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New York,

le 14 octobre 2022

Ewa Wojciak se trouvait dans la section des zines à la New York Art Book Fair, avec un zine qu’elle avait réalisé sur sa table. Contrairement aux autres tables, ses publications n’étaient pas des œuvres récentes fabriquées dans l’urgence pour qu’elles soient prêtes pour la foire, mais quelque chose qu’elle a fait il y a 40 ans. Wojciak a co-publié 10 des 14 numéros du fanzine punk au format tabloïd NO MAG entre 1978 et 1985, documentant le passage de la scène punk californienne artistique vers la No Wave. Lorsque je l’ai vue montrer ces monuments historiques, je me suis dit qu’il fallait que j’en apprenne plus à ce sujet et je l’ai entraînée dans un endroit plus calme de la foire pour une brève interview. Nous sommes assis sur le toit du bâtiment de la DIA, entourés par les nouveaux bâtiments extrêmement chics du quartier des galeries d’art de Chelsea. Elle semble impatiente de parler de son rôle dans ce projet, même si l’interview est écourtée par un concert qui commence à côté de nous.
Qui es-tu ? Peux-tu te présenter ?

Je m’appelle Ewa Wojciak, je suis artiste et j’enseigne aussi à USC à Los Angeles, mais c’est une autre vie. J’ai fait No Magazine, qui a été créé par Bruce Kalberg et Mike Gira des Swans. Ils l’ont lancé à l’université, ils étaient amis. Ils ont réalisé les quatre premiers numéros, puis Mike Gira a déménagé à New York avec sa petite amie. Bruce m’a rencontré et j’ai commencé à travailler sur le magazine pour les 10 derniers numéros. C’était publié depuis notre salon, à même le sol. On faisait le graphisme, on mettait en scène les shootings photos. Bruce photographiait les groupes après qu’on les ait vus. Je trouvais des artistes intéressants et je ramenais leur travail à la maison où je les lui présentais. On a aussi organisé des spectacles, des concerts pour lever les fonds nécessaires à l’impression d’un numéro.

À l’époque, personne à Los Angeles ne voulait imprimer le magazine, car les gens considéraient les punks comme de la pornographie. On devait aller en dehors de la ville pour trouver des gens qui imprimaient de la pornographie. On y allait au milieu de la nuit, lorsque leurs patrons étaient chez eux, et on imprimait le magazine la nuit. Les magazines étaient tout le temps déplacés d’un endroit à l’autre parce qu’on n’a jamais gagné d’argent avec à l’époque. Ce n’est que maintenant que je gagne un peu d’argent avec ce qui reste. Mais à l’époque, on n’a jamais gagné un centime, on a toujours espéré, mais ce n’est jamais arrivé, parce que c’était un travail d’amoureux, c’était fait par des artistes pour des artistes. Je pense que la différence avec les autres zines, c’est que NO MAG est une publication très visuelle ; elle est aussi vivante aujourd’hui qu’à l’époque, ce qui est intéressant parce qu’elle a été réalisée avant l’avènement de l’informatique. Je suis designer maintenant, mais à l’époque, j’étais étudiante en arts comme Bruce.

On ne savait vraiment rien faire, on ne connaissait rien en design graphique, alors chaque mise en page, chaque page, chaque photographie, chaque article est une sorte d’expérience, un genre d’original. On ne s’inspirait de rien ; on essayait simplement de faire des choses sympas avec des gens qu’on connaissait ou avec des amis qui nous amenaient d’autres personnes. La plupart des personnes qui figurent dans le magazine n’étaient pas très célèbres ou populaires à l’époque. Beaucoup d’entre eux ont fait de grandes carrières ; on y voit des gens comme les Chili Peppers, Gary Panter, Raymond Pettibon, les Bangles, à l’époque où ils étaient tous gamins. C’est très amusant de regarder en arrière et de voir combien de ces personnes ont réussi. C’est vraiment génial. Le magazine n’a jamais été un zine, il a toujours été destiné à être un mag, pas un zine.

S’agit-il donc d’un fanzine ? Parce qu’il parle aussi de beaucoup de gens qui vous intéressaient.

