? Comment faire la différence entre une sérigraphie, une impression offset, une ronéotypie et une photocopie ? Comment faire la différence entre une photocopie de 50 ans et une photocopie de cinq ans ? Comment préserver les cassettes VHS ? Comment préserver les cassettes ? Comment préserver le pire de tous, à savoir les fichiers Pro Tools ou les CER ? Comment faire ? Et puis, comment identifiez-vous et construisez-vous des bibliographies lorsque vous êtes dans ta situation, lorsque tu dois réellement partir de zéro ?

Tu peux nous parler de ce fonds que tu constitues, qui est très proche de ce que je fais. Ce sont des zines d’artistes en quelque sorte ? Tu appelles ça comme ça ?

Je m’intéresse à la culture des zines. Je publie des zines depuis l’âge de quinze ans. À l’époque, il y avait des zines punk, des zines de science-fiction, des zines d’art… En fait, j’adore le zine en tant que moyen de communication, et j’ai toujours pensé qu’il était vraiment intéressant de voir la résurgence de la culture du zine à l’ère du numérique. Parce que l’ère numérique est si désagréable et si peu plaisante, elle n’est tout simplement pas fun. Je connais des gens dans cette communauté depuis longtemps. La personne la plus connue qui fait des zines est - bien sûr - Dash Snow, qui est mort il y a huit ans, quelque chose comme ça. Nous étions amis, donc j’ai ses zines. Phil [Aarons] et moi avons fait une exposition de tous ces zines au MOCA il y a quelques années. À cette occasion, j’ai publié une bibliographie des zines de Dash. C’était amusant à faire, car c’est étrange de faire de la bibliographie pour des zines faits à la main. Je suis un grand admirateur du projet de Phil [Aarons] avec les zines de Mark Gonzales. Je lui ai fourni autant de zines de Gonzales que j’ai pu trouver. Je travaille avec Leo Fitzpatrick, je suis un ami proche de Templeton… Je connais donc beaucoup des personnes les plus célèbres qui travaillent dans le domaine des zines, mais ça m’a conduit à mon tour à essayer fébrilement de collecter le plus grand nombre possible de zines pas célèbres, parce que j’ai une formation d’historien. En tant qu’historien, je ne pense pas que les Rolling Stones soient très intéressants, mais je pense que dix mille groupes qui voulaient ressembler aux Rolling Stones en 1965, leur histoire et qui ils étaient, c’est extrêmement intéressant. Parce que je pense que c’est comme ça que l’Histoire fonctionne.

Je suis un grand admirateur d’Edward Gibbon, qui a écrit Histoire de la décadence et de la chute de l’Empire romain, qui est l’un des livres les plus puissants que l’on puisse lire dans une vie. Ce qui est extraordinaire avec Gibbon et qui a vraiment changé la trajectoire de l’écriture de l’histoire, c’est qu’il a compris que l’histoire ne se résume pas aux rois, aux présidents, aux grandes batailles et aux grands textes, mais qu’elle est aussi la myriade chaotique des récits de la vie quotidienne. C’est la leçon la plus importante que vous pouvez tirer de la lecture de Histoire de la décadence et de la chute de l’Empire romain. J’ai toujours été un grand fan de la tradition italienne de la micro-histoire des années 1970 et 1980 qui, pour une raison ou une autre, est complètement tombée en désuétude et dont plus personne ne se soucie dans les cercles d’historiens. En ce qui concerne la micro-histoire, disons que dans une archive, dans une bibliothèque, vous trouvez trois cents interviews d’infirmières à Lyon en 1830 sur ce qu’était leur vie, comment elles pensaient… Vous savez quelle était leur expérience, et ainsi de suite. Si vous avez quelque chose comme ça, vous pouvez appliquer votre compréhension de ça aux personnes qui travaillaient dans une usine de mise en boîte de poisson au Groenland en 1920. C’était un cadre similaire, car il y a tellement de points communs dans tout cela.

