Dial House, Essex,
le 7 octobre 2017
Je ne sais pas ce qu’il en est ailleurs, mais au Royaume-Uni, les fanzines sont devenus un mouvement important au même moment que la création de Crass. Les gens venaient de loin pour voir Crass en tournée, apportant avec eux leurs fanzines, sachant que ce serait aussi un lieu pour échanger et partager leur travail et leurs idées. Nous encouragions les gens à créer un fanzine comme un lieu où ils pouvaient partager leurs intérêts et dire ce qu’ils avaient à dire. Ce n’était pas nécessaire d’être un artiste ou un écrivain, il suffisait d’écrire ce qu’on ressentait, ce qui nous intéressait. La variété et le nombre de fanzines produits étaient dingues. Certains fanzines sont devenus d’autres choses, imprimés tout en couleur. Certains étaient très personnels. D’autres étaient uniques, faits juste pour les membres de Crass. J’ai gardé ceux-là.
Un de nos amis, qui était très jeune à l’époque, avait créé un fanzine très différent de tous les autres, qui parlait de comment faire pousser de la nourriture. Il n’a jamais changé de sujet et son fanzine est finalement devenu un livre sur la façon de cultiver de la nourriture et d’être végétalien. Le livre se vend très bien. C’est intéressant de voir comment certaines personnes ont évolué depuis cette première tentative. Je pense que c’était une période de grand épanouissement pour les fanzines et pour les jeunes qui les ont créés.
On parle des années 70 et 80, à partir de 1976.
Oui, comme je l’ai dit, au fur et à mesure que Crass devenait plus populaire, les gens venaient aux concerts de tout le pays et ils venaient toujours avec leurs fanzines. Les créateurs de fanzines se rencontraient dans une atmosphère très amicale et solidaire. Ils échangeaient ou vendaient leurs fanzines, c’était très intéressant. À chaque concert ou tournée, on revenait avec des masses de fanzines que les gens nous donnaient.
Ils les produisaient de toutes les manières possibles. C’était avant l’ère numérique, certains étaient même pré-photocopie, certains écrits à la main, d’autres simplement en collage. Les premiers étaient imprimés à l’aide d’une Gestetner, c’est ce que nous avons également utilisé pour la première version de Reality Asylum. Puis soudain, la photocopie est arrivée et a complètement ouvert les possibilités. Avec la Xerox, on pouvait copier n’importe quoi, parce qu’on ne pouvait pas vraiment faire de bonnes images avec la Gestetner. De plus, la photocopie était bon marché. Ça a vraiment permis à toute la scène des fanzines de s’épanouir et d’être plus intéressante visuellement.
On en faisait pas. Les gens savaient qu’il y aurait toujours de nouveaux tracts faits par différents membres du groupe lors de nos concerts, mais on ne faisait pas de fanzines reliés en tant que tels. Ce qu’on faisait, c’était des tracts informatifs sur toutes sortes de choses, des sujets qui pouvaient aider les gens, comme « Quels sont vos droits si vous êtes arrêté par la police », « Comment faire du pain », « Informations sur les bombes nucléaires et l’énergie nucléaire » ou « Comment quitter l’armée une fois que vous vous êtes engagé ». On pouvait traiter de toute une série d’idées et de sujets. J’ai fait un manuel sur la façon de squatter, parce que c’est légal dans ce pays. Alors j’ai écrit sur la façon de le faire correctement, sans enfreindre la loi ou en être accusé. Chaque membre du groupe produisait quelque chose sur un sujet qui lui semblait important à l’époque. On en imprimait des tas et on les distribuait.
Pas des tracts ou un fanzine relié mais un journal. J’ai commencé International Anthem un peu avant Crass et j’en ai fait deux pendant la période de Crass. La première fois, c’était en 1978, à New York. J’avais gagné assez d’argent pour réaliser un rêve, celui de créer mon propre journal au format tabloïd. C’était une plateforme pour mon travail et celui d’amis dont je respectais le travail, Penny Rimbaud et Steve Ignorant ont contribué au premier numéro.
J’ai grandi à Dagenham, c’est une banlieue à l’est de Londres. C’était un lotissement construit pour loger les ouvriers de Ford. Tout le monde qui vivait dans ce lotissement travaillait juste en bas de la rue, soit pour Ford, soit pour Allied Trades. J’aimais cet endroit. Les gens avaient été déplacés du centre de Londres pendant la guerre où c’était dangereux et on leur avait donné un travail. Mes parents avaient déménagé, car ils vivaient près de la Tamise à Londres et ils avaient trois autres enfants. La maison du lotissement était minuscule, mais elle avait un jardin. Il me faut avoir un jardin ! Même à l’époque, j’avais besoin de mettre les mains dans la terre, ça c’est sûr ! C’était vraiment une communauté à Dagenham compte tenu des circonstances. La guerre s’était peut-être terminée l’année de ma naissance, mais les gens en souffraient encore et continueraient à en souffrir de manière concrète pendant encore 5 ou 6 ans, avec les carnets de rationnement, les terrains bombardés, etc. Les gens sortaient de la souffrance, de la perte d’êtres chers ; on pouvait le sentir dans l’air. Tout le monde dans le lotissement ne possédait rien, et comme toujours, quand on n’a rien, on partage, donc tout était partagé. C’était une véritable communauté pour moi ; je l’ai aimée et j’ai aimé y grandir. Les gens étaient gentils et attentionnés.
C’est différent maintenant. C’était un lotissement communal, tout le monde était plus ou moins au même niveau, mais Thatcher a commencé à vendre les lotissements, avec le « droit à l’achat », mais il n’y avait pas de remplacement par des logements sociaux. Les gens ont commencé à posséder leur propre terrain et à se sentir supérieurs à leur voisin. Si vous achetiez votre propre maison, ça signifiait que vous pouviez la peindre d’une autre couleur ou mettre une grande clôture si vous le vouliez. Je ne dis pas que les gens n’ont pas le droit de posséder leur propre maison, mais ça a définitivement changé la qualité du quartier de Dagenham que j’avais connue.
Oui, je suis allé à l’école d’art locale, c’est là que j’ai rencontré Penny Rimbaud. Il venait d’une famille très différente de la mienne. Mes parents étaient financièrement pauvres avec quatre enfants et Penny venait d’une famille financièrement riche. J’ai étudié la gravure, l’illustration et la peinture. Ce n’était pas vraiment une école des beaux-arts, même si nous avons réussi à la transformer en une école des beaux-arts à la fin. En tant qu’artiste, j’aime tout essayer et on avait l’occasion de tout essayer. Quand j’ai fréquenté cette école d’art, on passait cinq ans dans une école d’art, puis on continuait pendant trois ans au Royal College ou à Slade. J’ai commencé l’école d’art à 15 ans. Il y avait des cours sur de nombreux sujets liés aux arts : histoire de l’art, théorie des couleurs, héraldique, perspective, composition. La salle de vie était vraiment l’endroit le plus important pour moi où j’ai appris toutes ces matières, mais on avait d’autres ateliers : gravure, poterie, sculpture, textile et tu pouvais entrer librement et tout essayer. C’est comme ça que j’ai découvert la gravure, en particulier l’eau-forte. À l’époque, à l’école d’art, on apprenait vraiment un savoir-faire et ensuite, on avait la possibilité de le déconstruire. Comment peux-tu essayer de déconstruire quelque chose que tu ne connais pas vraiment ?