Non, ça n’a jamais été un fanzine, parce que les interviews sont toutes des projets créatifs. Si vous les lisez, vous verrez qu’elles sont drôles, qu’elles sortent des sentiers battus, qu’elles ne correspondent pas vraiment aux interviews habituelles. Aujourd’hui, vous pouvez allumer la radio et vous entendrez des groupes parler de la façon dont ils ont enregistré leur disque, du plaisir qu’ils ont eu à le faire, de ce qu’a été le studio. Nous, on emmenait un groupe au supermarché et on les laissait parcourir les allées et parler des produits qu’ils aiment, ou on faisait d’autres trucs marrants. Il n’a jamais été question de faire de la publicité pour qui que ce soit, vraiment. Il s’agissait d’essayer de comprendre qui étaient les gens d’une manière originale. Et évidemment, qui nous étions, en tant que personnes. À Hollywood, à l’époque, il y avait beaucoup de… C’était une scène où beaucoup de gens venaient d’écoles d’art ou de milieux artistiques. Les membres des groupes étaient également des originaux. L’idée du punk était que les gens pouvaient s’inventer eux-mêmes, n’est-ce pas ? Changer de nom, et tout le positif devenait négatif. C’était donc NO magazine, et les groupes étaient Social Distortion et No Future. Les gens avaient des noms qui claquaient dans le négatif, certains m’appelaient Ewa Destruction. C’était l’idée que tout le monde pouvait se réinventer. Ils allaient dans les friperies ou ailleurs et pouvaient se réinventer. Dans ces années-là, les années Reagan, les artistes n’avaient pas vraiment d’avenir, parce que l’économie de l’art avait disparu.

Oui, oui, c’est comme ça qu’on est passé de « No Future » à « Do It Yourself », parce que les gens devaient inventer quelque chose pour gagner leur vie ou créer une situation pour leur art ?

Pour être honnête, je ne sais même pas si nous avons réfléchi autant à l’avance.

Vous vouliez juste faire des choses ?

Je pense que lorsqu’on est artiste, on crée des choses, et la culture est toujours intéressante, et la culture de Los Angeles à l’époque était incroyablement intéressante. C’était ouvert, tu sais, comme les gens parlent du Far West, Hollywood et Los Angeles dans les années 1970 et 1980 étaient le Far West, parce qu’il n’y avait pas de clubs, pas de galeries, il n’y avait rien. Et tous ces punks et ces artistes ont construit ça, un par un, en jouant dans une ruelle, sur une voie ferrée, chez les uns et les autres, en y faisant un vernissage…

Vous avez réalisé No Mag à Los Angeles ? Je pensais que vous aviez mentionné San Francisco plus tôt. En quelle année avez-vous commencé ? [Les balances du concert à côté de nous démarrent avec un gros beat]

Le magazine a été créé en 1977, mais j’y suis entré en 1979.

Il y avait donc deux numéros par an ?

Certaines années, nous en avons fait trois et le dernier numéro nous a pris deux ans. [Les balances deviennent assourdissantes.] Je pense qu’on a terminé.

New York City,

October 14th, 2022

Ewa Wojciak was in the zine section at the New York Art Book Fair with a zine that she made on her table. Unlike the other tables, her publications were not recent works that she completed in a rush to have them ready for the fair, but something she made 40 years ago. Wojciak co-published 14 issues of the punk tabloid fanzine NO MAG between 1978 and 1985, documenting the shift of the artsy California punk scene towards No Wave. When I saw her showing these historical gems, I thought I needed to learn more about this so I dragged her to a calmer side of the fair for a short interview. We sat on the rooftop of the DIA building, surrounded by extremely posh brand new buildings in the Chelsea gallery area. She seemed eager to talk about her part in this project, even if the interview was cut short by a concert starting next us.
Who are you? Can you please introduce yourself?

My name is Ewa Wojciak, I am an artist, and I also teach at USC in Los Angeles, but that’s a different life. I made No Magazine, which was started by Bruce Kalberg and Mike Gira from the Swans. They started it in college; they were friends. They did the first four issues, and at that time, Mike Gira moved to New York with his girlfriend. Bruce met me, and I started to work on the magazine for the last 10 issues. It was published in our living room on the floor. We did the graphics; we built all of the sets for the photographs. Bruce photographed the bands after we went to see them. I would find artists who were interesting and bring their work home or introduce them. We also did some shows—music shows—that were benefits to get funds to print an issue.

