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Montréal,

le 27 février 2016

J’ai rencontré Jenny Lin et Eloisa Aquino dans la tente des zines de la New York Art Book Fair, où elles montraient leur travail régulièrement depuis des années. Elles étaient toujours adorables et prêtes à échanger des zines. Aussi, lorsque je suis allé à Montréal, ma priorité était de les interviewer. Malheureusement, Eloisa était à São Paulo pour rendre visite à sa famille, alors je n’ai parlé qu’à Jenny.
Bonjour Jenny, Peux-tu commencer par te présenter, nous parler de toi et de ta maison d’édition ?

OK. Donc, mon nom est Jenny Lin, et je travaille avec Eloisa Aquino. Ensemble, nous avons un projet éditorial appelé B and D Press. Nous travaillons généralement sur nos propres projets, nos propres zines ou livres d’artistes, mais nous travaillons aussi parfois en collaboration avec d’autres artistes.

Nous produisons surtout des zines ou des livres d’artistes qui mélangent textes et images. L’une des séries pour laquelle Eloisa est la plus connue s’appelle The Life and Times of Butch Dykes. Il y a environ onze numéros jusqu’à présent, car elle publie un à trois numéros par an. Il s’agit de petites biographies en images et en texte sur des personnes qui ne se conforment pas au binaire du genre et qui peuvent être identifiées comme gouines. Soit qu’elles s’identifient comme butch, soit qu’elles remettent en question l’idée même de ce que peut être une butch.

Les projets que je réalise sont plutôt du côté de la fiction. Ils mélangent fiction et histoires personnelles, parfois des histoires liées à l’homosexualité, parfois des histoires plus ouvertes, parfois des histoires érotiques.

Quel genre de contenu peut-on trouver dans vos publications ?

Nos publications prennent principalement la forme de zines. D’un côté, certains sont documentaires [principalement ceux d’Eloisa], comme la série Butch Dykes, ou celui intitulé *Pajuba, Le langage des travestis brésiliens, qui se concentre sur des détails de la culture queer au Brésil. De l’autre côté, mon travail jette souvent un regard différent sur des situations fictives qui impliquent des espaces intermédiaires étranges, et parfois ces situations traitent aussi du fait d’être queer.

Tu as mentionné que vos publications sont un mélange de textes et d’images. Les considérez-vous comme des bandes dessinées ou ont-elles une relation avec l’histoire de la bande dessinée ?

C’est une bonne question. Nous sommes toutes deux très intéressées par la bande dessinée, nous en lisons et en collectionnons beaucoup, et elles nous inspirent beaucoup. Mais je pense que nos publications ne correspondent pas à la définition traditionnelle de la bande dessinée, car elles ne suivent pas le format ou le modèle habituel des bandes dessinées. Elles mélangent à la fois l’écriture, la narration et le dessin. Je ne les appellerais pas des bandes dessinées, je suis désolé si ça ne répond pas à la question.

Je ne suis pas sûr que quelqu’un puisse dire avec certitude si vos publications sont des bandes dessinées ou non, elles sont très intrigantes. En fin de compte, la question est de savoir pourquoi vous faites cela.

Je dessine beaucoup, et j’aime travailler avec des récits, et Eloisa écrit beaucoup. Je trouve que travailler dans le format du livre est très intéressant parce que c’est un format séquentiel. Aussi, pour ce qui est d’atteindre un public, c’est plus immédiat que dans le cas des œuvres dans une galerie. Dans une foire de zines, on peut discuter avec les gens. On peut partager son travail, ou le vendre à un prix très abordable et échanger avec d’autres personnes. C’est un contact plus direct avec les personnes susceptibles d’être intéressées. J’aime beaucoup ça.

Vous produisez également des œuvres pour les galeries ?

Eloisa a exposé ses zines dans des galeries avec des versions imprimées plus grandes d’extraits de ses zines. Et j’ai exposé dans des galeries, mais je n’y trouve pas forcément ma place. J’aime montrer des vidéos en projection et j’ai aussi quelques projets sur le Web. Je ne fais pas vraiment un travail qui fonctionnerait bien ou qui occuperait l’espace d’une galerie. Pour moi, il est plus intéressant de travailler dans un format de livre, car les livres d’artistes et les zines sont des objets étranges qui peuvent s’adapter à de nombreux endroits différents ou ne pas s’adapter du tout.

Tu peux nous parler de ta relation avec l’autobiographie et la fiction ? Comme dans Skinny Leg par exemple ?

