Chicago,
le 28 septembre 2017
Bonjour.
Bien sûr. Je m’appelle Marc Fischer. Nous sommes à Chicago, assis dans mon salon, dans le quartier d’Avondale. Je suis artiste, enseignant, écrivain. J’ai l’habitude de dire artiste, parce que ça recouvre beaucoup de choses. Je travaille au sein du groupe Temporary Services. Temporary Services possède une maison d’édition appelée Half Letter Press, et je gère également le projet Public Collectors, que j’ai lancé en 2007. Temporary Services est une collaboration avec Brett Bloom, qui vit dans l’Indiana, et ça a commencé en 1988. Au départ, il s’agissait d’un groupe plus important, et aujourd’hui, nous ne sommes plus que tous les deux à travailler avec différentes personnes en fonction des projets.
Euhh, nous créons des expositions, nous créons des événements, nous collaborons régulièrement avec des personnes extérieures au groupe. L’orientation de notre travail change d’un projet à l’autre, bien qu’il y ait des thèmes qui réapparaissent assez fréquemment.
Nous avons réalisé un certain nombre de projets sur les problèmes des prisons, nous avons réalisé des projets sur l’économie et son impact sur les artistes. Nous sommes totalement indépendants. Nous travaillons toujours en dehors du monde des galeries commerciales, et la publication est une part importante de notre pratique. Nous avons fait une publication pour presque tous les projets que nous avons réalisés. Et les publications fonctionnent aussi de manière autonome.
Ça nous aide suffisamment pour au moins financer nos opérations. Ça ne finance pas toujours les autres aspects de notre vie. Nous donnons également des conférences, nous organisons des ateliers, nous enseignons, nous exposons. Nous essayons que nos publications soient aussi peu coûteuses, aussi abordables que possible, de les produire équitablement. Mais nous en tirons tout de même 300 à 500 exemplaires, un millier, parfois plusieurs milliers, en fonction de l’usage auquel elles sont destinées. Mais oui, nous essayons d’être aussi indépendants et autonomes que possible.
Public Collectors a été créé pour encourager les gens à être plus généreux avec leurs ressources, lorsqu’il s’agit de documents qui n’intéressent pas les musées et de nombreuses bibliothèques. Si vous voulez voir beaucoup de publications d’artistes du genre de celles que nous produisons, il y a quelques bibliothèques de musées qui en ont, mais il y a probablement beaucoup de particuliers qui ont des collections aussi bonnes sinon meilleures que n’importe quelle institution. Et c’est vrai pour la plupart des choses qui m’intéressent. De plus, je ne me soucie pas vraiment de la séparation entre l’art et les autres types d’activités créatives, comme les autres types d’édition et l’auto-édition.
C’est comme ça que ça a commencé. J’essayais d’encourager les gens à rendre plus disponibles les ressources qu’ils ont pour d’autres individus en dehors d’un cadre institutionnel. Mais ça a évolué vers des projets de recherche à plus long terme ou des démarches exploratoires. Public Collectors produit aussi beaucoup de publications, et récemment, je me suis intéressé à tous ces documents imprimés qui dorment dans les bibliothèques publiques et dont le potentiel est souvent inexploité. On se concentre beaucoup sur les espaces de création, ce qui est formidable, ou sur l’accès à Internet, alors que de nombreuses collections d’imprimés sont négligées. Quand vous allez visiter des bibliothèques, certaines de ces zones sont des villes fantômes. Dans les bibliothèques publiques, si vous demandez à voir quelque chose, quelqu’un est censé le trouver derrière le comptoir et le bibliothécaire n’aura pas nécessairement d’expérience personnelle avec l’objet qu’il va vous procurer. Mais elles ont parfois des choses plus intéressantes que ce à quoi on pourrait s’attendre. Et ils sont aménagés pour accueillir les visiteurs, contrairement aux particuliers.
Par exemple, la principale bibliothèque publique de Chicago possède un certain nombre de fanzines, de petits magazines punk, que beaucoup de gens ne penseraient pas trouver dans une bibliothèque. Les gens n’imaginent pas que les bibliothèques possèdent ce genre de choses dans un classeur de périodiques, que c’est derrière un comptoir, et qu’ils doivent chercher dans le catalogue en ligne. Donc, une partie de ce que je fais ces derniers temps est d’essayer d’amener les gens à utiliser ces endroits pour des choses auxquelles ils ne penseraient peut-être pas.