Évidemment, de qui se moque-t-on ici avec ce projet ? Ces zines sont principalement destinés à la classe moyenne blanche. Mais le pouvoir de cette trajectoire de publication croît exponentiellement avec leur nombre. Pour l’instant, je pense qu’il y a environ trois ou quatre mille zines. Ils n’ont pas été rassemblés en fonction de paramètres esthétiques ou d’une quelconque qualité d’exécution, ni en fonction de grands noms ou de petits noms… Ils ont plutôt été rassemblés dans l’idée de servir de point de départ. Donc, si cela existait dans une bibliothèque institutionnelle, et si cette bibliothèque institutionnelle continuait à développer cette collection pendant dix-cinq ans, alors je pense que vous auriez un récit qui serait vraiment significatif pour un travail d’érudit. Parce que la chose la plus prétentieuse quand je travaille dans cette perspective, c’est que je ne m’inquiète pas de ce qu’on pensera de tout ça dans cinq ans. Je m’inquiète de ce qu’on en dira dans 300 ans. Une de mes grandes révélations à ce sujet vient de mon intérêt personnel pour la pensée radicale pendant la guerre civile anglaise. Je suis vraiment intéressé par le Rump, les Levellers, et l’anarchisme chrétien aux 16e et 17e siècles. Si je deviens un peu plus intelligent, j’écrirai sur ce sujet dans ma vie. Si nous en savons autant à ce sujet, c’est parce que les bibliothécaires de la Bodleian d’Oxford ont recueilli en temps réel ces placards, ces pamphlets et ces tracts. Ces publications étaient extrêmement critiques à l’égard du Roi, du clergé, du gouvernement… Un tract célèbre – qui existe bien sûr à la Bodleian – décrit Oxford et Cambridge comme les deux yeux de la Grande Prostituée de Babylone qu’il faut crever. Je m’intéresse vraiment à la bibliothèque en tant que dépositaire de la pensée radicale, ce qui me semble très important.

Pensez-vous que ce type de documents dit quelque chose sur ce qu’est l’art contemporain ou l’état de l’art aujourd’hui, ou le voyez-vous uniquement sur le plan politique ?

Je le vois surtout comme une question politique personnelle et collective. L’art devient de plus en plus compliqué à envisager à mesure que l’on vieillit. Tu es dans la vingtaine ?

[Rires] J’ai 33 ans.

Oh ! Tu as l’air jeune ! Alors OK, tu as passé cette étape. Donc, tu es en train de développer lentement, mais sûrement, ce que tu penses que l’art signifie dans une société.

Peut-être.

Je pense vraiment que le pop et l’impressionnisme ont tout fait foirer. Parce que je pense que ça signifie que le riche consommateur dilettante peut diriger le récit esthétique. Et c’est pour ça que des merdes absolues comme Richard Prince partent pour des millions ou que des merdes marrantes comme Andy Warhol deviennent familières.

C’est ce qui va sur les murs d’Ivanka.

Jusqu’à récemment, je ne connaissais pas vraiment le terme super horrible de wall power [pouvoir mural]. C’est tellement tordu. Ils en parlent à Los Angeles ; c’est quand vos amis et vos voisins entrent dans votre maison et voient le wall power : les œuvres d’art que vous avez achetées. C’est juste une classe marchande et la bourgeoisie qui ont en fait détourné l’expérience esthétique. Le type qui a peint ceci est mon ami Ben Morea, qui était l’un des principaux anarchistes de New York dans les années 1960. Il a arrêté de peindre parce qu’il était dégoûté par le pop. Une des nombreuses choses merveilleuses qu’il a faites, c’est qu’il a fermé le MoMA en 1966. Il a envoyé une lettre au MoMA disant qu’il allait fermer le MoMA. Le MoMA a complètement flippé. Quatre-vingt flics se sont pointés avec des barricades, puis sont allés au MoMA et ont mis un panneau sur la porte qui disait « fermé ». L’art comme outil de communication… Ouais, putain, génial. L’art en tant qu’outil de communication de l’identité, c’est génial, mais tout le côté jeune cadre, qui veut le meilleur bureau… Je suis, putain, assez ennuyé par les gens qui le voient principalement comme une carrière. J’ai aimé chacun de mes amis artistes qui peuvent payer le loyer grâce à leur art. Je pense que c’est absolument génial. Mais le jeu des galeries, c’est effrayant ! Il n’y a pas moyen de l’éviter, et il dévalorise l’expérience visuelle autant que le smartphone. Je ne sais pas si cela répond à ta question.

