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Tokyo,

le 22 juin 2016

Futoshi Miyagi est un gars plutôt silencieux, ce qui n’est pas le genre facile à interviewer. Ce jour-là, il travaillait à Utrecht, une librairie spécialisée de longue date dans les publications d’artistes à Tokyo. La boutique a une atmosphère géniale, située au deuxième étage d’une rue tranquille entre les quartiers branchés et animés de Shibuya et Harajuku. La zone proche de l’entrée est un espace d’exposition avec une table et un mur faisant face à une grande fenêtre. De l’autre côté de cette zone, face à l’entrée, on trouvera Futoshi, ou la personne qui travaille ce jour-là, assis derrière une énorme caisse de transport pour les œuvres d’art. Ils l’utilisent comme comptoir depuis que la galerie Gagosian l’a abandonnée après la Tokyo Art Book Fair. Le reste de l’espace est rempli de superbes livres d’artistes et de zines du Japon et de publications qu’ils importent pour le public japonais.
Bonjour Futoshi. Peux-tu commencer par te présenter ?

Bien sûr, je m’appelle Futoshi Miyagi, je suis artiste, je travaille aussi dans cette librairie d’art appelée Utrecht. Je suis également membre de l’équipe de la Tokyo Art Book Fair.

Peux-tu nous parler de tes zines et de ce que nous pouvons y trouver ?

Celui-ci s’appelle Ossu. J’ai fait Ossu avec mes amis à Tokyo. Nous sommes trois, Eiko Mori, Kotori Kawashima et moi, et nous invitons aussi des personnes à contribuer à ce zine. Nous en avons fait trois, mais nous espérons en faire un autre cette année.

Alors, c’est irrégulier ? Quand vous avez assez de matériel ou de temps. Tu peux nous parler de ce numéro ?

Absolument, c’est le premier que nous avons fait en 2011. C’est une sorte de zine queer sur la représentation de la sexualité masculine au Japon. Certaines des images sont des dessins, mais la plupart sont des photographies d’hommes japonais.

Il y a donc une forte part autobiographique dans votre travail ?

Je suppose que ça apparait seulement dans ma partie. J’ai toujours du texte et des images. C’est un peu comme un journal intime, mais c’est aussi une fiction.

Donc ce n’est pas entièrement vrai !

Une partie l’est.

Tu changes l’histoire, tu remixes tes sentiments du moment et tu les transformes en quelque chose d’autre ?

C’est une autre contribution que j’ai faite pour le 3e numéro. C’est une partie du projet American Boyfriend que j’ai commencé en 2012. Je viens d’Okinawa, la partie la plus au Sud du Japon. Il y a beaucoup de bases américaines là-bas et elles causent beaucoup de problèmes. Beaucoup de gens veulent que les bases disparaissent. J’ai grandi là-bas, mais j’étais en quelque sorte amoureux de la culture américaine, alors je suis allé en Amérique pour y étudier pendant cinq ans. Je suis revenu au Japon et le problème continuait et j’ai commencé à me demander pourquoi j’aime tant l’Amérique alors qu’ils font de mauvaises choses à Okinawa. J’ai commencé à enquêter sur l’histoire d’Okinawa après-guerre et aussi sur la représentation de l’homosexualité à Okinawa. Comment ils ont même souffert dans le contexte de l’après-guerre. Je pense que la présence de l’armée, qui est très masculine, a peut-être contribué au fait qu’il n’y a pas d’histoire sur les relations entre hommes.

C’est donc l’histoire d’un fantasme, de sentiments contradictoires et aussi de nationalisme en quelque sorte ? Question stupide : Quand tu étais aux États-Unis, as-tu eu un vrai petit ami américain ?

[Il sourit]

Et comment était-ce d’aller là-bas, après tout ce fantasme que tu as eu pendant ton enfance ?

Je veux dire qu’au début, il était difficile de s’adapter à la culture. Au final, j’ai vraiment apprécié d’être là-bas.

Peux-tu nous parler de ton autre publication ?

Il s’agit essentiellement d’une compilation de mon travail depuis 2007 jusqu’en 2012. Toutes les images sont accompagnées d’un texte. Parfois elles sont reliées, parfois non. C’est un peu mon autobiographie, en quelque sorte.

Et Futoshi, pourquoi fais-tu ces publications ?

Comme pour Ossu, nous avons travaillé à ça, car on ne voyait pas beaucoup de zines queer ici au Japon. Nous voulions donc en sortir un. Et c’est vraiment amusant.

Est-ce que c’est en quelque sorte de l’activisme ?

Plutôt comme une déclaration, peut-être.

Comment l’homosexualité est-elle considérée au Japon ?

Ce n’est pas si ouvert que ça. Je dirais que les choses s’améliorent, mais c’est toujours difficile.

Est-ce que publier ce genre de zine serait considéré comme audacieux ? C’est au moins inhabituel ?

Je suppose que oui. De plus, ce n’est pas comme si c’était sérieux à l’intérieur, les gens les apprécient vraiment.

