Munich,
le 12 juillet 2017
Ce sont des magazines indépendants des années 1970 et 1980, tous fabriqués à Munich. Pour pouvoir voir l’intérieur, j’ai fait un scan de chaque couverture et un échantillon de l’intérieur. Il y a beaucoup de zines de musique, certains étaient accompagnés d’une cassette audio, il y a aussi des magazines féministes…
Oui, ce sont des zines queer. Ils ne viennent pas de ma collection, ils viennent de la collection d’une archive à Munich.
Je m’appelle Hubert Kretschmer et je suis artiste, enseignant, éditeur et j’ai une collection de publications d’artistes depuis 40 ans à Munich. C’est une collection internationale avec des livres d’artistes, des magazines d’artistes, des CD, des fanzines, des autocollants, des affiches, tous types d’imprimés. Il y a aussi des vidéos, des cassettes, des cassettes de musique, des diapositives et quelques œuvres d’art.
L’accent est mis sur l’art contemporain. Quand j’ai commencé dans les années 1970, c’était l’art des années 1970 et l’art des années 1960, c’était contemporain, maintenant c’est historique ! [Rires] Mais je continue à collectionner, j’achète beaucoup de matériel imprimé dans le monde entier.
J’ai commencé par tout type d’imprimé, c’est-à-dire de beaucoup de choses différentes, livres, magazines, journaux, zines, tout.
Non.
Non, j’ai commencé par cette exposition en 1979 dans une galerie tenue par des artistes ici à Munich. J’avais passé un appel dans les magazines, les magazines d’art, et j’ai reçu tellement de choses en une seule fois. Je ne peux donc pas dire ce qui a été le premier.
C’est une nouvelle édition, c’est comme un petit magazine. Cela signifie « tant » ou « tant de ». L’idée est pluraliste, nous ne disons pas à l’artiste quoi faire. Nous recueillons seulement les idées et les artistes paient pour la production et nous le distribuons aux galeries et aux boutiques de musées. Nous le donnons gratuitement et chaque magazine a un numéro ISBN pour les librairies. Si une librairie le veut, elle doit payer trois euros, mais la plupart du temps, c’est gratuit. Si tu le trouves quelque part, c’est gratuit.
Les définitions ne m’intéressent pas vraiment. J’aime seulement faire des choses. Je fais ceci, et je ne sais pas ce que c’est. Est-ce que c’est un livre, est-ce que c’est un magazine, est-ce que c’est un zine ? Ça ne m’intéresse pas. Je le fais, je l’aime. Les gens l’aiment. On le distribue dans le monde entier et c’est ce que j’aime.
Ce sont des œuvres d’art. Parfois tu as de la poésie, parfois tu as de la théorie, comme des manifestes sur la peinture, parfois c’est un genre de catalogue d’une exposition ou d’une exposition vidéo ou d’une exposition de livres d’artistes, mais ce n’est pas de la littérature.
Oui, j’ai fait peut-être quatre ou cinq numéros. Mais nous avons fait beaucoup de numéros à plusieurs. Nous sommes un groupe So Viele Zondan, ça veut dire So Viele Special. C’est un groupe de quatre personnes qui ont fondé la Produktion Gallery à Munich en 1976 et on s’est retrouvés trente ans plus tard et on travaille ensemble. Nous sommes tous les quatre des peintres, mais nous ne travaillons qu’avec des mots. Notre travail se fait donc uniquement avec des mots et pas de peintures, car ça ne marche pas de peindre ensemble, mais on peut choisir les mots.
Ça doit être bon marché.
Donc 1000 exemplaires coûtent environ 150 euros. Donc ce n’est rien, tous les artistes peuvent payer ça. Ce qui m’intéresse, c’est de transporter les idées vers les gens, pas de faire un objet de valeur. Il est nécessaire de distribuer les idées. C’est l’idée pour moi.