Je pense que oui. Merci.

Bien.

New York,

February 17th, 2017

Johan Kugelberg has more than 30 years of experience in the U.S. entertainment and art industries. As an archivist, he has created comprehensive collections in the fields of punk, hip hop, and counterculture, focusing on printed works, ephemera, photography, and book arts. He is the owner and curator of Boo-Hooray, a gallery and project space in Manhattan, where he gave me an appointment. Their new Chinatown location doesn’t include an exhibition space like the one before, but the new offices are large and packed with boxes and boxes of archives. He sits on a sofa and starts talking without waiting for a question.

This was a zine we did when the famous drag queen, Mario Montez, died. We staged an exhibition honouring him at USC in Los Angeles, and so this was the zine for that opening. This is the zine I did when I opened the punk workshop at the punk symposium at Cornell in the fall, and that’s a conversation between me and Jon Savage and the science fiction author William Gibson, trying to figure out what the fuck it all meant. The answer is: we have no idea. This was when we sold the punk magazine archive to Yale University to celebrate that we did this zine together with the artist John Holmstrom, and he modified every single copy. This was also for free. This wasn’t for sale. Anyone who showed up to the party got one.

Yeah, that’s what I like about zines. Everyone puts a lot of attention, but yet they remain simple somehow.

It’s also kind of wacky. Well, in punk and science fiction, zines were always traded, and the interesting thing is, of course, that the roots of zines come from science fiction and horror found in the 19th and early 1900s, in the 1920s and 1930s, when people couldn’t find kindred spirits in any other way. They looked at the letter pages of science fiction magazines to get addresses, and then they mimeographed little commentaries on science fiction and horror. They swapped this back and forth through the mail, and as a parallel to that, you see early radical political zines, usually on the left or anarchism, and radical sexual zines (lesbians, gay men, and so forth). So it becomes a peer-to-peer communication network. And then, after World War II, because the war effort produced so many mimeographs, the mimeograph printer was used for war logistics, printing invoices, printing inventory lists, or whatever… So there would be used mimeograph costing next to nothing in every thrift store in America. It was the mimeo poetry boom of post-World War II was just because of the necessity of these objects being really cheap and accessible. Printing offset didn’t even make financial sense until you printed at least a thousand copies. So it has to do with edition size, but it also has to do with access points to technology.

And then, you’re seeing counterculture zines in the 1960s, and since the counterculture explosion was so voluminous, you’re seeing broad sheets and newssheets that are printed offset on really cheap paper. These are mushrooming all over America and becoming a focal point for a movement. Prior to that, you’ve seen zines coming out of civil rights movements and out of the anti-nuclear movement. And then, of course, in the 1970s, when the photocopier becomes cheaper and cheaper, you start seeing that shift, and that shift obviously means that it’s easier to reproduce photographs. Because when you printed mimeo, you actually had to either do photo stencils, which were expensive, or draw on the stencil itself, which you really had to be skilled at.

We did an exhibition at the MoMA PS1 a few years ago of Lenny Kaye’s fanzine library. Lenny Kaye is the guitar player of the Patti Smith group, and he’s also a famous rock-and-roll writer, but he started in the science fiction fandom. So his entire science fiction zines’ library went to the University of Miami, and we did an exhibition at MoMA PS1 of the zines because they’re fucking masterpieces and the skill that people have in drawing on the mimeo stencil was absolutely out of control. That’s another lost art form in this trajectory.