Je dois dire que le passage de l’enfant qui apprenait à tracer à ce que je fais maintenant s’est fait sans heurts. C’était et c’est toujours la façon dont je m’exprime le mieux. Avant l’effondrement des écoles d’art à la fin des années 60, le gouvernement vous payait pour aller à l’école d’art si vous étiez issu d’un milieu pauvre et le matériel était gratuit, sinon je n’aurais jamais pu y aller. C’est pas aujourd’hui qu’on verrait ça ! Dans l’atelier de gravure, si j’avais une idée et que je voulais travailler sur du cuivre, ils me donnaient simplement une plaque. Si je sortais de l’école aujourd’hui, issu de la même famille, je n’aurais aucun moyen d’aller dans une école d’art sans m’endetter.
Il n’y avait pas d’examens à mon école ; c’était une école de la classe ouvrière où l’on attendait de vous que vous alliez travailler dans les usines. Je n’avais que quelques travaux dans mon dossier lorsque j’ai demandé à entrer dans une école d’art et j’ai été acceptée, examens ou pas. Je pense que c’est encore possible aujourd’hui si votre dossier est bon, je l’espère en tout cas.
Oui, et j’ai postulé au Royal College of Art pour continuer pendant 3 ans. J’ai été présélectionnée et j’y suis allée pour un entretien et quelques cours. J’étais très jeune, je n’avais jamais vraiment été à Londres toute seule, et quand je vais dans un nouvel endroit, je veux juste être dehors et regarder autour de moi. J’ai donc passé la moitié de mon temps à me promener devant le Royal College et à ne pas faire ce que j’étais censée faire. En plus, j’étais vraiment déçue par l’organisation de ce qui était censé être une école très radicale dans les années 60. Je me souviens très bien être entré dans une pièce où il y avait une longue table avec mon travail étalé et tous ces gens assis là. J’étais une enfant de la classe ouvrière, je n’avais jamais parlé devant des gens, je pouvais à peine manger devant des étrangers à l’époque ! Et on attendait de moi que je réponde à des questions que je ne comprenais pas vraiment. Je n’avais rien à dire. Je n’ai pas été acceptée.
J’ai travaillé dans un centre d’art à Dagenham. Beaucoup d’écoles de la région n’avaient pas de salle d’art. Il y avait donc un lieu central où on amenait tous les enfants pour faire de l’art. À cette époque, j’avais beaucoup de trajet pour aller travailler, car j’avais déménagé à la campagne.
J’avais fait beaucoup d’illustrations commerciales pour divers éditeurs et magazines, mais c’était assez ennuyeux d’illustrer les idées de quelqu’un d’autre. J’ai décidé, pour diverses raisons, d’aller dans le ventre de la bête et d’essayer d’y travailler pendant un certain temps. J’ai eu beaucoup de chance : on m’a considérée comme une illustratrice politique et j’ai tout de suite trouvé du travail. Je ne voulais y aller que pour une courte période, mais j’ai fini par y vivre pendant deux ans. Je suis revenu lorsque mon travail devenait insupportable. J’avais du mal à laisser mes propres sentiments en dehors de l’illustration et du fait que Crass venait de se former. J’avais organisé des concerts pour eux à New York et quand ils sont partis, j’ai ressenti le besoin de retourner à la Dial House et de travailler à nouveau avec d’autres personnes.
Non, c’était Dave King, un ami de l’école d’art. Il ne l’a pas vraiment créé pour Crass. Penny Rimbaud lui avait demandé de dessiner quelque chose pour le livre Reality Asylum qu’il avait écrit. J’étais à New York à l’époque et Penny m’en avait envoyé un exemplaire. Pour une raison quelconque, lorsque Penny m’a écrit ensuite qu’il voulait monter un groupe, j’ai supposé que ce serait le logo et j’ai fait le lien avec Crass, et c’est resté. Je l’ai utilisé sur le premier numéro d’International Anthem en le peignant au pochoir sur la couverture.
C’était des peintures que je faisais, des gouaches. Au début, Crass n’était qu’un groupe de personnes qui se réunissaient pour faire de la musique et écrire des chansons. C’est surprenant que ça soit devenu si populaire. La force motrice, c’était vraiment les mots de Penny. Penny a toujours été un orfèvre des mots. D’autres personnes se sont rajoutées, Steve a écrit certaines des premières chansons, d’autres membres du groupe ont finalement contribué. Penny donnait un coup de main pour le graphisme, mais c’est à moi que revenait l’essentiel du travail d’illustration. Comme je n’aimais pas être sur scène, je faisais les illustrations, les films, les boucles sonores et l’éclairage lors des concerts. Et comme je le disais, tout le monde dans le groupe a contribué à la production de tracts.
Un concert typique de Crass était très multimédia. Il y avait des bannières suspendues à l’arrière de la scène, ce qu’aucun groupe n’avait fait auparavant. Puis il y avait deux grandes télés au-dessus des enceintes. Quand la vidéo est apparue, j’ai commencé à faire des vidéos. Avant cela, faire un film était beaucoup trop cher. Les deux écrans de télévision sur les haut-parleurs montraient la même vidéo que j’avais faite. Au-dessus de la scène, à l’avant, il y avait un écran sur lequel étaient projetés des films Super 8 réalisés par Mick Duffield. Sur la scène elle-même, il y avait deux autres téléviseurs, l’un montrant un film en boucle de Mick, et l’autre étant allumé sur tout ce qui pouvait passer à la télévision ce soir-là : publicités, Coronation Street, etc.
Ce que nous faisions sur scène était très provocateur. Comme on était beaucoup plus âgés que le punk moyen, c’était très important pour nous que les membres du groupe soient présents à la fin de chaque concert. On savait que ça pouvait être très intimidant pour les jeunes de voir tous ces gens habillés en noir sur scène, toutes ces bannières, cette surcharge de sons et d’images. On prévoyait toujours une heure après le concert pour s’asseoir avec le public et discuter s’ils en avaient besoin.
Naturellement, la scène a été conçue. Si on s’habillait en noir, c’est parce qu’on voulait apparaître comme un groupe et non comme des individus. Personne ne se distinguait. C’était important d’avoir ce moment sur scène, car c’était notre espace. L’idée était vraiment d’informer : montrer l’hypocrisie, montrer qu’on a le pouvoir de dire Non, montrer qu’on peut travailler ensemble, former une sorte de groupe où l’on pense à un intérêt commun et où on travaille ensemble. Il s’agissait davantage de partager des informations et des expériences. Avec le temps, le public a commencé à nous pousser à devenir un groupe de gourous qui leur dirait quoi faire ; ce n’est pas ce qu’on voulait et c’est l’une des raisons pour lesquelles on a arrêté. C’est devenu trop, c’est devenu « Qu’est-ce que Crass va dire ensuite ? » On allait arrêter en 1984 de toute façon parce qu’on pensait avoir dit ce qu’on voulait dans le temps imparti, le reste ne serait que répétition.