Je dis que l’archive est vivante. C’est une archive vivante pour moi. Ça signifie que le matériel que j’ai dans les archives devrait aussi faire partie d’une conversation. Il faut que les gens se rencontrent et beaucoup de producteurs et de réalisateurs de magazines se sont rencontrés ici pour la première fois et se sont dit « Bonjour, qu’est-ce que tu fais ? », etc. Il y a eu une très bonne communication entre les gens ici et tous les nouveaux et jeunes peuvent voir ce qui a pu se passer dans une grande ville comme Munich où tu ne trouves plus ces magazines dans aucun magasin. Tu peux les trouver en dehors des circuits habituels, mais pas dans un magasin ordinaire.
Oui, ils s’intéressent aussi à l’histoire et ils ne savent pas ce qui s’est passé dans les années 1970 ou 1980. Ils n’en ont aucune idée et beaucoup de personnes âgées ont jeté leurs magazines et il est parfois très difficile de les retrouver. Tu peux trouver un magazine comme celui-ci [il montre une étagère], tous les étudiants de gauche le lisaient et tout le monde le jetait au bout d’une semaine ! [Rires]
C’est important de sauver les idées, de sauver l’histoire de ces idées d’artistes parce que les grands musées et les grandes bibliothèques n’ont pas ces documents. Tu ne peux pas les trouver en ville. Tu peux peut-être trouver deux ou trois numéros, donc je pense que ça fait partie de la culture, c’est un héritage, il est nécessaire de le sauver. Et ce n’est pas seulement pour moi, j’ai créé une base de données et chaque magazine peut être trouvé dans la base de données.
Il est difficile de trouver tout ça. Tu as des archives sociales, tu as des archives homosexuelles, et elles ne collectent que leurs choses. Les autres choses, tu ne peux pas les trouver. [Quelqu’un fait un grand bruit au fond de la salle].
J’ai demandé à l’Institut central d’histoire de l’art de Munich – c’est une bibliothèque très importante en Allemagne, car chaque étudiant en histoire de l’art doit y aller et faire des recherches – et ils n’avaient jamais entendu parler de ce type de publications comme ce que j’ai dans mes archives. J’ai donc contacté M. Hoyer, le directeur de la bibliothèque, et je lui ai dit : « Bonjour, j’ai une collection de documents que vous n’avez jamais vu et qui vous intéresse peut-être ? » Et il a répondu : « Oh, merveilleux ! » C’est ainsi que nous avons fait trois expositions avec des magazines d’artistes. La première, c’était de 1960 à 1965, la deuxième de 1965 à 1980 et la dernière après 1980 jusqu’à la fin des années 1980. Il y avait donc trois sections, trois catalogues qui ressemblent à un magazine. Je pense que l’écho à l’extérieur était formidable, mais à l’intérieur de l’institut : rien. Ils ont dit qu’il était fou, parce qu’ils s’intéressent aux livres de la Renaissance et du Moyen Âge ou aux livres du 19e siècle, mais pas à des trucs comme ça des années 1960 ou 1970, qu’ils n’ont jamais vus.
Le grand livre, c’est l’exposition. Parce que j’ai scanné chaque magazine, chaque numéro que j’ai montré dans les vitrines parce qu’ils sont très chers maintenant et ils sont très rares, donc tu ne peux pas laisser les gens regarder à l’intérieur. J’ai donc fait une copie de tous les magazines et j’ai fait un livre de 1600 pages. Tu peux consulter chaque magazine comme si c’était l’original. C’est donc mon idée : une exposition dans un livre, et je voyage avec cette exposition.
J’espère avoir assez de temps, d’argent et d’espace pour le faire encore dix ans.
Munich,
July 12th, 2017
Those are independent magazines from the 1970s and 1980s, all made in Munich. To have a chance to look inside, I made a copy of each cover and a sample from the inside. There’s a lot of music zines; some came with an audio cassette tape; there are also feminist magazines…
Yes, those are queer zines. They are not from my collection; they come from the collection of an archive in Munich.
I’m Hubert Kretschmer, and I’m an artist, I’m a teacher, I’m a publisher and I’ve had a collection of artists’ publications for 40 years in Munich. It is an international collection with artists’ books, artists’ magazines, CDs, fanzines, stickers, posters, and all printed materials. Also some videos, cassettes, music cassettes, diapositives, and some works of art.