Maintenant que j’y pense, il y a déjà toute une histoire de représentation homosexuelle dans les mangas Yayoi, mais cela n’a rien à voir avec l’homosexualité réelle ?

C’est une question difficile. J’aime bien certains d’entre eux.

Mais beaucoup d’entre eux doivent être pleins de clichés ?

Des clichés et des fantasmes.

Peux-tu nous en dire un peu plus sur cet endroit [la librairie d’Utrecht] ?

Nous sommes une librairie à Tokyo, à Shibuya. Nous avons emménagé ici en 2014, nous étions à Minami Aoyama avant cela et à Nakameguro avant. Nous avons donc beaucoup déménagé.

C’est pour cela que le comptoir est une caisse ?

Elle a été laissée par un éditeur américain après la Tokyo Art Book Fair.

C’est un super comptoir. Je dois le filmer.

Il vient de Gagosian.

Wow, merci Larry ! Et de l’autre côté, c’est le reste de la boutique avec une exposition temporaire. Il y a une dernière question que je voulais te poser sur les zines et la communauté des zines au Japon. Est-ce un phénomène assez récent ou y a-t-il une histoire d’auto-publication au Japon ?

Il y a une énorme histoire d’auto-publication au Japon. Pas nécessairement du point de vue artistique, mais il y a cette grande foire de livres pour les artistes de manga, les artistes auto-éditeurs. Je ne sais pas comment les appeler, c’est doujinshi en japonais. Ce marché de mangas a lieu deux fois par an. Ces événements attirent des centaines de milliers de personnes.

Mais ils ne s’auto-publient pas par choix. Il y a beaucoup de zines en France faits par des bédéastes en herbe, mais quand ils trouvent un vrai éditeur, ils et elles arrêtent instantanément de faire des zines. C’est juste un moyen de passer à la vitesse supérieure. Est-ce que les fabricants de doujinshi continuent ?

Je pense que oui, mais je ne suis pas très familier de ce monde.

Y a-t-il une question que je ne t’ai pas posée et que je devrais ?

Peut-être à propos de la Tokyo Art Book Fair ? Nous avons donc lancé la Tokyo Art Book Fair en 2009. Je pense que la New York Art Book Fair a commencé deux ou trois ans avant cela. J’étais stagiaire chez Printed Matter Inc. lorsqu’ils ont lancé la New York Art Book Fair. J’ai donc vécu la première à New York. L’ancien directeur de la foire m’a aussi fait participer avec Utrecht pendant trois ans. Je pense qu’il voulait organiser ce genre de salon au Japon, nous avons commencé à discuter des possibilités. À l’époque, la culture de l’auto-édition et des livres d’art se développait rapidement au Japon. Nous avons pensé que c’était le bon moment pour lancer le salon en 2009. Depuis, ça a grandi assez rapidement.

Tu as donc une section zine dans le salon ?

Nous n’avons pas vraiment de divisions claires. Pour les gens qui font des zines, nous proposons une demi-table.

Eh bien, merci beaucoup, Futoshi !

Merci à toi.

Tokyo,

June 22nd, 2016

Futoshi Miyagi is a rather quiet guy, which is not an easy kind to interview. On that day, he was working at Utrecht, a long standing bookshop specialising in artists’ publications in Tokyo. The shop has a great atmosphere, sitting on the second floor in a quiet street between the trendy and busy districts of Shibuya and Harajuku. The area close to the entrance is an exhibition space with a table and a large wall-facing window. Across that area, facing the entrance, you will see Futoshi, or whoever is clerking that day, sitting behind a huge transportation crate for artworks. They kept it after Gagosian left it at the Tokyo Art Book Fair. The rest of the space is packed with great artists’ books and zines from Japan and stuff that they import for the Japanese public.
Hello Futoshi, can you start by introducing yourself?

Sure, my name is Futoshi Miyagi. I am an artist, and I also work in this art bookshop called Utrecht. I am also a member of the Tokyo Art Book Fair team.

Can you tell us about your zines and what we can find in them?

This one is called Ossu. I have been making Ossu with my friends in Tokyo. There are three of us, Eiko Mori, Kotori Kawashima, and myself, and we also invite guests to contribute their work for this zine. We made three of them, but we are hoping to make another one this year.

So, it’s like irregular? When you have enough material or time. Can you tell us about this issue?

Absolutely. This is the first we made in 2011. It’s kind of a queer zine about the representation of male sexuality in Japan. Some of the images are drawings, but most of them are photographs of Japanese males.

So there is a strong autobiographical part in your work?

I guess it is only apparent in my part. I always have text and images. It’s kind of a diary, but it is also fiction.

So it’s not entirely true!

Some of it is.

You change history, remix your feelings at the moment, and transform them into something else?