J’ai fait Skinny Leg en me basant sur une de mes expériences réelles. J’ai eu un accident de vélo en 2011, ce qui est une expérience vraiment banale et qui a fini par affecter ma vie de manière assez dramatique. Cela m’a mise hors service pendant un bon moment ; c’était une expérience vraiment étrange. Pendant le processus de guérison, je prenais des notes et je faisais des dessins, et j’ai décidé d’essayer d’en faire un perzine, parce que j’étais inspirée par d’autres perzines que j’avais vus dans différentes foires de zines. J’ai aussi pensé qu’en transformant cette expérience en récit, je pourrais la partager avec d’autres. Tout le monde s’est déjà cassé quelque chose, et les gens aiment toujours partager ce genre d’histoires. Je voulais faire un livre qui raconte quelque chose, mais qui soit aussi proche de la forme du perzine que les gens connaissent. J’aime l’idée d’une forme préexistante qui se répète encore et encore. Donc, d’une certaine manière, le livre est très banal…

…Mais pourtant, certains aspects paraissent très importants ou spectaculaires parce que tu montres comment quelque chose de très banal peut bouleverser la vie d’une personne.

Oui, comment ça peut affecter ta vie d’une manière à laquelle tu ne t’attendais pas.

Tu as réalisé les dessins pendant ta convalescence ou après ?

Surtout après, car pendant l’expérience, j’avais tellement de mal à me concentrer que je n’étais même pas capable de dessiner. Et les dessins que je faisais étaient d’une horreur dérangeante. Mon espace mental était vraiment éparpillé, dans tous les sens du terme. Il m’a semblé important de transformer cette expérience en dessin et en écriture.

Dans la plupart de vos publications, on peut trouver une combinaison de textes et d’images, mais celle-ci, Carmilla de Joseph Sheridan Le Fanu est de la pure littérature, pouvez-vous nous dire pourquoi vous avez décidé de la publier ?

Eloisa a décidé de publier un roman préexistant, à titre expérimental. En raison de son âge, il était déjà dans le domaine public. Ce livre est considéré comme la première histoire de vampires lesbiennes et nous avons pensé qu’il serait intéressant de relier cette œuvre aux thèmes queer développés dans nos publications.

Y a-t-il une publication dont vous voulez nous parler ?

Nous avons réalisé Food Taboos dans le cadre d’un projet auquel nous avons été invités à participer par Jamie Q, un artiste qui vivait à London, en Ontario. Jamie avait ce projet, qui s’appelait la Tiny Weeny Zine Machine. Il invitait des artistes à créer de minuscules zines de 2,5 cm sur 2,5 cm, afin de les placer dans une machine à boules de gomme. Je pense que la Tiny Weeny Zine Ma-chine a eu au moins deux ou trois séries et a duré autant d’années, avec dix artistes ou plus invité.e.s à chaque fois. Eloisa et moi avons listé tous les aliments que différents types de personnes ne mangent pas. Eloisa a écrit et j’ai fait les dessins.

Eh bien, merci beaucoup, Jenny.

Merci Antoine.

Montreal,

February 27th, 2016

I met Jenny Lin and Eloisa Aquino in the zine tent of the New York Art Book Fair, where they have been regular exhibitors for years. They were always delightful and ready to trade zines. So when I was in Montreal, my priority was to interview them. Unfortunately, Eloisa was in Sao Paulo visiting her family, so I only talked to Jenny.
Hello Jenny, Can you start by introducing yourself? Tell us who you are and what your imprint is.

Ok. So my name is Jenny Lin, and I work with Eloisa Aquino. Together,  we have a press called B and D Press. We usually work on our own projects, our own zines, or artists’ books, but we also sometimes work in collaboration together and in collaboration with other artists as well.

We mostly produce zines, or artists’ books, that incorporate texts and images. One of the series that Eloisa is most known for is called “The Life and Times of Butch Dykes.” There are about eleven issues so far, as she releases one to three issues a year. They are small image-text biographies about people who do not conform to the gender binary and might be identified as butch. They either self-identify as butch, or bring into question this idea of what a butch can be.

The projects that I make tend to be fiction-based. They blend between fiction and personal stories—sometimes queer-related stories, sometimes more open-ended stories, sometimes erotic stories.

What kind of content can we find in your publications?

Our publications mostly take the form of zines. On the one side, some of them are documentary (mostly Eloisa’s), like the Butch Dykes series or the one called Pajuba, The Language of Brazilian Travestis, that focuses on details of the queer culture in Brazil. On the other side, my work often takes a different look at fictional situations that involve a weird in-between space, and sometimes these situations deal with queerness too.

You mentioned that your publications are a mix of text and images. Do you consider them comics, or do they have a relationship with comics history?