The focus is on contemporary art. When I started in the seventies, it was the art of the seventies and the art of the sixties; it was contemporary; now it’s historic! [Laughs] But I’m still collecting; I buy many, many printed materials internationally.
I started with printed material from a lot of different sources: books, magazines, newspapers, zines, everything. There was this exhibition in 1979 in a gallery run by artists here in Munich.
No.
No, I started with the exhibition and made a call in the magazines, art magazines, and I got so much material in one go. So I cannot say what was the first.
It’s a new edition; it’s like a little magazine. It means “so much” or “so many.” The idea is pluralistic, so we don’t tell the artist what he should do. We only collect the ideas, the artists pay for the production, and we distribute them to galleries and museum shops. We give it for free, and every magazine has an ISBN number for the bookshops. If a bookshop wants it, they have to pay three euros, but most of the time, they are free. If you find it anywhere, it’s for free.
I’m not really interested in definitions. I only like to do things. I do this, and I do not know what it is. Is this a book? Is this a magazine? Is this a zine? I’m not interested. I make it, and I love it. People love it. We distribute it all over the world, and that’s what I like.
It’s artworks. Sometimes you have poetry, sometimes you have theory, like manifestos about painting; sometimes it’s a form of a catalogue of an exhibition, video exhibition, or artist book exhibition, but it is not literature.
Yes, I made maybe four or five issues. But many issues we made together. We are a group called So Viele Zondan, which means So Viele Special. This is a group of four people who were the founders of the Produktion gallery in Munich in 1976 and we met together thirty years later and we are working together. We four are all painters, but we only work with words. So our work is only with words and no paintings, because it doesn’t work to paint together, but we can choose the words.
It must be cheap.
So 1000 copies of this are about 150 euros. So it’s nothing; every artist can pay this. I’m interested in transporting the ideas to the people, not making them a worthy object. It’s necessary to distribute the ideas. This is the idea for me.
I say the archive is living. It’s a living archive for me. It means the material I have in the archive should also be part of a conversation. It’s necessary that people meet together, and many of the producers and makers of the magazines met here for the first time and were like, “Hello, and what are you doing?” and so on. There was very good communication between the people here, and all the new and young people can see what happened in a big city like Munich, where you can never find this magazine in any shop. It is like under the radar that you can find those, but not in a regular shop.
Yes, they are also interested in history, and they don’t know what happened in the 1970s or 1980s. They have no idea, and many of the old people threw the magazines away, and it’s very difficult to find them sometimes. You can find a magazine like this one [he points to a shelf]. Every left-wing student would read it, and everybody would throw it away after a week! [Laughs]
It’s important to save the ideas, to save the history of these ideas of artists, because the big museums and big libraries don’t have this material. You cannot find them in the city. Perhaps you can find two or three issues, so I think it’s a part of the culture, it’s a heritage, and it is necessary to save it. And it is not for me alone; I made a database, and every magazine you can find in the database.
It’s difficult to find the material. You have social archives; you have a homosexual archive; and they only collect their things. The other things you cannot find. [Someone makes a loud noise in the back of the room.]
I asked the Central Institute for Art History in Munich—it’s a very important library in Germany because every student in art history has to go there and do research—and they had never heard about this material like I have in my archive. So I got to Mr. Hoyer, the director of the library, and said, “Hello, I have a collection of material you have never seen, and maybe you’re interested in it?” and he said, “Oh, wonderful!” In this way, we made three exhibitions with artist magazines. The first one was from 1960 to 1965; the second one was from 1965 to 1980; and the last one was from 1980 to the end of the 1980s. So there were three sections, three catalogues that looked like magazines. The resonance from outside, I think, was great, but inside the institute, nothing. They said he’s crazy because they are interested in Renaissance and Middle Age books or in books of the 19th century, but not in stuff like this from the 1960s or 1970s that they’ve never seen.
The big one is the exhibition. I copied every magazine and every issue I have shown in the vitrines because they are very expensive now and they’re very rare, so you cannot give them a chance to look inside. So I made a copy of every magazine in total, and I made one book with 1600 pages. You can look in every magazine like the original. So this is my idea: it’s an exhibition in one book, and I travel with this exhibition.
I hope I have enough time, money, and space to do it for ten more years.