Correct.
J’utilise les réseaux sociaux, comme Tumblr. Surtout au début, quand les gens faisaient l’effort de savoir à propos de quoi les autres publiaient. Et ce qui s’est passé, c’est que lorsque vous avez des milliers de followers, ça devient difficile de discerner l’identité des gens. Mais je pense qu’au début, il y avait peut-être des gens qui avaient des identités plus distinctes ou une utilisation plus distincte, plutôt que de simplement faire circuler le matériel de tout le monde.
Ça s’est développé de manière très naturelle. Les gens ont commencé à écrire sur ce que je montrais en ligne, ainsi que sur leurs collections numériques. En ce qui me concerne, je suis surtout intéressé par l’expérience tactile directe des objets, mais aussi par les personnes qui savent quelque chose de la culture dont ils sont issus. Parmi les personnes qui ont peut-être été importantes pour moi dans ce sens, il y a le regretté collectionneur, historien et archiviste Steven Lieber, qui était aussi un marchand.
Si vous alliez visiter le sous-sol de Steven Lieber, rempli d’incroyables livres d’artistes et de périodiques, il savait tout sur ce qu’il avait. Il pouvait vraiment raconter ces histoires et répondre à des tonnes de questions à quiconque voulait en parler. Ou mon ami Stephen Perkins, qui vit maintenant à Madison, qui fait ses recherches sur les périodiques d’artistes. Maintenant qu’il possède ces objets vraiment fantastiques et difficiles à trouver, il en sait beaucoup sur eux. Et de même, si quelqu’un vient me rendre visite, il y a des choses que je possède parce qu’elles m’intéressent et que je les achète au fur et à mesure que je les trouve, mais aussi parce que je participe à cette communauté plus large d’artistes qui s’autoéditent ou d’artistes qui travaillent en groupe. J’ai publié un fanzine de musique underground, je l’ai échangé dans les années 1980. Et à force de le faire, j’ai échangé des publications avec des gens du monde entier et j’ai conservé les choses qu’ils m’envoyaient. Je ne sais donc pas tout ce qu’il y a à savoir sur tout ce que j’ai, mais dans de nombreux cas, je connais les personnes qui ont fabriqué ces objets. Et j’ai tendance à avoir plusieurs exemples de ce qu’ils ont fait. Beaucoup de ces choses sont impossibles à trouver dans les bibliothèques publiques ou les musées.
Oui, j’ai découvert le travail de Bruno grâce à Re/Search Publications de San Francisco. Ils ont publié Pranks que j’ai lu à l’époque de sa sortie, quand j’avais 17 ans. Et plus tard, le livre Zines! présentait le travail de Bruno. C’était avant Internet, ou au tout début d’Internet, le travail de Bruno était impossible à trouver en version papier aux États-Unis. Il était très peu distribué. J’ai réalisé que si je voulais voir plus de ses œuvres, et que j’étais curieux de certaines d’entre elles, je devais le contacter directement.
Nous avons commencé à nous écrire, et je ne faisais pas beaucoup de choses imprimées à l’époque. Mais petit à petit, j’en ai fait plus. Nous avons commencé à échanger. J’ai commencé à lui envoyer davantage de choses que je faisais. C’est un collectionneur de livres passionné, et il avait toujours des centaines de livres qui l’intéressaient et qu’il recherchait. Parfois, j’essayais de lui trouver des livres, puis il m’envoyait ses publications. On a échangé. Mais, au fil du temps, c’est devenu une pile d’enveloppes de 2 mètres de haut. Ça s’est un peu ralenti. Je ne lui envoie plus autant, il ne m’envoyait plus tellement. Les frais postaux ont augmenté. J’avais l’habitude de lui envoyer une enveloppe épaisse de 2 kilos pleine de papier pour 7$, et maintenant, le même paquet coûte 29$. Je lui envoyais 5 paquets par an, ce qui maintenant coûterait environ 150$.
Il m’envoyait ses propres publications, mais généralement, ce matériel était éclipsé par d’autres types de papier. Il envoyait des correspondances que d’autres artistes lui envoyaient, des programmes de festivals de cinéma, d’événements auxquels il assistait, sur lesquels il entourait des choses. Il envoyait des choses qu’il trouvait intéressantes. Il envoyait des emballages d’objets qu’il avait achetés. Des brochures d’exposition, des photos découpées. Parfois, il envoyait des livres ou des magazines entiers, ou bien il découpait des choses qui l’intéressaient et m’envoyait ce qui restait.