Tous les chiffres figurant sur les couvertures sont un compte à rebours vers 1984. Le numéro de catalogue de The Feeding of the 5000 était 521984, soit à cinq ans de 1984.
Oui, tout comme je pense que tout art est politique. On essayait de changer le monde avec des mots, de la musique et des images. On a essayé de changer les choses en affrontant l’hypocrisie, la douleur, le désespoir et l’avidité ressentis et vus autour de nous, en partageant nos expériences et les leçons que nous avons pu en tirer.
Aujourd’hui, ce qui m’intéresse, c’est plutôt de comprendre des choses plus proches de moi, comme la famille, que de changer le monde. La famille est le point de départ de tout ; c’est ce qui motive les gens, ce qui forme ce que nous devenons. La famille, l’église, l’État, l’école ont un effet sur chacun de nous. Il y a toujours quelque chose de plus que ce qui est proposé. De nombreuses personnes sont gravement blessées par la famille et ne parviennent jamais à en accepter les effets. La récente fusillade à Las Vegas est très intéressante. Ils disent qu’ils ne parviennent pas à trouver le motif, pourquoi un type voulait tuer autant de personnes. En regardant le passé du tueur, j’aurais pensé que c’était évident ? C’était le fils de l’homme le plus recherché d’Amérique, un meurtrier narcissique et cet enfant a grandi avec lui. Ça doit avoir une incidence sur le caractère de cet enfant, n’est-ce pas ? Je n’excuse pas ce qu’il a fait, bien sûr, mais il semble que tout remonte à sa petite enfance.
Oui, mais ça ne veut pas dire qu’on ne défendait pas nos droits. Il y avait des pacifistes extrêmes qui n’auraient jamais levé la main, mais je n’ai jamais été l’une d’entre eux. Je ne lèverais pas la main à moins que ce ne soit absolument, complètement la dernière option possible, une situation extrême. J’ai eu le privilège, le luxe d’être pacifiste, d’être végétalienne, d’être végétarienne, d’être comme je voulais. Mais dans certains pays, vous n’avez pas ce luxe, vous voulez juste de la nourriture, de quoi manger. Dans certains pays, vous n’avez pas le luxe de choisir qui vient frapper à votre porte pour faire disparaître votre famille. Ils viennent de toute façon.
Non. C’est une étiquette qui nous a été donnée. Alors on a fait avec. Si les gens me demandent personnellement ce que signifie l’anarchisme pour moi, je dirais que l’anarchisme consiste à tout renverser en soi. Ça doit d’abord venir de l’intérieur. Tout ce que tu crois, tout ce que tu penses savoir, tu dois le remettre en question, tout. Tu dois te demander : Est-ce que c’est quelque chose que je pense vraiment, ou est-ce quelque chose que mes parents ont pu croire, ou quelque chose que mon école m’a enfoncé dans la tête ? Il se peut que tu finisses par avoir le même raisonnement, mais tu peux aussi avoir le sentiment qu’il y a des choses avec lesquelles tu n’as jamais été à l’aise et que tu dois réinvestir ou repenser. En ce sens, je peux être considérée comme un anarchiste.
Ugh… Non, pas une directrice artistique, non !
Je n’attendais pas et n’attends rien de mon travail. Mon travail avec Crass est une petite partie de ma vie créative. Je ne fais pas ce que je n’ai pas envie de faire. Je ne peux pas. Je dois faire mon travail comme je pense que ça va fonctionner. Les membres du groupe me laissaient seule pour créer une image. Je recevais les chansons, l’idée du prochain album, on me donnait les paroles et je travaillais à ma façon. Je n’étais pas directeur artistique, aucun de nous n’était auteur-compositeur, mais tout le monde pouvait contribuer. C’était juste une capacité que j’avais et que je partageais avec tout le monde. Je ne faisais ni plus ni moins que les autres.
Tout le groupe vivait ici à la Dial House, il n’y avait donc pas d’artiste en résidence ; on a tous contribué et créé quelque chose. La Dial House est une maison pour la créativité, la vie est un art.
Après Crass, je me suis occupée de ma mère pendant les deux années suivantes. Quand j’ai recommencé à travailler, mes peintures étaient beaucoup plus grandes. Les pièces que j’avais réalisées pour Crass étaient très petites et je ne pouvais pas, je ne voulais plus faire un travail aussi fin. C’était 7 ou 8 ans de travail très intense avec Crass, je m’étais un peu épuisé et je devais me rassembler. Lorsqu’on revenait de tournée, je devais travailler sur l’image suivante et si je n’écrivais pas une chanson, je m’occupais des œuvres d’art et de diverses choses à la maison. Il ne semblait pas y avoir beaucoup d’espace pour se reposer. C’était mon choix et j’aimais tout faire, mais je devais me remettre sur pied après Crass. Après que Crass ait cessé de jouer, plusieurs membres du groupe ont dû s’occuper de parents vieillissants et, d’une certaine manière, la politique mondiale est devenue moins importante que la politique de nos propres familles. On voulait tous se rapprocher et s’occuper de nos parents.
Maintenant, je suis de nouveau au travail et je viens de faire refaire mon ancien atelier. J’ai fait appel à un ami qui l’a vraiment rendu imperméable à l’humidité, plus de rats ! Quand je préparais la récente exposition “Introspective” à Firstsite à Colchester, j’ai dû fouiller dans toutes mes affaires pour retrouver les originaux et un jour, j’ai ouvert un tiroir et un rat en est sorti ! Leur pisse a ruiné beaucoup de négatifs et j’ai pensé : « Trop, c’est trop ». J’ai économisé un peu d’argent et mon ami m’a fait un bel atelier, mais je n’ai pas encore eu l’occasion d’y travailler ! [Rires].
J’aime regarder mes anciennes œuvres de temps en temps. J’aime pouvoir organiser une exposition sans ennui. J’aime partager mon travail avec le public. Mes œuvres ne sont pas destinées aux collections privées.