In those days, the magazine wouldn’t be printed by anyone in Los Angeles because people saw punk as pornography. So we would need to find people who printed pornography out of town. We would go in the middle of the night when their bosses were home, and we would print the magazine at night. The magazines have been moved from location to location because we’ve never made any money on them in those days. I actually do make a little bit of money now on what’s left. But in those days, we never made a cent, we always thought we would, but it never happened because it was a labour of love, done by artists, created for artists. I think the difference with other zines is that NO MAG is a super visual publication; it is as alive now as then, which is interesting because it was made pre-computer. I work as a designer now, but then I was actually a fine art student, and so was Bruce.

We really didn’t know how to do anything; we didn’t know how to do design, so each layout, each page, each photograph, and each article is kind of an experiment, an original of sorts. We weren’t modelling after anything; we were just trying to make cool stuff with people we knew or friends bringing more people. A lot of the people that are in the magazine are people who weren’t very famous or popular then. Many of them have gone on to have major careers; so you see people like the Chili Peppers, Gary Panter, Raymond Pettibon, The Bangles, and everybody else as a youngster. It’s a lot of fun to look back now and see how many of those people succeeded. That’s really cool. The magazine was never a zine; it was always meant to be a mag, not a zine.

Is it a fanzine, then? Because it is also about a lot of people that you have an interest in.

No, it was never a fanzine, because the interviews are all creative projects. If you read them, they’re funny, they’re off the wall, and they’re not really the standard interviews that you would see. Now you can turn on the radio, and you will hear bands in town talking about how they made their record, how much fun they had, and what the studio was like. None of these are about that; we would take a band to the supermarket and let them go down the aisles and talk about which products they liked, or we would do things that were funny. It was never meant to be any kind of publicity for anybody, really. It was like trying to understand who the people were in some original way. And obviously, who we were as people. In Hollywood at that time, there were a lot of…it was a scene in which a lot of people came from art schools or art backgrounds. The people in the bands were also originals. The whole idea of punk was that people could invent themselves, right? Change their names, and everything became a turn from the positive to the negative, so it was NO Magazine, and the bands were Social Distortion and No Future. People had names that slammed to the negative; some people called me Ewa Destruction. It was the idea that everyone could reinvent themselves. They’d go to thrift stores or wherever, and they could reinvent themselves. In these years, the Reagan years, artists didn’t really have a future because the economy for art went away.

Yeah, yeah, so is that how it shifted from No Future to Do It Yourself, because people needed to invent something to make a living or create a situation for your art?

I don’t even know if we thought that far ahead, to be honest.

You just wanted to make stuff?

I think that when you’re an artist, you make things, and culture is always interesting, and LA culture at that time was incredibly interesting. It was open; you know how people talk about the Wild West, Hollywood and Los Angeles in the 1970s and 1980s were the Wild West because there were no clubs, there were no galleries, and there was nothing. And all these punks and artists built that one by one; they played in an alley, they played on the railroad tracks, they played in each other’s houses, they would do an opening inside…

You made No Mag in LA? I thought you mentioned San Francisco earlier. Which year did you start? [The sound check next to us starts with a big beat.]

The magazine started in 1977, but I came into it in 1979.

So would it be like two issues a year?

Some years we did three, and the last issue took us two years to make. [The beating starts to be really loud] I think we’re done.

No Mag #7
Bruce Kalberg (ed.), *No Mag #7* (Couverture Raymond Pettibon), Los Angeles, 1981, presse rotative offset, 27,5 x 36 cm. Bruce Kalberg (ed.), *No Mag #7* (Cover by Raymond Pettibon), Los Angeles, 1981, rotative offset, 27,5 x 36 cm.
No Mag 4
Bruce Kalberg (ed.), *No Mag #4*, Los Angeles, 1980, presse rotative offset, 27 x 34,5 cm. Bruce Kalberg (ed.), *No Mag #4*, Los Angeles, 1980, rotative offset, 27 x 34,5 cm.