En gros, n’importe quel papier de merde. Je pense qu’une fois que l’enveloppe était suffisamment remplie et ne pouvait rien contenir de plus, il la fermait et me l’envoyait. Je faisais un peu la même chose, lorsque j’assistais à une exposition. Je prenais une brochure supplémentaire. Si un ami me donnait 10 exemplaires d’une affiche ou d’une carte postale ou autre, j’en mettais un de côté pour lui envoyer. Si j’étais dans une librairie d’occasion et que je voyais quelque chose de petit, d’intéressant et bon marché, je le lui envoyais.
De même, s’il travaillait sur une publication, il envoyait une maquette, avec des choses collées ou scotchées dessus, comme des petits dessins instantanés ou des choses comme ça. Sa pratique artistique est intéressante pour moi, car il fait une tonne de dessins, mais il ne s’intéresse qu’à leur publication. Il expose rarement les dessins originaux. Lorsqu’il est venu à Chicago, il n’avait presque aucune envie de voir des œuvres originales, il était plus intéressé par les librairies des musées et par l’art tel qu’il apparaît dans les publications, ce qui est pour moi une attitude vraiment fascinante et particulière. Nous passions donc des tonnes de temps à aller dans les librairies, mais aucun temps à regarder des œuvres originales. Il m’envoyait aussi, après avoir fait une publication, s’il y avait une sorte de brouillon, des épreuves corrigées dont il n’avait plus l’utilité.
Ouais, c’est plus, euh…
Ouais ! J’en regardais un bon tiers, ce qui prenait quelques heures, probablement. Je pense que c’est vraiment une expérience sur le moment. Ce n’est plus pareil maintenant, car je n’ai pas laissé les paquets comme ils étaient. Pas exactement dans l’ordre où les choses ont été superposées. Par exemple, s’il envoyait une publication intéressante, je ne l’ai pas sortie de l’enveloppe pour la classer avec d’autres publications sur un sujet similaire. Donc, je pense qu’en les parcourant, c’est plus l’expérience de cette combinaison de choses imprimées. Je suppose que maintenant que suffisamment d’années ont passé, ils sont un peu comme des capsules temporelles. Ce à quoi je ne pensais pas du tout quand je les recevais, bien sûr.
Oui, il y a certainement un peu de ça, et c’était intéressant de voir, dans le cas de festivals ou d’expositions, si des choses particulièrement américaines étaient présentées comme une sorte de culture étrangère exotique en France. Mais ça pouvait aussi me le faire pour d’autres cultures, qui étaient moins susceptibles de venir jusqu’aux États-Unis et qui sont plus communes en France. Et c’était aussi une fenêtre sur ses goûts, sur le genre de choses qu’il aimait. Je ne pense pas qu’il m’aurait envoyé des choses qui ne l’intéressaient pas au départ. C’est plutôt qu’il n’en a peut-être pas l’utilité et qu’il en a pris des exemplaires supplémentaires pour les partager avec d’autres. Chaque paquet pourrait être comme une mini-exposition de choses. En 2006, j’ai organisé une exposition de ces paquets au Book and Paper Centre du Columbia College et j’ai présenté le contenu de certains de ces envois.
Je pense que l’ouverture individuelle des paquets est une chose difficile à intégrer dans une exposition. Ça aurait pu être, comme, une série d’événements au cours de l’exposition. On aurait peut-être pu faire mieux. Je pense que le problème est qu’il y a peu de familiarités avec son travail aux États-Unis.
Il fait donc beaucoup de dessins. Je pense que beaucoup de ces dessins sont sa propre interprétation d’images préexistantes, qu’il s’agisse de redessiner des choses tirées de bandes dessinées, d’images fixes de films ou de photos documentaires. Je dirais que presque toutes ses œuvres ont un caractère très agressif, très violent, même si elles ne représentent pas réellement la violence. À un moment donné, il a dit quelque chose comme : « Je salis le monde comme il me salit. »
Souvent, il redessine quelque chose qui peut sembler innocent, mais qui vient d’une structure systémique corrompue, comme l’institution policière. Donc, s’il dessine la police, il ne choisit pas nécessairement le dessin où la police fait quelque chose de violent, mais il la redessine de la manière la plus violente possible. Je pense qu’il a tendance à préférer des gestes anodins plutôt qu’une image plus commune de brutalité policière. Il y a une énorme quantité de violence sexuelle dans son travail. Je dirais que, malheureusement, une grande partie de son travail dépeint les femmes par ce prisme. Il y a aussi une sorte de chaos moral dans une grande partie de son travail. Je pense que ce qui rend ses publications si dérangeantes, c’est qu’il peut dessiner, copier quelque chose d’un magazine porno SM, où il semble y avoir de la violence, alors que les personnes participant à la scène sont probablement dans une relation consentie.