Je ne voudrais pas séparer les enfants. Vendre l’un d’entre eux ne serait pas juste. Les Children Who Have Seen Too Much Too Soon, [Enfants qui ont vu trop de choses trop tôt]sont des peintures plutôt récentes qui font deux mètres de haut chacune. Lorsqu’elles sont toutes accrochées dans une salle d’exposition, elles ont une résonance extraordinaire, une présence exigeante. Je suis très fière d’elles. Je fais une peinture au maximum de mes capacités ; elles sont ostensiblement pour moi, pour que je puisse comprendre quelque chose qui est dans ma tête. Elles parlent de ce que je ressens et si je pense que j’ai réussi à capturer l’essence de ce que je ressens, j’aime partager le résultat. Je ne veux pas avoir à écrire à quelqu’un pour lui demander de me rendre mon propre tableau. Elles font partie de mon âme, et je ne veux pas vendre ça. Picasso disait : « Je ne suis pas un gaspilleur. J’ai ce que j’ai parce que je le garde et non parce que je l’économise. Pourquoi devrais-je jeter ce qui a eu la gentillesse d’arriver jusqu’à mes mains ? »
Je ne travaille pas pour les autres. Je viens d’abord et j’aime ensuite partager ce que j’ai fait. Ça ne me dérange pas que les gens puissent aimer ou non ce que je fais. Je dois travailler avec mon propre cœur et ce n’est que lentement que je comprends ce que j’ai fait, si j’ai de la chance. Je comprends rarement ce que je fais sur le moment.
En fait, je pense que mon travail est contemplatif. Certains de mes anciens travaux sont un exercice où l’image ne signifie qu’une seule chose, la même chose pour tous. Comme l’affiche Your Country Needs You. Elle ne peut pas se traduire autrement que par ce qu’elle est. Comme dans Still Life with Nude [Nature morte avec nu], chercher la victoire. Mais des œuvres comme Feeding of the 5000 et les Enfants sont ouvertes à l’interprétation, à la contemplation.
Par le biais de reproductions ou d’expositions, je n’ai de reproductions que des trucs évidents de Crass ; je n’ai que très peu de tirages du reste.
Évidemment, les posters de Crass se vendent mieux, mais ça permet à Existencil Press de publier d’autres œuvres de personnes moins connues. Nous venons de publier Out of Space de Pandora Vaughan, c’est un livre magnifique et on n’en a pas vendu beaucoup parce qu’il s’agit d’une artiste inconnue, mais ça ne me dérange pas, il est sorti maintenant, c’est le plus important.
Je ne peux rien y faire. Quand on m’écrit pour me prévenir de telle ou telle appropriation, je m’en fiche. Je ne peux pas les empêcher et ça ne me dérange pas. Ce qui m’énerve, c’est quand on abâtardit une de mes images. C’est agaçant et irrespectueux.
Ça ne me dérangeait pas du tout qu’ils utilisent cette image, c’est un travail qui existe dans le monde. Pour le Daily Mirror, le journal national britannique, c’était une autre histoire : il voulait utiliser l’image pour leur première page et je leur ai dit non. C’était pendant l’accrochage de l’exposition Introspective. Comme les gens de Firstsite m’incitaient à donner mon autorisation, j’ai reconsidéré la situation et j’ai dit oui, mais à deux conditions :
Ayant accepté, qu’a fait le journal ? Ils ont mis mon nom en première page et ils ont mis quelque chose sur Trump en haut de la première page. Je n’aurais pas du être étonnée !
Parce que cette image n’a jamais été à propos de moi, et la raison pour laquelle elle était utilisée non plus.
Non. Je préfère que les gens aient la politesse de demander. S’il n’y avait pas Internet, ce serait différent, mais aujourd’hui, tout est plus facile, il n’y a plus d’excuse. Tout mon travail est probablement en ligne maintenant et il n’y a aucun doute que des centaines de personnes le mettent sur des T-shirts, des chaussettes, des culottes, des cravates, tout ce qui leur passe par la tête.
Je remercie les gens qui me signalent quand ça arrive, mais j’ai une vie et je ne vais pas la passer à courir après les gens qui volent mon travail.
Il appartient à la culture populaire, c’est certain. Oh America était aussi très utilisé au moment du 11 septembre. Cette fois-là, c’était pour illustrer la douleur, la souffrance des gens. Aujourd’hui, on l’utilise pour exprimer la gêne et la honte d’avoir élu Trump. À quoi servira-t-elle la prochaine fois ? Peut-être qu’elle rit derrière ses mains, on ne sait pas.
Elle ne voulait pas dire grand-chose. Je l’ai faite pour illustrer un LP du groupe Tackhead en 1989. Le groupe avait déjà utilisé la Statue de la liberté auparavant. Quoi qu’il en soit, j’ai lu leurs paroles et « Oh God » m’est venu à l’esprit. En 1990, j’ai remanié l’image pour moi-même et pour un usage personnel.
Peut-être, mais Trump a raison quand il dit que le système américain est corrompu. Penses-tu vraiment qu’il y ait eu un politicien complètement honnête et ouvert dans une situation aussi puissante ? Je ne pense pas. Il est peut-être ignorant et arrogant, mais il a raison, ce sont tous des merdes à des degrés divers. Ces injures envers la Corée du Nord sont tellement puériles des deux côtés, et dangereuses aussi. Trump se comporte comme s’il dirigeait son entreprise, il ne comprend pas vraiment la position dans laquelle il est, c’est certain.
Je ne pense pas que le reste de l’Europe ait compris ce qu’elle a fait à ce pays spirituellement. Il faut être né ici pour comprendre. Elle a arraché l’âme de ce pays. Ce qu’elle a fait est impardonnable. Elle a privatisé les biens qui appartenaient au peuple et les répercussions ne sont pas finies.
En Italie, en Espagne ou en France, les choses comme les trains n’ont pas été privatisées. Ils fonctionnent pour les gens, pas pour le profit. Depuis Thatcher, les biens de ce pays n’ont cessé d’être vendus ; la poste et maintenant le service national de santé sont attaqués. Autrefois, tout le monde savait à qui s’adresser en cas de problème, qui était responsable, qui avait les informations nécessaires. Comment déprivatiser ce qui devrait appartenir au peuple ? Comment introduire un monde où les gens passent en premier, et non des profits énormes et incontrôlables ?
Oui, ça continue. Avant, tout n’était pas à propos de « moi », et le signe du succès n’était pas « l’argent ». Elle a renforcé beaucoup de ces enjeux égoïstes. Qui ne serait pas d’accord quand elle dit que « tout le monde a le droit de posséder sa propre maison » ? Beaucoup de jeunes gens ont investi pour acheter leur maison et en trois ou quatre ans, tout a explosé, les hypothèques valaient plus que les maisons, les gens ont perdu leur maison dans tout le pays, c’était fou. Ça a créé beaucoup de souffrance.
Les personnes et le jardin sont très importants pour moi. Le jardin est l’endroit où je pense, où les choses s’assemblent. C’est aussi important pour ma santé, je me sens bien quand je touche la terre. C’est aussi un endroit que j’aime partager avec les autres.
Quelque chose comme ça, oui. À l’origine, les historiens pensent que c’était un grenier à un étage. La maison est très humide. Dans la pièce d’à côté, le sol est abîmé après des années et des années de sauts d’enfants. On l’a arraché et un ami a posé un magnifique parquet en chêne. On devient très modernes.
