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Sèvres,

le 24 janvier 2016

Tout le monde ne peut pas devenir un artiste professionnel, même en étudiant aux Beaux-Arts. La vie est imprévisible. Jean Recoura a étudié dans l’école d’art la plus réputée de France, l’École des Beaux-Arts de Paris. Après avoir travaillé pendant plusieurs années dans une équipe de forains dans des parcs d’attractions, il s’est retrouvé à occuper un emploi difficile dans une maison de retraite. Quand on lui en parle, il admet qu’aucune partie de son travail n’est drôle et que c’est le fait de dessiner et de peindre quand il rentre chez lui qui l’aide à faire face à la présence inévitable de la mort dans son travail quotidien. Il a toujours pris son environnement de travail comme sujet principal de ses œuvres, c’est pourquoi il a appelé son zine Vieux, car il y parle des personnes âgées de manière crue et sans détour.
Recoura est peintre, c’est pourquoi ses zines sont faits d’une accumulation de couches comme le sont habituellement les peintures. Il photocopie généralement ses dessins et ses peintures, puis peint les photocopies et les photocopie à nouveau. Donc, même s’il tire une centaine d’exemplaires d’un numéro de Vieux, chaque exemplaire qu’il assemble est unique, fait et peint à la main. Les dessins sont très bruts tout comme le sujet, ils sont généralement accompagnés de phrases entendues pendant la journée dans la maison de retraite.
Sur une note plus drôle, Recoura publie aussi Murge Mag, un zine composé de dessins réalisés avec des amis en étant vraiment bourrés. Il admet que la plupart d’entre eux n’ont aucun sens le lendemain, mais qu’ils peuvent être un moyen de se souvenir de ce qui s’est passé la veille. Si les dessins de Vieux sont grossiers, ceux de Murge Mag sont encore pires, parfois à la limite de l’abstraction.
Alors bonjour, Jean. Est-ce que tu peux commencer par te présenter ?

Oui, je m’appelle Jean Recoura.

Et … Tu peux nous en dire plus sur toi, s’il te plaît ?

Je fais des fanzines et dessine un peu tous les jours. Enfin, voilà quoi. Je mêle dessin et peinture.

D’accord, et qu’est-ce que c’est, tes fanzines ? Qu’est-ce qu’on peut trouver dedans ?

Euh, c’est Vieux. Il s’appelle Vieux, parce qu’on y trouve des dessins spontanés que je fais en rentrant du boulot. Et en fait…

Quel boulot ? Parce qu’il faut préciser !

Euh, oui ! Je suis agent de service hospitalier en gériatrie. En habitation, en hébergement pour personnes dépendantes, donc les EHPAD. Et du coup, comme ce n’était pas une activité « voulue », entre guillemets, j’ai été choisi. Je ne sais pas, par le hasard, quoi. Vous avez qu’à prendre mes fanzines pour avoir plus de connaissances là-dessus. Et du coup, voilà quoi. Et je me suis aussi intéressé à ce milieu-là, et c’est… Il y a les trois tonnes de dessins qui en sont sorties pour faire plus de fanzines. Je trouvais que le fanzine était le bon médium pour décrire cette situation, en fait. La situation de la personne âgée dans notre société.

Et comment tu travailles pour les fabriquer de manière pratique ?

Euh, je dessine, je fais des photocopies, je pose de la couleur au feutre, et après, je re-photocopie, je re-pose de la couleur au feutre, et ainsi de suite. Chaque exemplaire est unique, parce qu’à chaque fois, je modifie à peu près tous les dessins. Comme c’est une peinture qui avancerait, je peins à peu près de la même façon… Il y a un sujet, et ça revient par couches, comme une impression, en fait.

Ah oui, tu fais le fanzine comme tu ferais une toile par couches successives, et… en revenant chaque fois ?

En me disant, il faut retirer des trucs, en remettre. Voilà comment ils sont créés plastiquement. Mais le fond, c’est vraiment un dessin spontané, dans l’idée du dessin de presse, et pas une idée de beau ou pas beau. C’est vraiment du dessin de presse, du dessin d’humeur.

Oui. Oui, c’est ça, ouais.

Sinon, l’autre, c’est plus potache, c’est plus pour… ouais, comme ça. C’est Murge Mag, c’est une série de dessins que je fais avec un pote. On se bourre la gueule et on fait des dessins. C’est pas un truc que je vais faire dans la durée, parce que c’est un choix de vie, c’est un style de vie, et… C’est très physique, c’est très très dur à tenir dans le temps. Et cette proposition de vie ne m’intéresse pas forcément.

C’est un peu trop exigeant.

C’est trop exigeant, voilà. J’ai pas la force de Bukowski, j’ai pas envie de le devenir, c’est déjà fait, et … c’est énormément de travail, donc non. Ça me demande trop de volonté. Du coup, il y en a très peu. Voilà.

Et pourquoi tu fais ça ?