Il peut mélanger par le dessin des images fixes d’un film d’horreur dans une sorte de situation violente entre un homme et une femme. Là encore, ça semble être violent, mais c’est de la comédie. Mais, en même temps, Bruno peut aussi dessiner une sorte de situation de torture politique où la violence n’est pas consensuelle. Il y a quelque chose, dans la façon dont il traduit tout en dessin, qui rend tout égal. Ainsi, ce qui rend une chose acceptable dans sa source donne l’impression que tout n’est plus acceptable, ayant été redessiné. Et pour compliquer encore plus tout cela, il ajoute toutes sortes de notes à côté des dessins. Il peut ajouter des notes personnelles sur, par exemple, l’anniversaire de sa mère ou de la petite amie de son fils, ou quelque chose comme ça. Et une fois que vous avez rassemblé tout cela, cela crée vraiment cette sorte de pandémonium de violence.
Hum… Je ne sais pas. Pour moi, ce qui est surprenant… Quand j’étais plus jeune, comme beaucoup de gens, j’avais une curiosité pour les images violentes. Et, d’après mon expérience, la plupart des gens passent par là et finissent par arriver à un point où ce n’est plus si intéressant. Et, je ne sais pas si c’est un bon jugement de ma part, mais Bruno semble ne jamais avoir perdu l’intérêt pour ce genre de matériel.
Lorsqu’il visitait Chicago, j’ai vu comment il naviguait dans les librairies et quel genre de choses l’attiraient. Ce n’était pas toujours le genre de choses évidentes auxquelles je m’attendais qu’il s’intéresse. Je suppose qu’il a une attitude très souple vis-à-vis de la vie privée, la sienne et celle des autres. Ainsi, il a publié des écrits et des journaux intimes, parlant des médicaments qu’il prend.
Dans le livre que lui et son défunt collaborateur Pascal Doury ont fait : Pornographie Catholique, ils parlaient de l’argent qu’ils gagnaient dans leur travail et de choses comme ça. Il ne s’agit donc pas seulement de tabous liés à la représentation du sexe et de la violence, mais aussi d’histoires médicales personnelles, d’argent ou de vie privée. Son travail crée des expériences inconfortables de nombreuses façons différentes, et pas seulement à travers une seule stratégie.
Je veux dire… Peut-être quelque part ? Je pense qu’il est farouchement indépendant… Bruno a des opinions extrêmement arrêtées sur à peu près tout. De, par exemple, la couleur d’un dessert, jusqu’à… il m’engueule pour avoir fait des publications qui n’ont pas de numéros de page « toute publication devrait avoir des numéros de page, même si elle ne fait que 16 pages. » Il n’y a pas une seule chose à laquelle je peux penser et sur laquelle il n’a pas une opinion extrêmement précise.
Il y a donc toute cette sorte de chaos dans son travail, mais aussi une attitude très féroce sur la façon dont les choses devraient être. Ce qui, peut-être, est de plus en plus ce qu’est le punk. Les choses sont codifiées d’une certaine manière. Comme dans les premiers moments du punk, il fait des choses qui sont assez repoussantes et probablement destinées à être repoussantes pour certains types de personnes. Mais s’il se souciait du public, il ferait les choses complètement différemment, et ne publierait pas ses zines en petites quantités, comme 100 exemplaires.
Je connais beaucoup de gens dans la musique underground qui sont beaucoup plus actifs dans la distribution de leur travail. Quand il est venu à Chicago, je l’ai encouragé : « Si tu apportes des choses que tu aimerais distribuer, il y a un magasin qui les prendrait et c’est un bon endroit pour… » Ça ne l’intéressait pas. Il voulait trouver des livres, pas distribuer ses propres livres. Ce qui l’excite dans le fait d’avoir fait un livre, c’est que ça lui donne la possibilité de le troquer contre d’autres choses qu’il veut. Pas parce qu’il aime les gens qui s’intéressent aux choses qu’il fabrique. Il les fait comme outil d’échange. Beaucoup de publications issues de la culture punk ont été faites en assez grande quantité. Et il y avait un intérêt à les distribuer dans le monde entier. Peut-être qu’à une époque, il avait un réseau plus large, mais il semble que maintenant son réseau soit plus concentré sur un petit nombre d’individus dont il respecte la pratique. C’est un peu des suppositions de ma part…
Je suis sûr que si Bruno voit ça, il ne sera d’accord avec rien.