Avec Penny, on a trouvé la maison en 1966, mais on ne l’a achetée que dans les années 80, on a dû se battre pour l’avoir. Crass a commencé dans les années 70 et on a tous vécu ensemble pendant la période Crass. [On monte un escalier étroit pour aller au premier étage où un petit vestibule ouvre sur 4 petites chambres. Le dernier étage est très en pente].
C’est la partie la plus ancienne. Tu peux voir les pièces originales en bois de chêne qui sont reliées ici et qui tiennent toute la maison. Il y a un autre escalier ici qui descend vers l’atelier d’impression. [On redescend l’escalier.] C’est une drôle de vieille maison… Et voici mon nouvel atelier dont je suis très fière. Je n’ai pas encore réussi à y aller pour travailler.
On ne sait pas vraiment. On ne lui a pas donné ce nom. Ça pourrait avoir un rapport avec la poste dont le siège s’appelait Dial House. Mais je ne sais pas vraiment. La Poste gérait la compagnie de téléphone avant que Thatcher ne la privatise et qu’elle ne devienne British Telecom. C’est une compagnie que tout le monde déteste et contre laquelle nous avons dû nous battre pour rester dans cette maison, car elle possédait la maison et le terrain.
Non, ça fait toujours partie de moi. Je m’intéresse à beaucoup de choses et j’aime les absorber et en retirer les parties dont je n’ai pas besoin, plutôt que de bloquer certains aspects dès le départ. Il m’arrive souvent de revenir sur un sujet et d’y poser un nouveau regard. Toutes ces choses font partie intégrante de moi, mais je ne me donnerais pas l’étiquette de bouddhiste, d’anarchiste ou de féministe, même si on me considère souvent comme féministe. Pour moi, il s’agit de la façon dont nous sommes tous liés, de la moralité et de la bonté que nous pouvons partager.
C’est comme ça que je vis, c’est une maison ouverte, les gens peuvent entrer et visiter, même si ce n’est pas toujours pratique. Parfois, la dernière chose que je veux, c’est une autre visite. Mais c’est ce qu’est cette maison, alors je prends une profonde respiration et je sais qu’une fois que je me serai assise avec notre nouveau visiteur et que j’aurai commencé à discuter, je vais apprendre quelque chose et rire. J’ai toujours vécu en communauté, mais j’aime aussi passer du temps seule. Je suis très à l’aise seule, Penny est pareil. Même s’il aime beaucoup parler, il peut parler pendant des heures. Je sature rapidement avec les mots, les idées et les choses et j’ai besoin de temps pour tout assimiler, donc je disparais généralement pendant un moment si une conversation s’éternise.
Il faut se regarder en face, car rien ne peut changer si on ne change pas soi-même. Ça ne sert à rien de pointer du doigt et de crier contre quelque chose quand, si tu te regardes, tu fais la même chose que ce que tu attaques. Tu dois regarder où se cachent ta douleur et tes malaises, où est la confusion, où sont les mensonges au fond de toi. Toi seul le sais et toi seul peux faire ce voyage. Je pense qu’il est vraiment important de chercher en soi, de voir ce qui t’empêche de vraiment t’envoler. Beaucoup de gens sont retenus par leur histoire, par leurs expériences. Parfois, avec de bonnes raisons, parce que leurs expériences ont été extrêmes, qu’ils aient été agressés dans leur enfance, qu’ils n’aient pas été aimés ou qu’ils aient vu des choses que personne ne devrait voir. C’est parfois douloureux de regarder en soi, mais je crois que c’est là que réside l’espoir pour l’avenir. C’est le sujet de ma série Les enfants qui ont vu trop de choses trop tôt. On peut le voir sur les visages.
Non, ce sont des enfants que j’ai vus.
Pas vraiment, j’aime regarder les gens. J’aime particulièrement trouver un petit café où je peux m’asseoir et regarder. En prenant le train pour Londres, j’avais l’impression que beaucoup d’enfants que je voyais étaient blessés en quelque sorte, que quelque chose leur était arrivé. Ce n’était pas nécessairement une expérience traumatisante en soi, mais ils avaient déjà perdu quelque chose d’innocent. Ça m’a fait réfléchir à la façon dont les enfants font face à la guerre, à la violence domestique, etc. J’avais rencontré des familles syriennes à Colchester, je leur ai demandé d’organiser un pop up café pendant l’exposition, ce qu’elles ont fait avec beaucoup de succès. Les enfants ont une grande capacité à surmonter des évènements extrêmes, mais certaines personnes ne réussissent pas. Je regarde les adultes qui souffrent encore, qui portent encore la douleur et qui n’arrivent pas à s’en défaire. Parfois, on ne connaît pas les détails, mais on sait qu’il y a quelque chose, dans les yeux en particulier ou dans la façon dont le langage corporel. J’enseigne le Tai chi, c’est intéressant de voir où les gens sont bloqués et c’est incroyable lorsque tu peux débloquer quelque chose chez une personne.
Il était très intéressant de préparer Introspective à FirstSite à Colchester, car c’était la plus grande exposition que j’avais jamais réalisée, couvrant une période allant des années 1960 jusqu’à 2016. C’était intéressant de voir le parcours, et comment tout cela était lié aux gens.
Ça traitait de la question difficile que pose le fait d’être humain, en quelque sorte. Tout était vraiment à propos des gens, du chaos que l’on crée pour nous-mêmes. Il n’y avait aucune peinture de fleurs, de jardins ou de paysages parce que je n’ai pas de problème avec ça, c’est parfait pour moi. Je pense aussi que les humains sont parfaits même s’ils ne le sont pas. Au fond, on est tous de très bonnes personnes, c’est ma croyance fondamentale et on doit essayer d’exploiter ça. J’ai rencontré des personnes dont la douleur, le mal est trop profond, qu’il est difficile, voire impossible, de le toucher. Vous regardez leur visage et vous savez que vous ne pourrez jamais les atteindre. Que faisons-nous les uns aux autres ?
Dial House, Essex,
October 7th, 2017
I am not sure about other places, but zines in the UK became a big movement right around the time when Crass was created. People would travel to see Crass on tour, bringing with them their fanzines, knowing it would also be a gathering place to exchange and share their work and ideas. We encouraged people to make a fanzine as a place where they could share their interests and just say what they wanted to say. You didn’t’ have to be an artist; you didn’t have to be a writer; just put down what you felt and what interested you. The variety and number of fanzines produced was amazing. Some of the fanzines went on to become something else, something full-colour. Some were very personal. Some were just one-offs, just for the members of Crass; those ones I kept.
A friend of ours, who was very young at the time, made a very different fanzine from everyone else; his was always about growing food. He has never changed his subject, and his fanzine finally became a book about how to grow food and be vegan. The book sells very well. It’s interesting to see how some of the individuals have moved on from that first effort. I think it was a big blossoming time for fanzines and for the young people who made them.
That would be the seventies and eighties, from 1976 onwards.