Do you think that was the time when people started seeing this kind of self-publishing as art or as a creative practice?

I still think it is not positively clear if it is art, and as a situationist, I’m also kind of repulsed by the notion of defining any of this as art, because to me, art is so contaminated by commerce as a concept.

Homer Simpson was right that money can be exchanged for goods and services. And unfortunately, all of us have to buy groceries and pay the rent. But I think that when it comes to zines and the power of zines, I’d see it much more as something that is political in the Raoul Vaneigem sense of The Revolution of Everyday Life, that it is something that becomes simplified and defanged as in art movements.

In the punk days in the 1970s, the photocopier was king; it was immediate communication, and if we jump to this thing [showing a smartphone], this thing sucks, and it is one thing that none of us are ready to think about as of yet. But Guy Debord, Raoul Vaneigem, and Marshall McLuhan write about it: This is not a portal into the world; this is actually a mirror. And this is a mirror that always flatters you. So now the racist reads racist news, the cat lover reads cat lover news, and the Italian food chef reads Italian food chef news. So this is strictly a device of the spectacle, and that means that whoever produces ideas, art, or communication, they need to do this [he hands me a publication]. And then you do that. [Makes me hand over a publication in exchange.]

Then, in what William Gibson calls “meatspace,”  something happens, there’s an exchange in meatspace. And that is very different from if I’m sending you a text message, showing you a cute kitty cat on Instagram, tagging you on something, or sending you a PDF, because this is obviously not an actuality. This is a mirror reflection of the self, which truly diminishes the power of communication. And that is where I think zines are now, and in the last 20 years, because this is “everyday life” stuff, and it is communication in meatspace.

Lele [Saveri] and I talked a lot about this, because one of the things that’s happening with 8-Ball now is that 8-Ball is becoming a real, great focal point for political activism. More than 15,000 people find out about demonstrations, acts of activism, and acts of protest because of the 8-Ball Network. But we don’t want 8-Ball to be an Instagram channel, we want 8-Ball to be in actuality that generates activism.

In conjunction with that, since Boo-Hooray is totally a business, we got to pay the rent, and I got to pay my employees. So we organise and stabilise the archives that we sell to museums and academic institutions. But, to me, that’s also a political act, because you can choose what kind of historical narratives you feel are unpreserved. And luckily, I have a kind of credibility, and I can get fancy universities and museums interested in those trajectories.

And how did you get to that credibility?

I’m old.

What’s your background?

I moved to the US when I was 23; I’m 51 now. I’m Swedish. I first worked in the music business as a broadcaster –I had a radio show– as a music writer for music magazines. And then I was a successful record executive. And then I was literally over that. I didn’t wanna stand around the club at 2 a.m. and talk to twenty-year-olds anymore.

So I started doing books and exhibitions. The first archive that I built was the Hip Hop History Archive, which is at Cornell University and is the biggest archive in the world on the history of hip hop, which I think is very important. And I also think it’s the most important art form of the end of the 20th century. Counting everything—counting pop, counting abstract expressionism—I think hip-hop is much more important. Because I think that the power of an art form that simultaneously functions as mass-market crap, with people like Jay-Z and his global grassroots movement of people who make their own music, their own clothes, and their own dancing, is really poignant. I think it’s a super powerful breeding ground for 21st century thought.

So that was about fifteen or seventeen years ago. Since then, I’ve created around sixty-five archives for different universities or museums.

And so you just decided to create an archive?

Sometimes I start from scratch, just because I see that nobody has done it before. So that’s what happened with hip-hop. Right now, we’re working on the counterculture roots of sustainability, which I’m super fascinated by. I’m also working on zine culture of the last fifteen to twenty years, which I think is really important. But sometimes, a poet will die, and their family will contact us to ask for help because the poet will have an attic full of letters, manuscripts, and stuff.

Sometimes it’ll be an event record theatre group.

Sometimes it’ll be a political organisation.