Et il t’insulterait de m’avoir filmé. Et il m’insulterait d’être assis dans ma maison, et il trouverait quelque chose qui ne va pas dans la maison.
Il trouverait que l’appareil photo de ton téléphone ne va pas, et 15 autres choses. Mais merci, Antoine.
Chicago,
September 28th, 2017
Good morning.
Sure. My name is Marc Fischer. We’re in Chicago, sitting in my living room, in the Avondale neighbourhood. I am an artist, teacher, and writer. I just usually say artist, and that could be an umbrella for many things. I work in the group Temporary Services. Temporary Services has a publishing imprint called Half Letter Press, and I also administrate the project, Public Collectors, which I started in 2007. Temporary Services is a collaboration with Brett Bloom, who lives in Indiana, and that started in 1988. It began as a larger group, and it is now just the two of us working with people on projects.
Uhh, we create exhibits, we create events, we collaborate regularly with other people from outside of the group. The focus of our work changes a little from project to project, although there are definitely themes that reappear quite frequently.
We’ve done a number of projects on prison issues, and we’ve done projects on the economy as it impacts artists. We’re completely independent. We always work outside of the commercial gallery world, and publishing is a huge part of our practice. We’ve made a publication for just about every project we’ve done. And also, publications function more autonomously.
It helps enough to at least fund our operations. Sometimes, it doesn’t always fund other aspects of our lives. We also lecture, we do workshops, we teach, and we exhibit. We try to make our publications as inexpensive and affordable as possible and produce them fairly. But still, we make about 300 to 500 copies—a thousand, sometimes many thousands, depending on what they’re created for. But yeah, we try to be as independent and self-sustaining as possible.
Public Collectors started as a way of encouraging people to be more generous with their resources when dealing with the kind of material that museums and a lot of libraries have no interest in. For the kind of thing we make, if you want to see lots of art publications, there are some museum libraries that have them, but probably there are many private individuals who have as good or better collections than any kind of institution. And that’s true for most of the things I’m interested in. Also, I don’t really care about the separation between art and other kinds of creative activity, like other kinds of publishing and self-publishing.
So that was sort of how it started. I was trying to encourage people to make the resources they have available to other individuals outside of an institutional setting. But it tended to shift more into longer-term research projects or exploratory things. Public Collectors also makes a lot of publications, and lately I’ve been thinking more about all the printed material that resides in public libraries, whose potential is often really untapped. There’s a lot of focus on spaces for making things, which is great, or internet access, while lots of print collections are quite neglected. When you go to visit libraries, some of these areas are ghost towns. In public libraries, if you ask to see something, someone is supposed to find it behind the counter, and the librarian will not necessarily have a personal experience with the object they’re getting for you. But they sometimes have more interesting things than you might expect. And they’re set up to accommodate visitors in a way that individuals aren’t.
For example, in Chicago’s main public library, they have quite a few fanzines—small press punk magazines—that a lot of people wouldn’t think a library would have. It’s just not people’s perception that libraries own this kind of stuff and it’s behind the counter, and they have to look up the online catalogue; they’re usually in a binder of periodicals. So, part of what I’ve been doing lately is trying to trick people into using these places for things that maybe they wouldn’t think about.
Right.
I use social media, like Tumblr. Especially when it first started, people made an effort to get to know what each person was posting about. And what happened with these things is that when you have thousands of followers and people following and unfollowing, it becomes hard to discern what people’s identities are. But I think when it started, maybe there were people who had more distinct identities or uses rather than just recirculating everyone else’s material.
I think it grew very organically. People started to write about what I had presented online and also about their digital collections of things. For me, I’m mainly interested in having direct tactile experiences with objects, but also in people who know something about the culture that they come from. Some of the people who may have been important to me in this way would be the late collector and archivist historian Steven Lieber, who was also a dealer.