Yes, as I said, gradually, as Crass became more popular, people would come to the gigs from all over the country, and they would always come with their fanzines. So those fanzine makers got to know each other in a very friendly and supportive atmosphere. They would either exchange or sell their fanzines; it was very interesting. Every gig or every tour, we would come back with masses of fanzines that people would give us.
They were producing them in any way they could. That’s before the digital age; some of them were even before Xerox, some handwritten, and some just collaged. The early ones were printed using a Gestetner, which is what we did as well for the first Reality Asylum release. Then suddenly, the Xerox came along, and that completely opened up possibilities. With Xerox, you could copy anything, because you couldn’t really do images well with Gestetner. Plus, Xerox was cheap. It really made the whole fanzine scene blossom and become more visually interesting.
We didn’t. People would always know that there would be new handouts made by different members of the band at our gigs, but no actual bound fanzines as such. What we did were informative handouts about all sorts of things, subjects that could help people, from ‘What your rights would be if picked up by the police’. ‘How to make bread’, to ‘Information about nuclear bombs and nuclear power’. ‘How to get out of the army once you’ve signed up’. They would be about a whole range of ideas and topics. I did a handbook on how to squat because it is legal in this country, so I wrote about how to do it properly and not break the law or be accused of it. Every member of the band would go out and produce something on a subject that they thought was important at the time. We would print loads and hand them out.
Not handouts or a fanzine, but a newspaper. I started International Anthem slightly before Crass, and I did a couple within the period of Crass. The first one would be in 1978, in New York, when I’d earned enough money to pursue a dream, which was to create my own tabloid-format newspaper. It was a vehicle for my work, and friends whose work I respected, Penny Rimbaud and Steve Ignorant, contributed to the first issue.
I grew up in Dagenham, which is a suburb of East London. It was a housing estate built to house the workers for Ford’s Cars, everybody that lived on that estate worked just down the road, either for Ford or Allied Trades. I loved it there. People had been moved out of the centre of London during the war, where it was dangerous, and given a job. My parents had moved out as they lived near the river Thames in London, and they had three other children. The house on the estate was tiny, but it had a garden. You’ve got to have a garden! Even then, I needed to get my hands in the dirt, that’s for sure! It was very much a community in Dagenham, due to the circumstances. The war may have ended the year I was born, but people were still suffering from it and would continue to do so on a practical level for another 5–6 years, with ration books, bomb sites, etc. People were coming out of pain, out of loosing people; you could feel it in the air. Everybody on the estate had nothing, and as usual, when you have nothing, you share, so everything was shared. It was a real community for me; I loved it and enjoyed growing up there. People were kind and attentive.
It has changed now. It was a council estate, everyone on the same level more or less, but Thatcher started selling the estates off, ‘right to buy’ but no replacement council homes. People started owning their own council house and feeling superior to the next neighbour. If you bought your own house, it meant you could paint it a different colour or put up a big fence if you wanted. I’m not saying that people don’t have the right to own their own houses, but it definitely changed the quality and community of Dagenham that I had known.
Yes, I went to the local art school; that’s where I met Penny Rimbaud. He came from a very different family than mine. My parents were financially poor with four children, and Penny came from the financially rich. I studied printmaking, illustration, and painting. It wasn’t really a fine art school, even if we did manage to turn it into one in the end. As an artist, I like to try everything, and the opportunity to try everything was on offer. When I went to art school, you went for five years in one art school and then continued for another three at the Royal College or Slade. I started art school at 15. There were lessons in many subjects related to the arts: art history, colour theory, heraldry, perspective, and typesetting. The life room, which was really the most important place of all for me, taught me all those subjects, but we had other departments: printmaking, pottery, sculpture, and textiles, and you could walk in and out and try everything. That’s how I really discovered printmaking, especially etching. You really learned your trade at art school then, and by doing so, you had the opportunity to destroy it after. How can you attempt to destroy something that you don’t really know about?
I have to say the journey between the child making marks and what I do now was seamless. It was and still is the way I best express myself. Before the breakup of art schools in the late 1960s, the government used to pay you to go to art school if you were from a poor background, and materials were free; otherwise, I would never have been able to attend. That’s unheard of now! In the etching room, if I had an idea and wanted to work on copper, they would just give me a piece. If I were that young person leaving school now from the same family, there would be no way I could go to art school without incurring a financial weight around my neck.
There were no exams at my school; it was a working-class school where you were expected to go to work in the factories. I only had my folio of work when I applied to go to art school, and I was accepted, exams or no exams. I think that is still possible now if your folio is good, and I certainly hope so.
I did, and I applied to the Royal College of Art to continue for another 3 years. I got shortlisted and had to go for an interview and classes. I was very young; I had never really been to London on my own, and when I go somewhere new, I only want to get out and look around me. So I spent half of my time walking around outside the Royal College and not doing what I was supposed to do. Plus, I was really disappointed with the whole set-up of what was said to be a very radical school in the 1960s. I can clearly remember walking into a room where there was a long table with my work laid out and all these people sitting there. I was a working-class kid; I had never spoken in front of people, and I could hardly eat in front of strangers at the time! And I was expected to answer questions I didn’t really understand. I had nothing to say. I didn’t get in.
I worked in an art centre in Dagenham. A lot of schools in that area didn’t have an art room. So there was a central place where all the children would be brought to do some art. By this time, I was travelling to work as I had moved out into the countryside.
I had been doing a lot of commercial illustration work for various publishers and magazines, but it was pretty boring illustrating someone else’s ideas. I decided, for various reasons, I’d go to the belly of the beast and try working there for a while. I was very lucky; I was seen as a political illustrator and picked up work straight away. I had only meant to go for a short time but ended up living there for two years. I came back when my work was becoming unacceptable. I found it hard to leave my own feelings out of the illustration and the fact that crass had just formed. I’d booked gigs for them in NYC, and when they left, I felt the need to return home to Dial House and work with others again.
No, it was Dave King, a friend from art school. He didn’t actually create it for Crass. Penny Rimbaud had asked him to design something for a book he had written, Reality Asylum. I was in New York at the time, and Penny had sent me a copy. For some reason, when Penny next wrote about getting a band together, I just assumed that was going to be the logo and connected it with Crass, and it stuck. I used it on the first International Anthem by stencilling it on the front cover.
They were paintings that I made, gouaches. In the beginning, Crass was just a group of people getting together, just making music and writing songs. It was a surprise that it became so popular. The driving force was really Penny’s words. Penny has always been a wordsmith. Other people joined in on that; Steve wrote some of the first songs, and other members of the band eventually contributed. Penny would help with the graphics, but basically, the illustration work would come my way. As I didn’t like to be on stage, I would do the artwork, make the films and sound loops, and do the lighting at a gig. As I said earlier, everyone in the band contributed to producing handouts.
A typical Crass stage was very multi-media. There would be banners hanging across the back of the stage, something bands hadn’t done before. Then there would be two big TVs on top of the speakers. When video came out, I began making videos. Before that, making a film was way too expensive. The two TV screens on the speakers would be showing the same video I’d made. Then above the stage, in the front, would be a screen with super-8 films made by Mick Duffield. On the stage itself would be two other TVs, one showing a loop film by Mick, and the other one turned onto anything that might be showing on TV that night: adverts, Coronation Street, etc.