This is another contribution I made for the third issue. This is part of the American boyfriend project that I started in 2012. I am from Okinawa, the most southern part of Japan. There are a lot of American bases down there, and they cause a lot of problems. Many people want the bases to be out. I grew up there, but somehow I was in love with American culture, so I went to America, to study there for five years. I came back to Japan, and the problem was still going on. I began to ask myself why I love America so much when they have been doing bad things in Okinawa. I started investigating the history of post-war Okinawa and the representation of homosexuality in Okinawa. How they even suffered in the post-war context. I guess I thought the presence of the military, which is very masculine, may have contributed to the fact that there is no history of male on male relationships.

So it’s a story of fantasy, mixed feelings, and also of nationalism somehow? Stupid question: When you were in the U.S., did you have an actual American boyfriend?

[He smiles]

And how was it to go there after all this fantasy that you had during your childhood?

I mean, at first, it was hard to adapt to the culture. In the end, I really enjoyed being there.

Can you tell us about this other publication of yours?

This is basically a compilation of my work from 2007 until 2012. All the images are accompanied by text. Sometimes they’re connected, sometimes they are not. It’s kind of my autobiography in a way.

And Futoshi, why do you make these publications?

As for Ossu, we worked to make this because we don’t see so many queer zines here in Japan. So we wanted to have them out. And it’s really fun.

Is it somehow activism?

More like a statement, maybe.

How is homosexuality considered in Japan?

It’s not that open. I would say things are getting better, but it is still hard.

Would publishing this kind of zine be considered bold? It’s unusual, at least?

I guess so. Also, it’s not like serious serious inside; people really enjoy them.

Now that I think about it, there’s already a whole history of homosexual representation in Yayoi mangas, but that doesn’t have anything to do with actual homosexuality?

That’s a difficult question. I do like some of them.

But a lot of them must be full of clichés?

Clichés and fantasies.

Can you tell us a bit more about this place [the Utrecht bookshop]?

We are a bookshop in Tokyo, in Shibuya. We moved here in 2014; we were in Minami Aoyama before that and in Nakameguro before. So we’ve been moving a lot.

Is that why the counter is a crate?

It was left by an American publisher after the Art Book Fair.

It’s a great counter. I have to film it now.

It’s from Gagosian.

Wow, thank you, Larry! And on the other side is the rest of the shop, with a temporary exhibition. There’s one last question I wanted to ask you about zines and the zine community in Japan. Is it a fairly recent phenomenon, or has there been in Japan a history of self-publishing?

There is a huge self-publishing history in Japan. Not necessarily art-wise, but there is this big book fair for manga artists and self-publishing artists. I don’t know how to call them; it’s doujinshi in Japanese. This comic market happens twice a year, and those events draw hundreds of thousands of people.

But they don’t self publish by choice. There’s a lot of zines being made in France by aspiring comics artists, but when they find a real publisher, they instantly stop making zines. It’s just a way to step up. Do doujinshi makers continue?

I think so, but I am not that familiar with this world.

Is there a question that I haven’t asked you that I should?

Maybe about the book fair? So we started the Tokyo Art Book Fair in 2009. I think the New York Art Book Fair started two or three years before that. I was interning at Printed Matter when they started the book fair. So I experienced the first one in New York. Also, the former director of the fair had me participate as Utrecht for three years. I think he wanted to have that kind of fair in Japan, so we started to discuss the possibilities. At the time, the self-publishing culture and artbook culture in Japan were also growing rapidly. We thought that was the right time to start the fair in 2009. Since then, it has grown pretty quickly.

So you have a zine section at the fair?

We don’t really have clear divisions. For zine makers, we offer half a table.

Well, thank you so much, Futoshi!

Thank you

Ossu vol.3
Futoshi Miyagi, *Ossu vol.3*, パイナプル (Pineapple) issue, Tokyo, Ossu, 2013, 14,8 x 21 cm, Offset, 1000 exemplaires, 64 pp. Futoshi Miyagi, *Ossu vol.3*, パイナプル (Pineapple) issue, Tokyo, Ossu, 2013, 14,8 x 21 cm, Offset, 1000 copies, 64 pp.
Ossu vol.2
Futoshi Miyagi, *Ossu vol.2*, ハンサム (Handsome) issue, Tokyo, Ossu, 2012, 13 x 18,5 cm, Offset, 1000 exemplaires?, 6 dépliants attachés par un ruban 16 pages chacun, 96 pages total. Futoshi Miyagi, *Ossu vol.2*, ハンサム (Handsome) issue, Tokyo, Ossu, 2012, 13 x 18,5 cm, Offset, 1000 copies?, 6 leaflets attached with a ribbon 16 pages each, 96 pages total.
Ossu vol.1
Futoshi Miyagi, *Ossu vol.1*, 日本男児 (Japanese boy) issue, Tokyo, Ossu, 2011, 14 x 20 cm, Offset, 1000 exemplaires?, reliure à dos ouvert, 80 pages. Futoshi Miyagi, *Ossu vol.1*, 日本男児 (Japanese boy) issue, Tokyo, Ossu, 2011, 14 x 20 cm, Offset, 1000 copies?, open spine binding, 80 pages.