If you went to visit Steven Lieber’s basement, full of incredible artists’ books and periodicals, he knew everything about the stuff he had. He could really animate those histories and answer tons of questions for anyone who might wanna talk about the stuff. Or my friend Stephen Perkins, who lives in Madison now and did his research on artists’ periodicals. Now that he has these really fantastic and hard-to-see things, he knows a lot about them. And likewise, if someone comes to visit me, there are things I have because I’m interested in them and then buy them as I find them, but also because I participate in this larger community of artists who self-publish or artists who work in groups. I used to publish an underground music fanzine; I traded it in the 1980s. And as a result of doing that, I traded publications with people all over the world, and I saved the things they sent to me. So I don’t know everything there is to know about everything I have, but in many cases, I do know the people who made the things. And I do tend to have multiple examples of things they’ve made. For a lot of these things, you can’t just go to a public library to see them, or you can’t go to the museum to see them.
Yeah, I learned about Bruno’s work from Re/Search publications, which are based in San Francisco. They published Pranks which I read about when it came out, when I was 17 years old. And later, one of the Zines! publications featured Bruno’s work. So this is before the internet, or the very beginning of the internet; Bruno’s work is impossible to find in hard copy in the US. It’s very minimally distributed. I realised if I wanted to see more of his works and was curious about some of it from what was shown, I would have to actually just contact him directly.
We started with correspondence, and I wasn’t making a lot of printed things at the time. But gradually, I was doing more. We started exchanging. I started sending him more of the things I was making. He’s a really fanatical book collector, so he always had hundreds of books he was interested in and looking for. Sometimes I would try to find books for him, and then he would send me his publications. So we exchanged. But, over time, it’s resulted in a 6 feet tall stack of packages. That has slowed down quite a bit. I don’t send him as much; he didn’t send me nearly as much. Postal costs have also gotten so much more expensive than they used to be. I used to send him a 4-pound envelope thick with paper for 7$, and now that same package will cost 29$. I would send him five packages in a year, which now would cost, like, 150$.
So he would send me his own publications, but usually that material was dwarfed by other kinds of paper. So he would send correspondence that other artists sent to him; he would send film festival programmes and things he attended; and he would circle things. He would send stuff he thought was interesting. He would send packaging for things he purchased. Exhibition brochures, cut-up pictures. Sometimes, he would send entire books or magazines, or he would cut up things he was interested in and send me whatever was leftover.
Basically, any kind of paper crap. I think once it was sufficiently full and couldn’t really contain anymore, he would just seal it and send it to me. I mean, I kind of did something similar, so I sent it to him. When I attended an exhibit, I would take an extra brochure. If a friend of mine gave me 10 copies of a poster or a postcard or something, I would set one aside and mail it to him. If I were in a used bookstore and saw something small, interesting, and cheap, I would send it to him.
Also, if he was working on a publication, he would send a layout for things, pasting things up and taping them, like little snapshots of drawings or things like that. His art practice is interesting to me because he makes a ton of drawings, but he’s only interested in publishing them. He rarely exhibits the original drawings. When he visited Chicago, he had almost no interest in seeing original art; he was more interested in the bookstores in museums and art as it appeared in publications, which is to me a really fascinating and peculiar attitude. So we spend tons of time going to bookstores, but no time looking at original works. Also, he would send me, after he made a publication, some sort of rough draft or corrected printouts that he had no use for.
Yeah, it’s more, uh…
Yeah ! I would go through a third of the stuff, which would take a couple hours, probably. I think it’s really an experience in the moment. It’s not the same now, as I didn’t leave the packages as they were. Not precisely in the order things were layered on top of each other. For example, if there’s an interesting publication he sends, I don’t usually remove it from the envelope and file it with other publications on a similar subject. So I think going through it, it’s more the experience of this combination of this printed stuff. I guess now that enough years have passed, they have a little bit of the quality of being like time capsules. Which I had never thought about at all when they arrived, of course.
Yeah ! There’s definitely some of that, or it would be interesting to see—especially some things like festivals or exhibits—if there were particularly American things that were being presented as a sort of exotic foreign culture in France. But it also worked for other cultures that were even less likely to travel to the US and more common in France. And also, it’s a window into his taste and the kinds of things he liked. I don’t think he would send me things that were not interesting to him first. It’s more that maybe he has no use for them; he took extra copies to also share with other people. Each package could be like a mini-exhibition of stuff. In 2006, I organised an exhibit at Columbia College’s Book and Paper Centre of those packages and presented the contents of some of the mailings.