What we did on stage was very confrontational. Being much older than the average punk, it was very important to us that the band members were around at the end of every gig. We knew it could be very intimidating for young kids to see all these people dressed in black on stage, all the banners, and an overload of sound and images. We always allowed an hour after the show to sit with the audience and talk if they needed to.
Naturally, the stage was designed. The dressing in black was because we wanted to appear as a group and not as individuals. Nobody stood out. It was important to have that moment on stage because that was our space. The idea was really about information: pointing out the hypocrisy, pointing out that you actually have the power to say no, showing that you can work together, form some sort of group where you think your interests lie, and working together. It was more about sharing information and experience. In time, people started pushing us into a guru-like band that was going to tell them what to do next; it wasn’t something we wanted and was one of the reasons we stopped. It got too much; it became about ‘what is Crass going to say next?’ We were going to stop in 1984 anyway because we felt that we could say what we wanted to say in the time given; the rest would be repeat.
All the numbers on the covers are a countdown to 1984. The Feeding of the 5000’s catalogue number was 521984; five years to 1984.
As I think all art is political, yes. It was us trying to change the world with words, music, and imagery. We tried to change things by turning and confronting the hypocrisy, pain, despair, and greed felt and seen around us by sharing our experiences and any lessons that we might have learned.
Now I’m much more interested in understanding things closer to home, like the family, than trying to change the world. The family is where everything begins; it is what drives people, forms who we evolve into. We are all affected by the family, church, state, and school. There is always something more than what is offered. Many people are severely injured by their families and never come to terms with their affects. The recent shooting in Las Vegas is very interesting; they say they can’t find the motive for why a guy wanted to kill so many people. Looking at the killer’s background, I would have thought it was obvious? He was the son of the most wanted man in America, apparently a narcissistic murderer, and this child grew up with this. That has to have some bearing on the character of this child, doesn’t it? I am not excusing what he did, of course, but it seems to go back to his early childhood again.
Yes, there was, but that didn’t’ mean you didn’t stand up for your rights. There were extreme pacifists that would never raise a fist, but I’ve never been one of them. I wouldn’t raise my fist unless it was absolutely, utterly the last straw—an extreme situation. I’ve had the privilege and the luxury to be pacifist, to be vegan, to be vegetarian, to be any way I liked. But in some countries, you don’t have that luxury; you just want food to eat. In some countries, you don’t have the luxury to pick and choose who comes knocking on your door to ‘disappear’ your family, they just do.
No. It was a label that was given to us. So we sort of ran with it. If people ask me personally what anarchism means to me, I would say that anarchism is about turning everything upside down in yourself. It has to come from within first. Everything that you believe, you think you know, you have to question again, everything. You have to ask yourself: Is that something that I really think, or is that something that my parents might have believed, or something that my school shoved down my throat? You might end up with the same reasoning, but you might also feel that there are things that you have never been comfortable with and that you need to reinvestigate or rethink. In that sense, I can be considered an anarchist.
Ugh… No, not an art director, No!
I didn’t, and I don’t expect anything concerning my work. My work with crass is a small part of my creative life. I don’t do what I don’t want to do. I can’t. In my work, I have to do it as I think it works. The band members would leave me alone to create an image. I would get the songs and the idea for the next album; I would be given the lyrics and work it out my way. I wasn’t an art director; none of us were songwriters, but everybody could contribute. It was just an ability that I had, and I just shared it with everybody. I wasn’t doing more or less than anybody else.
The whole band lived here at Dial House, so there was no artist in residence; we all contributed and created something. Dial House is a house of creativity; life is an art.
After Crass, I concentrated on caring for my mum for the next two years. When I started working again, my paintings were a lot bigger. The pieces I did for Crass were very small, and I couldn’t. I didn’t want to do such fine work like that anymore. It was 7 or 8 years of really intense work with Crass. I had worn myself out a little bit, and I had to get myself back together again. When we would return from a tour, I would have to work on the next image, and if I wasn’t writing a song, I was doing the artworks and various other things around the house, there didn’t seem much space to rest. It was my choice, and I enjoyed doing everything, but I had to get myself right after Crass. After Crass stopped playing, several members of the band needed to deal with ageing parents, and somehow dealing with the politics of the world became less important than dealing with the politics of our own families. We all wanted to be close and look after our parents.
Now I’m back working and just had my old studio redecorated. I had a friend over, and he really made it damp-proof—no rats! When I was preparing for the recent ‘Introspective’ exhibition at Firstsite in Colchester, I had to go through all my stuff to find originals, and one day I opened a drawer and a rat jumped out! They pissed on and ruined a lot of negatives, and I thought, “Enough is enough.” I saved some money, and my friend made me a lovely new studio, but I haven’t had a chance to work in it yet! [Laughs].
I like to look at my old artwork now and again. I like to put on a show with no fuss. I like to share my work with the public. My work is not for private collections.
I wouldn’t like to split the children up. To sell one of them wouldn’t be right. Children Who Have Seen Too Much Too Soon are newish paintings each seven feet high. When they are all hung in one gallery room, they have an extraordinary resonance, a demanding presence. I am very proud of them. I do a painting to the best of my ability; ostensibly, they are for me, for me to understand something that is in my head. They are about what I am feeling, and if I think that I have managed to capture the essence of whatever that is, I like to share the result. I don’t want to have to write someone to ask to borrow my own picture back. They are a part of my soul, and I don’t want to sell that. Picasso said, “I am not a squanderer. I have what I have because I keep it, not because I save it. Why should I throw away that which was kind enough to reach my hands?”
I don’t work for other people. I come first, and then I like to share what I have done. It doesn’t bother me that people might like what I do or not. I have to work from my own heart, and only slowly do I understand what I have done if I’m lucky. I rarely understand what I am doing at the time.
Actually, I think my work is contemplative. Some of the old work is an exercise in the image, meaning only one thing, the same thing to all people. Like the poster, *Your Country Needs You *. It can’t be translated any other way than what it is. Same as Still Life with Nude, dig for victory. But with work like Feeding of the 5000 and the Children, they are open to interpretation and contemplation.
Through reproductions or a show, I only have reproductions of the obvious Crass stuff; I have very few prints of anything else.
Obviously, the Crass prints sell the best, but this enables Existencil Press to publish other works by lesser-known people. We just published Out of Space by Pandora Vaughan; it’s a beautiful piece of work, and we haven’t sold very many because it’s by an unknown artist, but that doesn’t bother me; it’s out there now, which is more important.
There’s nothing I can do about it. When people write, warning me about this or that appropriation, I just don’t care. I can’t stop it; it doesn’t upset me. What does annoy me is when people bastardise one of my images, which is annoying and disrespectful.