Sometimes it’ll be a fine artist.

Sometimes it’ll be a record company.

Sometimes we represent these people or these estates.

Sometimes we buy the archive.

Sometimes we publish books from the archives.

Sometimes we create exhibitions from the archives.

It’s really, really fun. I think it’s important relative to that sort of grassroots Revolution of Everyday Life perspective that I try to have on everything I do. Because I take Raoul Vaneigem very seriously. I take Totality for Kids and The Revolution of Everyday Life as real, serious cues for conduct in everyday life. Because I think in that situation and in the creation of those situations, you actually alter the trajectory of societal thoughts. Maybe even more now than ever, because we have this machine of hyper fragmentation in our hands.

I was born in 1965, so I’ve been through the wringer a few times. I remember Thatcher. I remember squats. I remember Reagan. I remember Bill Clinton! It was also cool. Having a crook in the White House freaks me out, but it’s really motivating in the same way. I was in Paris last week, and I’m talking to people who are terrified of Le Pen and disgusted at the same time; they are seeing that as like the red flag, the red handkerchief for the bull.

It is a time now where I think that we all need to be very focused on our conduct and what kind of message we send out into the road. One of the things that I said with Dale, Lele, and so forth is that with 8-Ball, we have the ability to teach young people to disrupt and to organise, which I’m really interested in. But I’ve always been interested. Ever since I was 17 years old and involved in squats.

You’re talking about teaching. Can you tell us about your lecture activities and the workshops that you teach?

At Yale, I do a week-long master’s class, which happens every two or three years, so it’s grad students. It’ll be ten to twenty grad students who, for a really intense week, will learn about how the book arts, publishing, and distribution have changed since World War II. I’ll give you a couple of good examples.

One of the gals that took my class last time was from Zimbabwe. She was seeing how Mugabe was, in real time, trying to destroy the music culture of descent in Zimbabwe. She needed to learn how to gain the trust of the people who had made music in Zimbabwe since the 1980s, how to preserve their cassette tapes, posters, and notebooks. She needed to learn how to store them, and how to smuggle them out of Zimbabwe. So we did a workshop about that.

There was another girl who was doing her master’s thesis on Cirque du Soleil, and I don’t know if you know about Cirque du Soleil, but they’re fucking scientologists. They won’t tell you anything. They won’t talk to journalists; they’re kind of like a weird cult, and they’re assholes. She wanted to know how she could study when the focus of her study would shut her out and how to find these sorts of paper trails and information trails in parallel settings. And then, there were other people who had run into dead ends and who were studying topics online. How do you go to primary source materials if the primary source material is a publication or if that primary source material is a person from whom you’re taking a world history course. I also teach oral history techniques and how to best take oral histories. That’s kind of what I’ve done at Yale.

At Cornell, I have been lecturing on different forms of grassroots activism. Once in a while, I would do that for English students, music students, history students… Whatever’s clever.

At Rare Book School at the University of Virginia, it’s much more formal. It’s a week-long course training university librarians, curators, and the custodians of rare book departments at universities and museums. How to deal with all the shit that’s been going down for the last fifty-sixty years.

How do you identify a zine? What do you do if the staples are so rusty that they are wrecking the paper? How do you tell the difference between something that’s a silkscreen, that’s printed offset, or that’s mimeographed until it’s photocopied? How do you tell the difference between a fifty-year-old photocopy and a five-year-old photocopy? How do you preserve VHS tapes? How do you preserve cassette tapes? How do you preserve the worst of all, which is Pro Tools files, or CERs? How do you do that? And then, how do you identify and build bibliographies when you are in your situation, when you actually have to start this from scratch?

Can you tell us about this archive that you’re building, which is very close to what I’m doing? They’re art zines somehow? Do you call them that way?