I think actually opening the packages individually is a hard thing to accommodate in an exhibit. It could have been, like, a series of events during the course of the show. Maybe it would have been better. I think that the problem is that there are few familiarities with his work in the US.
So he makes a lot of drawings. A lot of the drawings, I think, are his interpretation of pre-existing images, which could be him redrawing things from comic books, film stills, or documentary photos. Almost all of the work, I would say, has a very aggressive, very violent character, even if it’s not actually depicting violence. At some point, he said something like, “I dirty the world as it dirties me.”
A lot of times, he’ll redraw something that maybe seems kind of innocent, but it stems from a kind of corrupt systemic structure, like the institution of the police. So, if he draws the police, he doesn’t necessarily pick the drawing where the police are doing something violent, but he redraws them in the most violent way. I think he tends to favour these things rather than just a more common image of police brutality. There’s an enormous amount of sexual violence in the work. I would say, kind of, unfortunately, a lot of it depicts women in this. There’s also a kind of moral chaos in a lot of the work. I think the thing that makes his publications so disturbing is that he might draw or copy something from a SM porn magazine where it looks like there is violence, but probably, hopefully, the people participating in the scene are in a consensual relationship.
He might have the drawing mixed with some kind of violent male/female situation from stills of a horror movie, where again, it looks like it’s violent, but it’s acting. But, at the same time, Bruno might also draw some kind of political torture situation where it’s not consensual. There’s something about the way he translates everything in drawing that makes everything kind of equal. So, what makes one thing okay in its source makes it feel like everything is no longer okay, having been redrawn. And then, to further complicate all this, he’ll add all kinds of notes alongside the drawings. He might add some personal notation about, like, his mother’s birthday or his son’s girlfriend, or something like that. Then, once you take it all together, it really creates this sort of pandemonium of violence.
Um… I don’t know. What’s surprising to me… When I was younger, like a lot of people, I had a curiosity for violent imagery. And, in my experience, most people kind of work their way through that and eventually get to the point where it’s not so interesting anymore. And, I don’t know if this is a good judgement of him either way, but he seems to never not be interested in this kind of material.
When he visited Chicago, I’ve seen how he would navigate bookstores and what kind of things he was drawn to. It was not always the obvious kinds of things that I would expect him to be interested in. I guess he has a very loose attitude towards privacy, both his own and other people’s. So, he’s kept published writings and diaries, talking about what medication he’s taking.
The book he and his late collaborator Pascal Doury made: Pornographie Catholique, the English translation being just “Catholic Pornography.” They talked about how much money they make at their jobs and stuff like that. So it’s not just taboos about representing sex and violence, but also about personal medical histories, money, or privacy involving relationships. The work creates uncomfortable experiences in many different ways, not just through one strategy.
I mean, maybe somewhat? I think it is fiercely independent, or… Bruno has extremely strong opinions about practically everything. From, like, what colour a dessert should be. Like, he’s scolding me for making publications that don’t have page numbers, “Every publication should have page numbers, even if it’s only 16 pages long.” There’s not a single thing I can’t think of that he doesn’t have an extremely precise opinion about.
So there’s all this sort of chaos in his work, but also a very fierce kind of attitude about how things should be. Which, maybe increasingly, is what punk is like. Things are codified in a certain way. Like in the early days of punk, he makes things that are quite repellent and probably intended to be repellent to certain kinds of people. But also, if he cared very much about an audience, he would do things in a completely different way and not publish things in small quantities like 100.
A lot of people in underground music are much more active in the distribution of their work. When he visited Chicago, I encouraged him, “If you bring things that you would like to distribute, there’s a store that would take them, and it’s a good place to…” And he had no interest in that. He was interested in finding other books, not distributing his own. A lot of what’s exciting about having a book made for him is that it gives him a bartering tool to get other things he wants. Not because he loves the people who are interested in the things he makes. He uses them as a tool of exchange. A lot of the publications that were made out of punk culture were made in quite large quantities. And there was an interest in getting them out all over the world. Maybe at one point he had a larger network, but it seems like now his network is more focused on a small number of individuals whose practices he respects. This is a little bit of guessing on my part, but…
I’m sure if Bruno sees this, he will disagree with everything.
And he would insult you for filming it. And he would insult me for sitting in my house, and he’d find something wrong with the house.
And find something wrong with your camera, your phone, and 15 other things. But thank you, Antoine.