I really didn’t mind the image being used; that’s work that is out there. The Daily Mirror, a national newspaper here in the UK, was a different story, as they wanted to use the image for their front page, and I said that they couldn’t. It was during the hanging of the Introspective exhibition. As people at the gallery were urging me to give permission, I reconsidered and said yes, but on two conditions:
I don’t want my name credited.
It has to be the only thing on the front page.
Having agreed, what did the newspaper do? They put my name on the front page, and they put something about Trump on the top of the front page. Why should I have been surprised!
Because this image was never about me, nor was the reason it was being used.
No. I prefer if people have the manners to ask. If we didn’t have the Internet it would be different, but now everything is easier, so there is no excuse. All of my work is probably online now, and no doubt there are hundreds of people putting it on t-shirts, socks, knickers, ties, whatever they can think of.
I thank people for letting me know when that happens, but I have got a life and I won’t spend it chasing people who run with my work.
It belongs to popular culture, that’s for sure. Oh America was also used a lot for 9/11 too. That time, it was to illustrate the pain and suffering of people. This time, it was used to express embarrassment and shame for electing Trump. What is it going to be used for next time? She could be laughing behind her hands, for all you know.
It didn’t mean much. I did it to illustrate an LP for the band Tackhead in 1989; the group had used the Liberty theme before. Anyway, I read their words, and ‘Oh God’ came into my mind. I reworked the image in 1990 for my own satisfaction and use.
Maybe Trump is right when he says that the American system is corrupt. Do you really think there has been a completely honest and open politician in such a powerful position? I don’t think so. He may be ignorant and arrogant, but he is right; they are all shits in various degrees. This name-calling with North Korea is just so childish on both sides—dangerously so. Trump seems to think he is running his company; he doesn’t quite understand his position, that’s for sure.
I don’t think the rest of Europe understands what she did to this country spiritually. You would have to be born here to understand. She ripped out the soul of this country. What she did was unforgivable. She privatised the assets that belonged to the people, and the repercussions are still being dealt with.
In Italy, Spain, or France, things have not been privatised, like the trains, which are run for the people, not for profit. Since Thatcher, it has been a continuous sell-off of this country’s assets; the post office, now the National Health Service, is being attacked. Once, everybody would know where to go if they had a problem, who was responsible, and who had the information you needed. How do you unprivatize what should belong to the people?
How do you introduce a world where people come first, not enormous, out-of-control profit?
It did and continues to do so. Before, it wasn’t about ‘me,’ and the sign of success wasn’t ‘money.’ She forced a lot of those selfish issues. Who would disagree when she said that ‘Everybody had the right to own their own home?’ So a lot of young people put their money into buying their first home, and in about three or four years, up went everything, mortgages were worth more than the houses, and people lost their homes all over the country. It was insane. People suffered a lot.
People and the garden are very important to me. The garden is where I think, where things come together. It’s also important for my health, I just feel good when I am touching the earth. It is also a place I love to share with others.
Something like that, yes. Originally, historians think it was a single story granary. The house is very damp. In the next room, the floor has gone through, after years and years of kids jumping up and down. We ripped it out, and a friend laid a beautiful oak floor. We are getting ‘très moderne’.
Penny and I found the house in 1966, but we only bought it in the eighties; we had to fight for it. Crass came along in the seventies, and we all lived here together during the Crass period. [We climb a narrow staircase to go to the first floor, where a small vestibule opens to four small bedrooms. The top floor is really sloping.]
This is the oldest part. You can see the original pieces of oak wood that connect here and hold the entire house. There is another staircase here that goes down to the print room. [We go back to the ground floor.] It’s a funny old house. And here is my new studio, which I am very proud of. I’m still trying to get in there to work.
We don’t really know. We didn’t name it. It could have to do with the post office, whose head office was called Dial House. But I don’t really know. The post office used to run the phone company before Thatcher privatised it, and it became British Telecom, a company that everybody hates and who we had to fight to stay in the house, as they owned the house and land.
No, it’s all part of me still. I’m interested in a lot of things, and I like to take things in and squeeze out the bits I don’t need, rather than block things from the start. Many times, I might go back to a subject and look again. All of these things are an integrant part of me, but I wouldn’t give myself the label of a Buddhist, an anarchist, or a feminist, even if people often call me a feminist. For me, it is about how we are all interlinked, the morality and kindness we might be able to share.
This is how I live my life; this is an open house, people can come in and visit, even though it is not always convenient. Sometimes the last thing I want is another visitor. But this is what this house is, so I take a deep breath and know that once I sit down with our new visitor and start chatting, I’ll learn something and have a laugh. I have always lived communally, but I also love time on my own. I am very comfortable on my own; Penny is the same; even though he likes talking a lot, he can talk for hours. I quickly get filled up with words, ideas, and things and need time to process everything, so I usually disappear for a while if a talk goes on for a long time.
You have to look at yourself, because nothing else can change unless you do. It’s no good pointing a finger and shouting at something when, if you look at yourself, you are doing the very thing you are attacking. You have to look at where your pain and discomforts hide, where the confusion is, and where are the lies you sense within. Only you know and only you can make that journey. I think it’s really important to seek within to see what is stopping you from really flying. A lot of people are tied down by their histories and their experiences. Sometimes with good reasons because their experiences have been SO extreme, whether they have been molested as children, been unloved, or seen things no one should see. It’s a painful journey sometimes to look within, but I do believe that’s where the hope for the future lies. That’s what my series Children Who Have Seen Too Much Too Soon is about. You can see it written on the faces.
No, they are children I have seen.
Not really; I like watching people. I especially like finding a little café where I can sit and watch. Taking the train up and down to London, I felt that so many of the children I saw were somehow injured and that something had happened to them. It may not have been a traumatic experience per se, but there was already something innocent being lost. It set me thinking about how children cope with war, domestic violence, etc. I’d met with Syrian families in Colchester; I had asked them to run a pop-up cafe during the exhibition, which they did with great success. There was one child who came and for whom it seemed locked up inside. God knows what he had seen and what he had been scarred by. Children have a great capacity to overcome extreme stuff, but some people don’t. I look at grown-up people who are still suffering; they are still carrying the pain and are unable to shake it off. Sometimes, you don’t know what the particulars are, but you know there is something, especially in the eyes or in the way the body is held. I teach Tai Chi, and it is interesting to see where people are blocked and incredible when you can unlock something in that person.
It was very interesting to prepare Introspective at FirstSite in Colchester because it was the biggest show I had ever done, covering a span from the 1960s until 2016. It was interesting to see the journey and how all of it was about people.
It was all about the predicament of being human, I suppose. Everything was really about people, about the mess that we get ourselves into. There weren’t any paintings of flowers, gardens, or landscapes because I don’t have a problem with that; it’s all perfect to me. I also think humans are perfect even though they are not. Inside, we are all really good people; that’s my basic belief, and we have to try and tap into that. I have met people whose pain and hurt are so deep that it is difficult if not impossible to touch. You look at their faces and know that you could never reach them. What do we do to each other?