Pour passer le temps. Pour réduire l’attente, pour le plaisir. Pour passer le temps. C’est vrai !

Sèvres,

January 24th, 2016

Not everyone can become a professional artist, even if you study fine art. Life is unpredictable. Jean Recoura studied at the best art school in France, the École des Beaux-Arts de Paris. After working for several years as a carnival crew member in amusement parks, he ended up working a tough job in a retirement home. When you talk to him about it, he will admit that no part of his job is funny and that drawing and painting when he comes home is what helps him cope with the unavoidable presence of death in his daily job. He always took his work environment as a main subject for his art, that’s why he started a zine called Vieuxvieux is a pejorative way to talk about old people.
Recoura is a painter; therefore, his zines are made with an accumulation of layers, just like paintings are. He usually photocopies his drawings and paintings, then paints the photocopies and photocopies them again. So even if he makes around a hundred copies of an issue of Vieux, each copy he assembles is unique, handmade, and hand-painted. The drawings are very rough, just like the subject is, they are usually accompanied by sentences heard during the day in the retirement home.
On a funnier note, Recoura also publishes Murge Mag (Binge Mag), a zine composed of drawings made while being really wasted. He admits that most of them don’t make any sense the day after, but they might be a way to recall what happened the night before. If the drawings of Vieux are rough, the ones of Murge Mag are even worse, and sometimes close to abstraction.
Good morning, Jean. Can you start by introducing yourself?

Yes, my name is Jean Recoura.

And… Can you tell us more about yourself, please?

I make fanzines, and I draw a bit every day. Well, that’s it. Mixing drawing and painting.

Okay, and what are your fanzines? What can we find in them?

Uh, it’s Vieux. It’s called Vieux, because it’s a collection of spontaneous drawings that I do on my way home from work. And actually…

What work? Because you have to specify!

Er, yes! I’m a hospital service agent, and I work in geriatrics. In assisted living housing, they are called EHPAD. And so, as it wasn’t a “wanted” activity, I was chosen. I don’t know, by chance. You only have to look at my zines to find out more about it. And so, that’s it. And I also became interested in that milieu, and it’s… There are three tons of drawings that came out of it to make more fanzines. I thought that the fanzine was the right medium to describe this situation, in fact. The situation of the elderly in our society.

And how do you go about making them in a practical way?

Well, I draw, I make photocopies, I put some colour with a marker, and then I photocopy again, I add a bit of colour with a  marker, and so on. Each copy is unique because, each time, I modify almost all the drawings. It’s like an on-going painting; I paint very much in the same way. There’s a subject, but it comes back in layers, like a print, actually.

Oh yes, you make the fanzine like you paint a painting, layer by layer, by … coming back each time?

I told myself, “You have to take stuff out, put stuff back in.” That’s how they are created physically. But the background is really a spontaneous drawing,  always with the idea of press drawing, and not an idea of beautiful or not beautiful. It’s really press cartooning, drawings of my current mood.

Yes. Yes, that’s it, yeah.

Otherwise, the other one is more humorous; it’s more for… yeah, like that. It’s Murge Mag; it’s a series of drawings that I do with a friend. We get wasted and draw. It’s not something I’m going to do over time because it’s a lifestyle choice, it’s a lifestyle, and… It’s very physical; it’s very, very hard to hold on to over time. And I’m not necessarily interested in this life choice.

It’s a bit too demanding.

It’s too demanding; that’s it. I don’t have the strength of Bukowski; I don’t want to become him; he’s already done it; and… it’s a lot of work, so no. It requires too much willpower. So there are very few issues. So there you go.

And why do you do it?

To pass the time. To reduce the waiting time, for pleasure. To pass the time. That’s right!

Vieux
Jean Recoura, *Vieux #2*, Paris, Auto-édité, 2015, Photocopie peinte, édition ouverte. Jean Recoura, *Vieux #2*, Paris, Self-published, 2015, Painted Photocopy, open edition.
Murge
Jean Recoura, *Murge #1*, Paris, Auto-édité, 2015, Photocopie peinte, édition ouverte. Jean Recoura, *Murge #1*, Paris, Self-published, 2015, Painted Photocopy, open edition.
Murge
Jean Recoura, *Murge #2*, Paris, Auto-édité, 2015, Photocopie, édition ouverte. Jean Recoura, *Murge #2*, Paris, Self-published, 2015, Photocopy, open edition.
Vieux
Jean Recoura, *Vieux #X*, Paris, Auto-édité, 2016, Photocopie peinte, édition ouverte. Jean Recoura, *Vieux #X*, Paris, Self-published, 2016, Painted Photocopy, open edition.
Vieux
Jean Recoura, *Vieux #XXX*, Paris, Auto-édité, 2016, Photocopie peinte, édition ouverte. Jean Recoura, *Vieux #XXX*, Paris, Self-published, 2016, Painted Photocopy, open edition.