I’m interested in the zines’ culture. I’ve been publishing zines since I was fifteen years old. Back in the day, punk zines, science fiction zines, art zines… I actually love the zine as a medium of communication, and I always thought it was really interesting to see the resurgence in zine culture that came out of the digital age. Because the digital age is so unpleasant and non-toothsome, it’s just no fun. I’ve known people in this community for a long time. Probably the most notorious famous person that makes zines is, of course, Dash Snow, who died eight years ago or something like that. We were friends, so I have his zines. Phil [Aarons] and I did an exhibition of all of those zines at MOCA a few years ago, where I published a bibliography of Dash’s zines. It was a fun thing to do, because it’s odd that you’re actually working in the field of bibliography with handmade zines. I was a deep admirer of Phil [Aarons]‘s project with Mark Gonzales’ zines. I supplied him with as many Gonz’s zines as I could possibly find.

I work with Leo Fitzpatrick, and I’m close friends with Templeton… So I know a lot of the people who are the most famous people working in zines, but that, in turn, has led me to feverishly try to collect as many unfamous zines as possible, because I trained as a historian. As a historian, I don’t think that the Rolling Stones are very interesting, but I think ten thousand bands who wanted to sound like the Rolling Stones in 1965, their history, and who they were, are extremely interesting. Because I think that’s how history works.

I’m a great admirer of Edward Gibbon, who wrote The Decline and Fall of the Roman Empire, which I think is one of the most powerful books that you can read in a lifetime. What’s extraordinary about Gibbon, and what really changed the trajectory of how history is written, is that he saw that history is not only the kings, the presidents, the great battles, and the great texts; it’s also the chaotic myriad of everyday life narratives underneath that. That’s the most important takeaway that you can get from reading The Decline and Fall of the Roman Empire. I’ve always been a huge fan of the Italian micro history tradition of the 1970s and 1980s which, for some reason, completely fell out of favour, and nobody cares about it anymore in historian circles. As far as microhistory goes, say that in an archive, in a library, and you find three hundred interviews with nurses in Lyon in 1830 about what their lives were like, how they thought… You know what their experience was, and so forth. If you have something like that, you can apply your understanding of that to people who worked in a fish caning factory in Greenland in 1920. It was a similar setting because there’s so much commonality in all of this.

Obviously, who are we kidding here with this project? These zines are predominantly white middle-class. But the power of this publishing trajectory grows exponentially the more of these things that you see. Right now, I think that this is around three or four thousand zines. It has not been collected with any parameters of aesthetics, or any kind of quality of execution, or like big names versus small names… It has been collected with the idea of being a starting point. So, if this would exist in an institutional library, and if that institutional library would continue to build on this collection for ten-fifteen years, then I think you would have a narrative that would be truly meaningful for scholarly work. Because one of the most pretentious things about working from this perspective is that I’m not that worried about how we think about this five years from now. I’m very worried about how we’re gonna think about this in three hundred years. One of my big epiphanies, when it comes to this, is a personal interest of mine: radical thought during the English Civil War. I’m really interested in the Rump, the Levellers, and Christian anarchism in the 16th and 17th centuries. If I get a little smarter, I might write about that in this life. The reason that we know so much about that is that the librarians at the Bodleian at Oxford collected these broadsides, pamphlets, and tracts in real time. These publications were extremely critical of the King, of the clergy, of the government… There’s a famous tract—that of course exists at the Bodleian—that describes Oxford and Cambridge as the two eyes of the Great Whore of Babylon that have to be poked out. I am really interested in the library as a depository of radical thought, which I think is really important.

Do you think that this type of material says something about what contemporary art or the state of art are today, or do you see it only politically?

To me, it’s all about personal and collective politics. Art gets more and more complicated to think about as you get older. You are in your mid-20s now?

[Laughs] I’m 33.

Oh! You look young! So okay, you’re over that hump. So you are now slowly but steadily expanding on what you think art means in a society.

Maybe.

I really think that pop and impressionism have fucked shit up. Because I think that means that the wealthy consumerist dilettante can drive aesthetic narratives. And that’s why absolute crap like Richard Prince goes for millions or why funny crap like Andy Warhol goes familiar.