I guess that’s a good question. Both of us are very interested in comics; we read and collect a lot of comics and feel inspired by them. But I guess that our publications do not fit in the traditional definition of comics, as they do not follow a format or a pattern that comics usually have. They blend in between writing, narration, and drawing. I wouldn’t call them comics. I am sorry if that does not answer the question.

I am not sure anyone could tell for sure if your publications are comics or not; they are very confusing. Ultimately, the question is: why do you do that?

I draw a lot and like to work with narratives, and Eloisa writes a lot. I find that working in a book format is very interesting because you can work in a sequential format. Also, in terms of reaching out to audiences, it feels more immediate compared to making work for a gallery context. You can have conversations with people at a zine fair. You can share your work, sell it for a very affordable price, and trade with other people. It feels like more direct contact with whoever might be interested. I like that a lot.

Do you also produce gallery-type works of art?

Eloisa has shown her zines in gallery contexts with larger printed versions of excerpts from her zines. And I have shown in galleries, but I tend to think that I do not necessarily fit completely. I like to show videos in a video screening and also have some web-based projects. I don’t really make work that would work well or occupy the space of a gallery. To me, it feels more interesting to work in a book format, because artists’ books and zines are strange objects that can fit into many different places or do not fit at all.

Can you tell us about your relationship between autobiography and fiction? Like in Skinny Leg, for example?

I made Skinny Leg based on a true experience of mine. I had a bike accident in 2011, which is a really banal experience, and it ended up affecting my life in quite a dramatic way. It put me out of commission for quite a while; that experience was really strange. During the healing process, I was taking notes and making drawings, and I decided to try to make them into a perzine, because I was inspired by other perzines that I had seen at different zine fairs. I also thought that by making a narrative format out of this experience, I could share it with others. Everyone has a bone-breaking story, and people always like to share these kinds of stories. I wanted to make a book that would be revealing while also following a similar perzine formula that people are familiar with. I like this idea of a pre-existing formula that just gets repeated over and over again. So in a way, the book is very banal…

…But yet, you managed to make it feel very important or spectacular because you showed how something very banal can become so important in one’s life.

Yes, how it can affect your life in ways that you wouldn’t expect.

Did you make the drawings during your recovery or after?

Mostly after, because during the experience, I was having such trouble concentrating that I wasn’t even able to draw. And the drawings that I would do were so disturbingly horrible. My mind space was just really scattered and all over the place. It felt useful to process that experience into drawing and writing.

In most of your publications, we can find a combination of texts and images, but this one, Carmilla by Joseph Sheridan Le Fanu, is pure literature. Can you tell us why you decided to publish it?

Eloisa decided to publish a pre-existing novel as an experiment. Because of its age, it was already in the public domain. It is considered to be the first lesbian vampire story, and we thought it would be interesting to connect that work with the queer themes developed in our publications.

Is there a publication that you want to tell us about?

We made Food Taboos for a project that we were invited to participate in by Jamie Q, who is an artist that used to be based in London, Ontario. Jamie had this project, which was called the Tiny Weeny Zine Machine. They invited some artists to make really tiny zines that would be 1 by 1 inch in order to put them in a gumball machine. I think the Tiny Weeny Zine Machine had at least two or three series and lasted as many years, with ten or more artists invited each time. Eloisa and I did this collaboration about all the foods that different types of people don’t eat. Eloisa did the writing, and I did the drawings.

Well, thank you very much, Jenny.

Thank you, Antoine.

Pajuba
Eloisa Aquino, *Pajuba*, Montreal, B&D Press, 2015, 12,8 x 16,5 cm, impression riso, 20 pp. Eloisa Aquino, *Pajuba*, Montreal, B&D Press, 2015, 12,8 x 16,5 cm, riso printing, 20 pp.
The Queers
Jenny Lin, *The Queers*, Montreal, B&D Press, 2015, 13 x 19 cm, photocopie couleur, 44 pp. Jenny Lin, *The Queers*, Montreal, B&D Press, 2015, 13 x 19 cm, color photocopy, 44 pp.
The Life and Times of Butch Dykes
Eloisa Aquino, *The Life and Times of Butch Dykes* series, Montreal, B&D Press, 4"x 5", impression laser , 16 pp. chacun. Eloisa Aquino, *The Life and Times of Butch Dykes* series, Montreal, B&D Press, 4"x 5", laser printing, 16 pp. each.
Naked on the 6 train : M4M
B&D Press, *Naked on the 6 train : M4M*, Montreal, B&D Press, sans date, 2,5" x 4", photocopie, 8 pp. B&D Press, *Naked on the 6 train : M4M*, Montreal, B&D Press, no date, 2,5" x 4", photocopy, 8 pp.