That’s what goes on Ivanka’s walls.

Until recently, I didn’t quite know about the super horrible term “wall power.” So fucked up. They talk about it in Los Angeles; that’s when your friends and neighbours come into your house and see the wall power—the artworks that you bought. That is just the merchant class and the bourgeoisie, who have actually hijacked the aesthetic experience. The guy who painted this is my buddy Ben Morea, who was one of the leading anarchists in New York in the 1960s. He quit painting because he was so disgusted by pop. One of the many wonderful things he did was shut down MoMA in 1966. He sent a letter to MoMA saying that he was going to shut down MoMA. MoMA completely freaked out. Eighty cops showed up with barricades and then went up to MoMA and put up a sign on the door that said “closed.”.

Art as a tool of communication… Yeah, fucking A, great. Art as something that we use to communicate identity is great, but the whole junior executive, wanting the corner office… I’m pretty fucking bored by people who are predominantly seeing it as a career. I loved every one of my artist friends who could pay the rent by being an artist. I think that’s absolutely great. But the gallery game—it’s creepy! There’s no way around it, and it also cheapens the visual experience as much as the smartphone does. I don’t know if that answers your question.

I think so. Thank you.

Good.

Paul Williams - FIAWOL!
Johan Kugelberg, *Paul Williams - FIAWOL!*, New York, Boo Hooray, 2013, 14,8 x 21 cm, offset & tampon, 16 pp, 120 exemplaires. Johan Kugelberg, *Paul Williams - FIAWOL!*, New York, Boo Hooray, 2013, 14,8 x 21 cm, offset & stamp, 16 pp, 120 copies.
Punk Graffiti Contest no. 17
Shaun Cassidy, *Punk Graffiti Contest no. 17*, New York, Boo Hooray, sans date, 14,8 x 21 cm, offset, 28 pp, 125 exemplaires. Shaun Cassidy, *Punk Graffiti Contest no. 17*, New York, Boo Hooray, no date, 14,8 x 21 cm, offset, 28 pp, 125 copies.
Welcome to boring world
Jon Savage, Johan Kugelberg and William Gibson, *Welcome to boring world*, New York, Boo Hooray, sans date, 14,8 x 21 cm, photocopie, 16 pp. Jon Savage, Johan Kugelberg and William Gibson, *Welcome to boring world*, New York, Boo Hooray, no date, 14,8 x 21 cm, photocopy, 16 pp.
Do-It-Yourself Berman
Boo-Hooray, *Do-It-Yourself Berman*, New York, Boo Hooray, 2013, 14,8 x 21 cm, photocopie, 12 pp, 100 exemplaires. Boo-Hooray, *Do-It-Yourself Berman*, New York, Boo Hooray, 2013, 14,8 x 21 cm, photocopy, 12 pp, 100 copies.
More profiles to study
Ed Templeton, *More profiles to study*, New York, Boo Hooray, 2015, 14,8 x 21 cm, offset, 28 pp, 100 exemplaires. Ed Templeton, *More profiles to study*, New York, Boo Hooray, 2015, 14,8 x 21 cm, offset, 28 pp, 100 copies.
Photographs by SPOT
Ed Templeton, *Photographs by SPOT*, Los Angeles, Deadbeat Club/Boo Hooray, 2014, 14,8 x 21 cm, serigraphie & offset, 36 pp, 500 exemplaires. Ed Templeton, *Photographs by SPOT*, Los Angeles, Deadbeat Club/Boo Hooray, 2014, 14,8 x 21 cm, silscreen & offset, 36 pp, 500 copies.
Vikadin and other pain killers
Ed Templeton, *Vikadin and other pain killers*, New York, Alleged Press/Genetic Bomb, 1998, 14,8 x 21 cm, offset, 32 pp. Ed Templeton, *Vikadin and other pain killers*, New York, Alleged Press/Genetic Bomb, 1998, 14,8 x 21 cm, offset, 32 pp.